Au travers du communiqué sanctionnant le dernier conseil des ministres, l’on apprend que 53,7% sera la part des ressources budgétaires affectées aux secteurs sociaux. A priori une bonne nouvelle. Sauf que depuis plusieurs années, le Chef de l’Etat dit se consacrer au social. Mais sur le terrain, c’est une autre réalité. L’extrême pauvreté est encore très présente. Un constat partagé par plusieurs observateurs.
Examiné le 12 novembre 2020 en conseil des ministres, le projet de loi de finances 2021 est annoncé à 1.521,6 milliards de F CFA (environ 2,75 milliards USD) en charges et ressources contre 1.638 milliards de FCFA dans la loi de finances rectificative 2020, soit une baisse de 7,1%. Selon l’exécutif, cette loi de finances traduit la mise en œuvre intégrale du budget programme et consacre une bonne partie aux secteurs sociaux, y compris la protection sociale. « La part relative de ces secteurs dans le projet de budget, exercice 2021, est de 53,7% des crédits budgétaires contre 52,9% dans le budget 2020 », indique-t-on. De façon concrète, 445,1 milliards FCFA y seront octroyés, contre 401,7 milliards dans le budget 2020, soit une hausse de 10,8%.
Une promesse n’est pas une dette…
Réélu pour un troisième mandat à la magistrature suprême en avril 2015, Faure Gnassingbé a promis mettre le bien-être de ses compatriotes au cœur de ses actions. Une promesse tambourinée durant la campagne électorale. Mais depuis, très peu de togolais ont vu une amélioration dans leur vie quotidienne.
Curieusement vers la fin du mandat, les promesses ont été actualisées avec un budget conséquent. C’est ainsi qu’il a été annoncé que dans le budget 2020, 46,8% des ressources budgétaires étaient affectées aux secteurs sociaux : santé, éducation, agriculture, électrification rurale, et bien d’autres. A titre d’exemple, le secteur de la santé obtenait 41% d’évolution avec, notamment, la construction et la réhabilitation de centres de santé.
Une curiosité quand on sait aujourd’hui les conditions désinvoltes dans lesquelles le personnel soignant travaille. Cette précarité a été encore mise en vitrine par la crise sanitaire avec des carences déplorables dans le système de santé du Togo. Ces faits sont dénoncés depuis des années par les professionnels de la santé mais la situation n’a guère changé. D’ailleurs ils s’apprêtent encore à organiser des mouvements d’humeur dans les prochains jours. La question se pose de savoir où a été investi la part du budget 2020 destiné à ce secteur ?
Et ils ne sont pas les seuls. En effet, outre les praticiens hospitaliers, comme annoncé, les enseignants étaient en cessation de travail cette semaine. Eux aussi revendiquent de meilleures conditions de travail et le respect des engagements pris par l’Etat. Au-delà de ces deux secteurs, la grogne sociale se propage. Il faut dire que la précarité touche de plus en plus de monde au Togo.
On en était là quand on est venu tambouriner sur les résultats de l’enquête Ehcvm de l’Uemoa qui a déclaré une baisse du taux de pauvreté au Togo. Selon cette enquête, l’indice de pauvreté qui était à 51,1% depuis 2015 a connu une baisse passant à 45,5%. Mais ce qu’on a caché aux Togolais, est que les recommandations adossées au document final ont bien notifié que ces résultats ne sont point édifiant sur la réalité, en ce sens que les matrices prises ici ne sont pas efficaces pour donner les vraies informations. L’Ehcvm s’étant limité juste aux chefs-lieux des régions, seuls les outils de l’enquête Quibb qui descende dans les profondeurs de la société peut permettre d’avoir des résultats acceptables sur les vraies réalités. Et ces précisions on a les occultés royalement. Normal ! Il est plus qu’évident que le désespoir et la frustration généralisée perdure dans le pays.
Interpellé régulièrement sur la situation sociale dans le pays, le Chef de l’Etat s’est mu dans un silence assourdissant avant de donner une explication en novembre 2019 qui a laissé bon nombre d’observateurs sans voix. « J’ai reçu des lettres des associations de consommateurs qui disent que monsieur le président vous avez dit mandat social mais vous avez augmenté tel prix ou tel autre prix. Mandat social oui, mais si vous gérez mal, vous ne pouvez pas faire le social parce qu’aujourd’hui, le poste le plus élevé dans le budget, c’est le remboursement de la dette », a déclaré Faure Gnassingbé à l’occasion de la présentation du rapport « Doing business » du Togo en 2019. « J’aurais préféré que ce soit l’éducation, l’agriculture ou la santé. Mais la réalité à laquelle je suis confrontée est que je veux rembourser mes dettes », a-t-il souligné avant de préciser que « s’il y a du laxisme dans la gestion, on ne pourra pas financer le social ».
A la lumière de cette déclaration, il est établi que le bien-être promis aux togolais n’est pas pour bientôt surtout au vu de l’endettement du pays. « Depuis 2018, près de 50% du budget est constamment consacré au payement des dettes. Une réalité cachée qui avait lesté les premiers pas du Pnd (Programme national de développement). Et parallèlement on a toujours annoncé que la moitié des mêmes budgets consécutifs sera consacré au social. Paroles, rien que des paroles. Est-il qu’à la fin le curseur de la pauvreté qui est quasiment tributaire du social n’a point bougé au point qu’on a dû se résoudre à procéder à un exercice de rebasage du PIB pour maquiller la réalité. Au terme de l’exercice, le Togolais a été déclaré plus riche qu’on ne le déclarait avant. C’est à rire tout simplement. Ce rebasage qui réduit donc le taux d’endettement ouvre ainsi le boulevard à l’appétit du pouvoir de contracter plus de dettes sur le dos du contribuable », analyse un observateur.
En définitive, comme l’a si bien souligné le Chef de l’Etat, la mauvaise gouvernance ne peut permettre de financer les projets sociaux. C’est à se demander qui cautionne la mauvaise gouvernance dans le pays. Illustration a été encore donnée dans l’affaire de détournement de plus 500 milliards de FCFA dans l’achat des produits pétroliers. Et comme toujours, les noms cités dans ce scandale financier de plus continuent de la couler douce aux yeux des milliers de togolais qui trouvent difficilement un repas par jour. Paroles, paroles, encore des paroles.
FRATERNITE