Mercredi 18 novembre 2020, des juges ont requis des peines contre le quotidien LIBERTE et le 9 décembre prochain, un délibéré viendra confirmer ou infirmer la réquisition du Procureur Placide Clément Mawunou auprès du président Clément Gnon. Condamner parce que le journal a écrit que des juges auraient reçu des pressions pour ne pas délivrer d’ordonnance de saisie du domicile de Julie Béguédou, n’est-il pas une manière de se venger du fait que les deux juges précités avaient été dénudés dans un passé récent par le même journal ? Surtout quand le Procureur Clément Mawunon vitupère : « Trop, c’est trop ! »
Il est très facile de s’attaquer à une presse critique plutôt qu’à une autorité qui parle de corruption des juges sans apporter de preuves.
Lancement de la directive n°001/2013/CSM le 27 mars 2014 à la salle Agora Senghor à Lomé portant sur l’éthique et la déontologie du magistrat. L’actuel ministre de la Justice Pius Agbetomey était Inspecteur général des affaires juridictionnelles et pénitentiaires. Devant une salle comble, il avait osé dénoncer les actes de certains juges qui ont toujours ramé à contre-courant de l’ordre et la morale. « Certains magistrats continuent de se comporter avec beaucoup d’indélicatesse, d’indifférence et de mépris en se fourvoyant dans des attitudes peu honorables pour le corps, arrachant ainsi à de pauvres justiciables des soupirs, des cris et des pleurs », avait asséné l’Inspecteur général qui, excédé, avait été jusqu’à demander : « Nous mêlerions-nous de quelque chose si chacun de nous faisait correctement son travail dans le respect des règles de droit, de la bonne conscience professionnelle, du respect de l’autre, et surtout de la crainte de Dieu ?». Et de prévenir les indélicats qu’en ce qui le concernait, il ne se tairait jamais devant les écarts des juges. Nous y étions. Les juges Placide Clément Mawunou et Clément Gnon peuvent-ils réclamer des preuves des propos de Puis Agbetomey ? Et pourtant, ils avaient bien dit « certains magistrats ». Tout comme le journal LIBERTE a écrit que la débitrice « userait de son influence pour faire pression sur les magistrats afin d’empêcher ces derniers de délivrer l’ordonnance de saisie des biens ». A moins que les deux juges ne soient guidés dans leur jugement que par le désir de se venger d’un organe de presse les ayant éclaboussés dans un passé récent. Oui, parce que les deux juges ont probablement peu apprécié que leurs personnes soient exposées en public, mais pas de la meilleure des manières.
Dans notre parution n°3051 du 21 novembre 2019, nous titrions : « Des juges participent à la surpopulation carcérale : Le 1er Substitut du Procureur, Placide Clément Mawunou, ébloui par une dame, dépose le jeune amant de cette dernière en Prison ». Les faits que nous avions relatés, se résument ainsi : « Depuis le 26 août 2019, l’étudiant Agbonou Richard est déposé à la prison civile de Lomé, sur ordre de Placide Clément Mawunou, 1er Substitut du Procureur de la République. Ceci, après 48 heures passées au commissariat de Djidjolé. Pour comprendre ce dont le jeune étudiant est accusé, nous nous sommes présentés au Substitut. Il nous a expliqué que c’est un crime sexuel commis par l’étudiant. « Le dossier est plus compliqué et il fait croire qu’elle lui a loué », a relevé le Substitut qui nous a servi la version à lui racontée par la plaignante, Malika Issa Touré, âgée au moins de 27 ans, donc de 4 ans l’aînée de l’étudiant Richard. Pour le Substitut, la femme aurait été droguée par l’étudiant lors d’une sortie en boîte avant d’être emmenée en taxi par celui-ci et violée. Il aurait obtenu le numéro de celle-ci par l’entremise d’un frère ainé et aurait commencé à faire chanter la femme après l’avoir violée ; et c’est excédée que dame Malika aurait décidé de porter plainte. Le substitut nous a précisé que ce n’est pas facile pour une femme de parler de cette situation, raison pour laquelle elle aurait subi les chantages. Nous avons remercié le substitut qui, soit dit en passant, a loué la démarche entreprise pour recouper les informations ». Malheureusement, nous ne nous étions pas arrêtés à la seule version du Procureur Mawunou.
« Non convaincu par les propos du juge, nous nous sommes rendus à la prison civile de Lomé où nous avons échangé avec Agbonou Richard. Ce qu’il nous a raconté semble en totale contradiction avec ce que le juge nous a dit et qui l’a décidé à déposer l’étudiant. Dans le registre de la prison civile, ce sont des charges de vol, viol et chantage qui sont retenus contre Agbonou Richard. Mais les faits tels que racontés par celui-ci méritent-ils un mandat de dépôt, ou bien le juge aurait-il été charmé par la jeune dame ? Mais puisque le juge Placide Clément Mawunou n’a pas pris le temps de considérer que cet étudiant est aussi et d’abord un homme qui mérite considération, mais a choisi de s’en tenir aux propos d’une femme en mal de sensations fortes pour préférer le dépôt au principe d’interrogation à charge et à décharge, nous avons fait le boulot à sa place. Début décembre 2018, Richard, dame Malika, une amie à celle-ci nommée Yayra et son copain à elle, Yao s’étaient retrouvés au bar La Rumba pour se recréer. Richard était arrivé en retard, ce qui n’avait pas plu aux autres. Deux semaines plus tard, rebelote, il refait le même coup au groupe en arrivant en retard au même endroit. La tension serait montée entre les amis de Malika et Richard dans les toilettes, ceux-là estimant que celui-ci n’accordait pas assez d’égard à leur amie. Ce fut Malika qui calma le groupe. 31 décembre 2018, avant une autre sortie, la dame remit 35.000 FCFA à son Richard avant d’aller rejoindre ses amis au bar. Elle appela son gars de les rejoindre dans la nuit, ce que celui-ci fit à contre cœur. Et quand il arriva, il utilisa l’argent que sa protectrice lui a remis quelques heures avant pour s’offrir de la bière et rester au comptoir. Visiblement, la femme était déjà « au fond de la bouteille » et titubait à vue d’œil. A contre cœur, Richard ravala sa colère et se décida à la raccompagner. Alors qu’il l’avait laissée à l’entrée du bar, le temps de trouver un taxi, la dame trébucha et tomba. Au lieu de l’emmener à la maison, puisque jamais ils ne se voyaient que les nuits, Richard la conduisit dans un centre de soin situé derrière le lycée technique et régla la facture évaluée à 7.400 FCFA avec une partie de l’argent que dame Malika lui avait remis plus tôt dans la soirée. C’est cet incident dont s’est servie cette femme pour accuser de vol d’une somme de 80.000 F son amant. Or, et certainement que le substitut l’ignore, les amants avaient commencé à se fréquenter depuis octobre 2018, et ils avaient même fait un pacte de sang sur insistance de la dame… ».
Nous avions appris que cet article a donné de l’urticaire à un Procureur de la République qui se trouve être celui qui requiert 1,5 million FCFA contre LIBERTE et 30 jours de suspension de parution.
Quant au juge Gnon Clément, il avait indûment pris part à la distribution de lots au quartier Agoè-Klévé dans une affaire où les « donateurs » des juges avaient, pour gagner le procès, falsifié le cachet et la signature, donc fait du faux et usé du faux pour arriver à leurs fins. «…Dans l’arrêt N°23 du 16 juin 2005 (ci-dessous un extrait) ayant confirmé le jugement corrompu N°1088/97 du 19 décembre 1997 du juge Assogbavi, le juge Gayibor était le président, Bannerman le greffier, et Anani, Donu, Eklu-Boko puis Gamatho étaient membres. Mais il faut préciser que d’autres noms sont aussi cités dans le jugement N°037/2009 du 9 janvier 2009 ayant consacré la reddition de comptes et le partage des lots : le juge Gnon Clément, le Dr Bayor, le député Sogoyou, l’avocat Bleounou Komlan, le juge Palamwè Ayim (conseiller à la cour d’appel), et plein d’autres encore s’en sont vu attribuer. L’audience était conduite par WottorKokou Amégboh, Président, Abra Mivassé Kpodar, greffier, en présence de M. Robert Baoubadi Bakaï, Procureur de la République… », avions-nous relaté dans la parution n°2670 du mercredi 09 Mai 2018.
Voilà deux juges qui avaient croisé la route du journal du mauvais côté et qui apparemment, cherchaient l’occasion pour régler leurs comptes à l’organe de presse. La plaignante avait requis qu’il lui soit versé 1 franc symbolique et que la décision du tribunal soit reproduite dans le journal. Mais certains veulent saisir l’occasion pour se venger en demandant au journal de dire de quel sexe sont les anges.
Godson K./Liberté N°3281 du Lundi 23 Novembre 2020