« Pardonner ne signifie pas oublier, mais nous donner le droit de garder notre cœur ouvert et recevoir de l’amour, au lieu de succomber aux feux destructeurs de la colère et de la haine » (Principe bouddhiste)
« Le pardon libère l’âme. C’est une arme si puissante », disait Nelson Mandela. La rancoeur, le ressentiment, la haine sont des poisons qui ne font de mal qu’à nous-mêmes. Le pardon par contre libère. C’est la marque des grands hommes. C’est la première vertu que doit cultiver un chef d’Etat. S’il est admis que tout pouvoir ou toute autorité vient de Dieu, ceux qui détiennent les rênes du pouvoir d’Etat devraient incarner certaines valeurs divines comme le pardon, la bonté, l’amour, le sacrifice, l’humilité, le renoncement, la tolérance, l’altruisme, etc. afin d’être en phase avec leur Créateur et s’identifier à Lui. Qui plus est, quand on est un chef d’Etat pieux, fervent catholique pratiquant et assidu au Vatican pour recevoir l’onction du Saint-Père.
Un chef de l’Etat n’est pas censé être aimé de tout le monde. Cependant on est le père de tous, on incarne toute la République, toute la Nation et de ce fait, on doit faire preuve de hauteur, être au-dessus de la mêlée et servir de modèle pour son peuple. Pour Faure Gnassingbé qui a initié en 2009 la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) destinée à tourner le dos aux douloureux passés du Togo pour amorcer une démarche de réconciliation en profondeur, c’est incompréhensible qu’il ne donne pas lui-même le bon exemple.
« ‘Fais ta part’ : voilà notre leitmotiv. Nous le savons par expérience, toutes les blessures de l’histoire peuvent se cicatriser sauf celles que l’on veut cacher ou nier. Pour guérir de nos blessures, faisons attention à celles des autres. Notre histoire nationale a son lot de blessés. Voici venu le temps de la vérité qui libère, une vérité assumée sans vengeance, dans un esprit de repentance, de pardon, et de réconciliation », déclarait Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan, président de la CVJR.
Faure Gnassingbé qui avait pris l’initiative de réconcilier les 7 millions de Togolais avec eux-mêmes, était incapable de se réconcilier lui-même avec sa propre famille biologique, de « faire sa part », de pardonner à son frère de sang, Kpatcha Gnassingbé, malade et abandonné à la prison civile de Lomé depuis 12 ans. Il n’est pas surprenant que le processus de réconciliation ait connu un échec cuisant.
Accusé dans un clair-obscur dossier de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat et condamné à 20 ans de réclusion criminelle dans un procès expéditif et biaisé dont ses droits n’avaient jamais été respectés, Kpatcha Gnassingbé souffre depuis 5 ans d’une plaie à la jambe qui l’expose inévitablement au cancer et à l’amputation au mieux, à la mort, au pire. Il a sollicité auprès de son frère, Faure Gnassingbé une évacuation sanitaire. Idem de la part de son médecin traitant. Sans succès.
La Cour de Justice de la CEDEAO et le groupe de travail de l’ONU sur les droits de l’homme ont dénoncé dans le temps un procès inéquitable et la détention Kpatcha Gnassingbé arbitraire et sans base légale et demandé sa libération. Rien n’y fit.
Plusieurs chefs d’Etat africains, des autorités religieuses et diverses personnalités africaines et togolaises ont intercédé auprès de Faure Gnassingbé en faveur de son frère. « Creez un climat nouveau et surprenant ! Inventez une nouvelle fraternité togolaise inspirée de la crainte de dieu et de la libération des pauvres (…) Faites surtout libérer votre frère Kpatcha et les autres membres de la famille impliqués dans quelque délit politique », lui avait écrit en 2017 Albert Tevoedjre. Mais tous se sont tous heurtés à un mur.
Même les sages de Pya, village natale des deux frères Gnassingbé, se sont impliqués pour un règlement fraternel de cette affaire, mais ils n’ont pas réussi à convaincre le chef de l’Etat à accorder la grâce à son frère. La haine, la rancœur, le ressentiment sont plus forts que tout.
Médard AMETEPE
source : Liberté