« Celui qui, une fois, a goûté à l’ivresse de la domination et du commandement ne peut plus s’en passer » (Stefan Zweig)
A l’instar de Yoweri Museveni et de Denis Sassou Nguesso, le Maréchal Idriss Déby Itno a été investi candidat pour un sixième mandat à la tête du Tchad. Le dictateur tchadien est donné grandissime favori pour le scrutin présidentiel du 11 avril 2021. Peut-il en être autrement quand on sait que depuis 30 ans qu’il trône au sommet du Tchad, Idriss Déby, fidèle à des méthodes staliniennes désuètes, a toujours « remporté » toutes les élections dès le premier tour ? La présidentielle du 11 avril prochain ne devrait être qu’une simple formalité pour lui.
« Si l’émotion d’être investi candidat à une élection présidentielle est toujours forte, celle que je ressens aujourd’hui a une portée plus grandiose. Permettez-moi, mes frères et soeurs, de vous dire que c’est après une mûre et profonde introspection, que j’ai décidé de répondre favorablement à cet appel, cet appel du peuple », a déclaré le dictateur tchadien, devant les militants de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS).
Avec l’appui de la France et du Soudan, Idriss Déby chasse, le 2 décembre 1990, Hissène Habré du pouvoir. Il devient officiellement président de la République du Tchad le 28 février 1991, après adoption d’une Charte nationale. Depuis lors, il dirige le Tchad d’une main de fer et remporte à tous les coups les élections qu’il a organisées.
Comme dans toute dictature qui se respecte, les libertés publiques au Tchad sont étouffées. Les manifestations organisées samedi 6 février par l’opposition pour protester contre le 6ème mandat du dictateur et pour réclamer plus de justice sociale et l’alternance politique, ont été réprimées. Une centaine de manifestants ont été arrêtés et inculpés pour troubles à l’ordre public. Certains manifestants et responsables de l’opposition ont dû trouver refuge à l’ambassade des Etats-Unis, encerclé par les forces de répression de Déby.
Malgré les violations des droits humains dont se rend régulièrement coupable son régime, le dictateur Idriss Déby est soutenu sans faille par la France qui voit en lui un allié dans la lutte contre les djihadistes. Par deux fois, l’armée française a dû intervenir au Tchad pour sauver en 2008 le Maréchal des rebelles qui l’avaient encerclé dans son palais et en 2019 en bombardant la colonne rebelle qui marchait sur N’Djamena, la capitale.
« La France a une responsabilité particulière : soutien historique de Idriss Déby, elle en a fait un allié incontournable de son implantation militaire dans le Sahel qui, au nom d’une prétendue stabilité, permet le maintien d’un pouvoir autoritaire. Prompte à donner des leçons de démocratie à la Russie de Poutine ou à la Turquie d’Erdogan, la France ferme les yeux quand il s’agit des dictateurs de son pré carré africain », a dénoncé Patrice Garesio, coprésident de Survie. Selon lui, « au nom de la lutte contre le djihadisme, la France soutient un régime autoritaire qui terrorise sa population et les militants des droits humains, le récent don de 9 blindés de la France à l’armée tchadienne en est le dernier fait visible ».
On note des faits similitaires au Togo où, au nom justement de la lutte contre le djihadisme, Emmanuel Macron encense le régime en place depuis 54 ans. En 2019 et 2020, la France a livré au Togo des hélicoptères Gazelle à la garde présidentielle pour plusieurs milliards de FCFA.
Médard AMETEPE / Liberté N°3324 du 10-02-21