Le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Togo, voici les pays qui souffrent de la fermeture de leurs frontières avec le Nigeria depuis le 20 août dernier. Dans ce protectionnisme aux élans d’une guerre économique, deux réalités nous intéressent: celle du Bénin et du Togo.
Depuis que les recensements objectifs ne sont plus possibles au Togo, les estimations portent la population de notre pays à 7 ou 8 millions d’âmes, les Béninois font plus de 11 millions contre le Nigéria avec 191 millions d’habitants. Ce pays n’est pas seulement un géant pour la sous-région mais un des deux géants du continent noir. Sans crier gare, le pays de Buhari a fermé toutes ses frontières. Officiellement, les raisons tiennent à peine debout. Au regard des signes précurseurs par rapport aux relations économiques tendues entre le Nigeria et le Bénin et à la lumière des informations à notre Rédaction, le Bénin est la raison fondamentale qui a conduit à la fermeture des frontières dont souffrent depuis quelques semaines tous ces pays et le Togo avec.
Bien que les mécontentements du Nigeria contre ces pays soient évidents, la goutte d’eau qui a débordé vient du Bénin. Le Nigeria, bien qu’un pays-continent dont les frontières sont propices aux trafics de tout genre, a décidé de mettre de l’ordre dans les désordres frontaliers d’une façon générale même s’il a des comptes personnels à régler au Bénin. Si le Togo est devenu un pays poubelle où tous les voisins peuvent déverser leur desideratum pour peu que la survie du palais de la Marina ne soit pas entacher, le Nigeria veut prouver que son territoire n’est pas une friperie ouverte au premier venu. MOHAMADU Buhari semble en avoir assez d’un « petit voisin » qui piétine les règles élémentaires de la cohabitation et résume tout à ses cartels de famille. Les détracteurs du Nigeria diront que Buhari se comporte comme si les autres voisins sont ses sous-préfectures, mais reconnaissons que certains chefs d’État font preuve d’un incivisme économique envers les autres voisins et surtout leur propre peuple. Parmi ces pays assis sur les facilités frontalières dans la contrebande, le Togo et le Bénin intéressent notre enquête. Les comportements pour lesquels Talon mérite un tapis rouge au Togo lui coûtent la survie économique au Nigeria.
Qui est Talon ?
Le peu qu’on peut dire est que Patrice Talon est un président qui s’est enrichi de toutes les couleurs de trafics et contrebandes avec les régimes précédents. Une fois au pouvoir lui-même, connaissant parfaitement ses anciens collègues dans les mauvaises pratiques en affaire, il dit avoir raccroché avec l’illicite et demande aux anciens amis d’en faire de même afin, dit-t-il, de « construire le pays ». Il a donc demandé aux vieux collègues de divorcer avec les anciennes pratiques. Mais que nenni, les pratiques ont continué, sauf que Monsieur Talon ne compte pas se limiter au discours. Il sacrifie donc une brebis pour donner l’exemple aux autres. C’est pour l’une de ces pratiques que Sébastien Ajavon, l’un des anciens compagnons dans la contrebande et autres trafics, est accusé par Talon dans l’affaire des 18 kilos de drogue saisi au port de Cotonou. Un conteneur destiné à cet homme d’affaire Togolo-béninois est saisi au port de Cotonou avec cette importante quantité de drogue. Tout le monde a crié haro sur Patrice Talon à l’époque parce qu’on le croyait à la trousse d’un adversaire dérangeant. Pire, on y voyait une ingratitude si on sait que Talon a eu besoin de l’alliance d’Ajavon pour être président. Mais ce que les partisans de monsieur Ajavon appelaient un montage de Talon pour se débarrasser de leur idole et bienfaiteur n’était pas faux sur toute la ligne. De nos informations, il est possible que, par imprudence, le transport du conteneur contenant la drogue ait utilisé les mêmes codes qui s’utilisaient quand ceux qui disent être repentis étaient encore en activité. Dans ces conditions, il va sans dire que, c’est avec les yeux fermés que le régime de Talon mettra la main sur le conteneur incriminé. Un adage dit si bien que «lorsqu’un crabe te dis que le poisson aussi ronfle, il ne faut pas nier». Tout le monde sait comment certains deviennent multimilliardaires au Bénin, Talon et Ajavon se connaissent parfaitement.
L’affaire a fait grand bruit, mais c’est Ajavon qui a fini par lever l’ancre pour vivre en exil et naturellement ses activités ont laissé du terrain à Talon. Talon, fils de Négrier, converti aux Affaires puis à la politique, reste l’incontournable décideur du Pays. Qu’un homme d’affaires, quel que soit les couleurs de ses affaires, ait décidé de divorcer avec les réseaux obscures pour se lancer en politique afin de « construire son pays » est une bonne chose. Mais la question est de savoir si en écrasant ses anciens amis, Talon a réellement divorcé avec ces affaires. Plus on avance, plus la réalité révèle que non. Le trafic ce n’est pas seulement la drogue, c’est toute activité qui pompe l’Etat au profit des individus, donc la contrebande, le monopole ou quasi-monopole sur certains produits. Dans ce domaine, monsieur Patrice Talon s’y connait et c’est un aspect de ce comportement qui irrite le Nigeria.
Les griefs d’un géant
Aliko Dangote est comme le FMI, Fond Monétaire International, pour le Nigeria, sa voix compte quand on parle des affaires dans son pays, il est le plus riche homme d’affaire en Afrique. Il a fait des révélations sur le comportement du président Béninois qui dit défendre les intérêts de son pays. Dangote a plusieurs filiales dans au moins 14 pays africains pour ses activités, mais le Bénin est l’un des pays qui lui ont le plus résisté.
Dangote regrette le fait que son entreprise ait une usine de fabrication du ciment à 28 km du Bénin, pendant que le Bénin importe du ciment de la Chine et pourtant ce dernier ciment n’est pas moins cher que le sien. En économie, le poids et le débouché que représente chaque partenaire compte. Le Bénin a-t-il la capacité de rentrer dans un bras de fer avec le Nigeria ? Le partenariat en ciment avec la Chine doit-il empêcher le Nigeria de vendre son ciment au Bénin ? Ces questions ouvrent un débat où chacun aura un point de vue valable à tout égard. C’est aussi à se demander à quoi servent les bonnes intentions des accords CEDEAO dans la coopération sous régionale?Certains diront que c’est un choix d’un pays souverain, nous sommes d’avis.
Aliko Dangote a des milliers de camions qui, transportant des tonnes de ciment, doivent traverser le territoire béninois pour approvisionner des pays qui acceptent ses produits, entre autres le Togo. Mais Monsieur Talon a surtaxé ces camions et chaque traversée du territoire béninois devait coûter 100 000 CFA par camion à Dangote. Malheureusement une bonne partie de ces taxes va au cartel de Talon. Malgré cette saignée, la douane a fait beaucoup de misère à ces camions dont certains sont carrément saisis. Aussi, de nos informations, les voitures d’occasion venues d’Europe s’exportent assez vers le Nigeria, présentement le Nigeria produit ses propres voitures. Les riz de tous les pays du monde s’importent au Bénin et au Togo et s’exportent ensuite vers le Nigeria, présentement le Nigeria a assez investi dans la production du riz local et il n’a plus besoins d’être envahi par la contrebande des pays dirigés par des autorités partisans de moindre effort qui ne projettent l’avenir de leurs peuple que sur ce que les autres ne veulent plus ou sur le trop plein des autres productions. Bref, il existe toute une liste de produits qui font les bonnes affaires du Bénin et par extension du Togo, mais dont le Nigeria n’a plus besoin pour avoir trouvé une solution locale.
Où se trouve le Togo ?
Pendant que les voisins se battent avec des mesures de protectionnisme et autres chantages pour défendre leur pays, le Togo lui se comporte comme un pays pirate qui se sent à l’aise avec la contrebande et les pratiques inciviques des voisins. Le Bénin, par exemple, peut librement importer du Togo les produits dont il a besoin. Mais les exportations du Togo vers ce pays sont sélectives. C’est le cas dans le commerce des produits de la brasserie et des matières premières qui rentrent dans la fabrique du ciment, principalement le clinker. Le Togo a le mérite d’abriter l’une des meilleures brasseries d’Afrique. La brasserie de Lomé produit des boissons de qualité qui s’exportent en quantité industrielle. Les chinois, par exemple, malgré leur génie, sont parmi les meilleurs consommateurs des canettes de malta sorties de notre brasserie. Grâce à certains mélanges, les populations du pays du soleil levant attribuent des vertus aphrodisiaques au Malta.
Les bouteilles de Pils et de Lager mais surtout les canettes de cette usine s’exportaient assez au Bénin. Mais depuis un temps, si vous croisez une boisson togolaise au Bénin, c’est qu’elle est rentrée par contrebande ou qu’un transporteur a pu réussir la traversée avec quelques cartons dans les entre-coins de son camion. Il n’est plus permis de voir des camions de boissons togolaises traverser officiellement notre frontière vers le Bénin.
Et pourtant, au même moment, le Bénin dispose d’au moins trois unités de fabrication du ciment.
Mais tout le monde sait que, si le Togo est parmi les premiers pays d’Afrique dont le sous-sol regorge du clinker, le Bénin n’en dispose pas. C’est du Togo que le Bénin importe, une bonne partie, si ce n’est pas tout, le clinker qui alimente ses cimenteries. Chaque jours, au bas mot, une cinquantaine de camions traversent les frontières du Togo vers le Bénin avec du Clinker. Voilà une République dont les autorités ne sont conscientes que de la survie de leur pouvoir. Peu importe si les voisins abusent d’eux, l’essentiel est que, eux ils demeurent accrochés à un trône comme de chauves-souris aux flancs des ravins.
La fin de la crise n’est pas pour demain
Que personne ne se trompe, au Togo, pour le moment on vit la conséquence immédiate de la fermeture des frontières du Nigéria : la pénurie en produit pétroliers. Mais le pire est à venir, ce n’est pas seulement dans ce secteur que la contrebande prolifère. Des secteurs vitaux vont être touchés. Nous l’avions dit en 2017, mais pour ceux qui n’ont pas cru, avec cette pénurie des produits pétroliers, ils savent désormais que c’est du carburant de contrebande, ‘’boudè’’, qui alimentaient la plus grande partie de nos soutes dans les stations-service. Bientôt on aura les échos des autres trafiques qui nourrissaient le Togo. Voilà deux pays qui vivent de la contrebande avec leur président. Patrice Talon lui s’est enrichit des affaires louches, Faure lui il est devenu Crésus par lien de sang et pour survivre, il ferme les yeux ou au pire, il encourage la contrebande qui s’opère sous son nez et sa barbe par ses hommes.
Quand les autorités n’ont aucune vision pour leur peuple, c’est ce qui arrive. Non seulement ils n’ont rien construit comme usine de transformation ou usine de fabrication, mais un président comme Faure lui il s’arrange à mettre les sites naturels d’extraction des ressources du sol et du sous-sol en faillite. Et avec cette asphyxie qui ne vient que de commencer, on se demande s’il faille rire ou pleure. Peut-être même une très bonne chose d’ailleurs car elle permettra au moins au peuple togolais de vraiment prendre conscience que leurs dirigeants ne sont que de simples gardiens d’un pouvoir et non des gens qui veulent construire. Ce n’est que le début d’une série noire avec la fermeture de ces frontières. Et déjà, ce scandale sur le pétrole suffit à un peuple pour se soulever contre une mal gouvernance dans un pays ou l’État vit de l’informel, de la contrebande, du trafic, un pays pirate pour tout résumer. Actuellement, si tu demandes aux autorités togolaises à savoir d’où elles importent les produits pétroliers qui alimentent la consommation dans les stations-services, elles ne pourront pas répondre, la délinquance a envahi le pays jusqu’au sommet.
La piraterie et la contrebande se situent à deux niveaux au Togo : celle qui se fait sur la Mer, contrôlée en majorité par une race de hauts gradés, et celle qui se fait sur le continent, contrôlée en majeure partie par des civiles qui sont devenus des fétiches de la contrebande et contre qui on ne peut rien.
D’après nos recoupements de sources crédibles, il est arrivé un moment de l’histoire de la République où l’autorité a constaté une trop forte présence des produits frelatés dans les stations-services. Les auteurs sont identifiés et interrogés. Ils ont dit ne pas pouvoir arrêter l’alimentation des stations par du ‘’boudè’’. On a dû les supplier par une compensation en argent pour que le trafic s’arrête un temps. Mais le service a repris et prospère. Personne ne peut rien car Faure Gnassingbé n’est pas un sein blanc quand on parle de corruption ou de contrebande. La raison est que, au-delà du fait que lui-même n’est pas loin de la pratique, il estime que si les porteurs de ces trafics en Mer et sur la terre ont faim, son pouvoir peut vaciller. Il a donc ouvert la Mer pour les uns et la terre pour les autres. Et c’est pour préparer le terrain au trafic en mer qu’il a fait sa fameuse campagne de sécurité maritime.
Comment peut-on comprendre que au port autonome de Lomé, la capitainerie ne dispose pas de patrouilleurs pour se rendre en haute Mer afin de contrôler les bateaux et autres bâtiments flottants indélicats qui s’adonnent à cœur joie au transbordement de marchandises et aux mélanges toxiques de produits pétroliers? Depuis qu’en 2017 l’ONG suisse «Public eye» a publié un rapport de 160 pages pour dénoncer les mélanges toxiques en eaux togolaises qui alimente 9 pays en produits pétroliers frelatés, quelle mesure a été prise pour que cela s’arrête ? La Mer togolaise est un lieu de rencontre entre deux grands trafics pétroliers, l’un venu d’Europe et l’autre du Nigeria. Le Nigeria a combattu ce phénomène de la contrebande en Mer par des drones et le système, loin de se disloquer, s’est déplacé au Togo, l’essentiel est que l’autorité y trouve sa part du gâteau. L’heure des comptes est venue. Tout le monde a attrapé là où il peut. « Allons seulement », c’est leur slogan. Oui, présentement on est « allé » au-delà du Togo, il faut en récolter « les lauriers ». Les militaires qui sont devenus des chiens de garde contre le peuple ont-ils un lieu d’approvisionnement différent de celui des Togolais ? C’est eux qui souffrent le plus souvent de pannes sèches et poussent leurs engins à longueur de journée à la rencontre du premier bon samaritain qui accepte les dépanner avec « un 500 franc » pour un litre. Quand nous publiions dans notre livraison N° 300 en 2017 que la grande partie de notre carburant dans les stations est du «boudè», on ne croyait pas si bien dire, nous y sommes. Pour vous rafraîchir la mémoire, retournez à notre édition N° 300 de mars 2017.
Abi-Alfa
Source : Le Rendez-vous N° 343 du 16 septembre 2019