Moi qui suis issu du Togo et du Gabon, je n’ai jamais joui d’un Etat de droit, ne connaissant de Lomé à Libreville qu’une dictature bâtie sur les socles de la françafrique. Alors qu’au Gabon, un général vient de mettre brutalement un terme au règne d’Ali Bongo, mon regard se tourne vers mon Togo. Et du fait de la similitude des deux pouvoirs, je me demande naturellement si la fin de l’histoire s’écrira de la même manière dans le second cas.
En effet, les deux pays ont subi ces dernières décennies une trajectoire politique similaire. Gnassingbé Eyadéma au Togo et Omar Bongo au Gabon ont pris le pouvoir la même année. Et de la même manière que Faure Gnassingbé, Ali Bongo s’est imposé, après le décès de son père, à la tête de l’Etat par une élection sur mesure, instaurant ainsi des successions dynastiques. Dans les deux pays, le père et le fils cumulent 56 ans de règne.
C’est dans ce contexte peu reluisant que les militaires interviennent au Gabon. Ils expliquent que la manipulation de la Constitution et l’instrumentalisation des élections sont des éléments qui ont motivé leur intervention contre Ali Bongo. Il était dans sa 14ème année de pouvoir.
Comment le chef de l’Etat togolais peut-il vivre la chute de son ami ?
Même s’il ne s’est pas prononcé publiquement depuis l’annonce du coup d’Etat contre Ali Bongo, Faure Gnassingbé ne peut sans doute pas rester indifférent au sort de son ami. Dans sa détresse, celui-ci a lancé sur les réseaux sociaux un appel au secours très pathétique, en anglais. Preuve qu’il ne s’adressait pas au peuple qui dansait pendant ce temps. Malgré ce cri de désespoir, personne, ni en Afrique centrale ni au niveau international, n’appelle au retour d’Ali Bongo au pouvoir, contrairement à la grande mobilisation de la CEDEAO et de la France autour de Mohamed Bazoum qui aussi a subi un coup d’Etat militaire au Niger.
Ali Bongo est abandonné à son triste sort, par tous les Etats, toutes les entreprises et par tous les individus que sa mauvaise gouvernance enrichissait. Il comptait sur eux, il était confiant, ils l’ont ignoré. Une leçon qui doit servir à d’autres.
De plus, en mettant en avant la mauvaise gestion du pays et en soulignant le caractère frauduleux des élections, les militaires qui ont pris le pouvoir au Gabon mettent ainsi en lumière les maux que les Togolais dénoncent chez eux.
Au final, compte tenu de toutes les similitudes dans l’histoire politique des deux pays, la fin du règne des Bongo met intensément les projecteurs sur le régime des Gnassingbé.
Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est légitime de se demander si le régime togolais connaitra le même sort. Au-delà de cette interrogation, la question utile qu’il faut se poser est de savoir si le chef de l’Etat togolais peut avoir une fin de règne différente.
Faut Gnassingbé, peut-il éviter un coup d’Etat ?
La réponse est clairement oui. Toutefois, pour qu’il en soit ainsi, il lui faut d’abord renoncer au 5e mandat, après 20 ans de pouvoir. Forcer le passage sera pour lui très difficile à tenir, compte tenu du ras-le-bol des Togolais et des conditions qui prévalent actuellement en Afrique de l’Ouest avec la cascade de coups d’Etat. Ses amis, tant en Afrique qu’en France et à travers le monde, doivent lui recommander fortement de s’abstenir de se représenter à la magistrature suprême.
D’autre part, le chef de l’Etat togolais devra organiser l’élection présidentielle de 2025 de manière transparente et équitable, ce qui impose la reprise du code électoral ainsi que la manière dont fonctionnement les institutions impliquées dans le processus électoral, notamment la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et de la Cour constitutionnelle. Va-t-il se résoudre à ce renoncement, comme Macky Sall l’a fait au Sénégal ? Lui seul détient la réponse.
Si, contrairement à cela, le chef de l’Etat togolais pense prévenir une action militaire contre son régime en renforçant son emprise sur l’armée d’une façon ou d’une autre, alors il prend plutôt le risque d’augmenter les probabilités de subir le triste sort de son ami.
Va-t-il à nouveau défier le peuple dans 18 mois, avec l’intention de mater les contestataires comme d’habitude, alors que l’environnement a changé ?
Quoi qu’il en soit, les Togolais doivent être très vigilants pour que l’entourloupe d’une révolution de palais ne vienne dégager le chef pour mieux perpétuer le système. L’heure du changement auquel les Togolais aspirent et pour lequel ils se battent depuis tant de décennies, est là. C’est le moment d’être encore plus combatifs et encore plus efficaces.
Gamesu
Nathaniel Olympio
Président du Parti des Togolais