Président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, principal parti de l’opposition), Jean Pierre Fabre est rentré mercredi au pays, après une tournée en Europe.
Dans une interview à l’Agence Savoir News, M.Fabre (62 ans) aborde plusieurs sujets brûlants de l’actualité togolaise notamment le projet de loi portant réformes politiques rejeté par l’Assemblée nationale, la limitation du mandat présidentiel, sa candidature à la présidentielle de 2015 et sa tournée en Europe.
Savoir News : Qu’est-ce qui a motivé ce déplacement ?
Jean Pierre Fabre : Vous savez que nous ne sommes pas dans un monde clos. Car aujourd’hui, les pays se développent avec des partenaires. Et surtout avec la manière dont l’actualité politique se développe dans notre pays, il est nécessaire que notre part de vérité soit communiquée aux partenaires.
Nous sommes en face d’un régime qui a les moyens d’intoxiquer et de désinformer la communauté internationale. Alors, il nous revient, avec le peu de moyens dont nous disposons, de nous déplacer pour aller informer et expliquer de vive voix, la réalité de la situation sur terrain.
Q : Quelles sont les principales personnalités que vous avez rencontrées ?
R : ’ai rencontré les partenaires traditionnels du Togo : la France (partenaire principal), l’Union européenne et des personnalités nécessaires à la recherche d’une solution à la crise qui secoue notre pays. J’étais à Bruxelles et à Paris. J’ai été reçu au service d’action extérieure de la commission de l’Union européenne par M. Nicholas Wescott. Au Quai d’Orsay, j’ai été reçu par le directeur Afrique Jean Christophe Belliard et à l’Elysée par Thomas Melonio, Conseiller Afrique adjoint.
Q : De quoi avez-vous discuté avec toutes ces personnalités ? Quel bilan dressez-vous de ce voyage ?
R : Nous avons discuté de la situation politique de notre pays, surtout que j’étais à Paris le jour où le projet de loi portant modifications de certaines dispositions de la constitution a été rejeté par l’Assemblée nationale.
Pour le bilan : je suis très satisfait. Vous savez, moi je suis toujours dans la logique d’informer. La contribution de la communauté internationale ne peut être qu’un appoint au règlement de la crise qui secoue le Togo. Il revient aux togolais de rechercher les voies et moyens par lesquels ils doivent régler leurs problèmes.
Q : Le 30 juin dernier, le projet de loi portant modifications de certaines dispositions de la constitution a été rejeté en bloc par les députés du parti au pouvoir. Quelle analyse faites-vous de ce vote ?
R : Les députés qui sont l’Assemblée nationale au titre du parti UNIR n’ont aucune marge de manœuvre, ils ne peuvent rien faire. Ils ont seulement exécuté une mise en scène orchestrée par le gouvernement pour se faire rejeté son propre projet de loi.
C’est ubuesque, c’est dantesque, une bouffonnerie. J’espère que cette pantalonnade a ouvert les yeux à la communauté internationale sur la nature profonde du régime togolais qui procède par sournoiserie, duplicité et hypocrisie.
En février dernier, lorsque j’ai écrit au chef de l’Etat pour lui demander d’ouvrir le dialogue en vue des prochaines élections, afin qu’on puisse arriver de manière consensuelle à procéder aux réformes politiques, prescrites par l’Accord Politique Global (APG), il m’avait répondu que l’Assemblée nationale est le cadre pour opérer les réformes. Et nous lui avons expliqué que l’Assemblée nationale n’est pas un cadre propice au dialogue, mais elle a plutôt pour mission de voter des lois et de contrôler l’action du gouvernement.
Après ils ont accepté le dialogue (Togo Télécom), ils n’ont rien dit, même sur des points qu’ils ont eux-mêmes inscrits au menu des discussions. Ils n’ont pas pu donner leur position. Ils ont ensuite envoyé un projet de loi à l’Assemblée nationale en orchestrant cette mise en scène. Cela veut dire tout simplement que le gouvernement togolais ne comprend pas le fonctionnement d’une Assemblée nationale.
Car, avant d’envoyer un projet de loi à l’Assemblée nationale, le gouvernement prend toutes les précautions, pour que le texte soit voté. Au regard de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, les conséquences sont graves, si c’était vraiment réel.
Nous sommes en face d’un jeu puéril, et j’espère qu’ils vont vite se ressaisir parce que nous n’allons pas nous laisser faire. Aujourd’hui, nous sommes en face d’un coup de force, et à un coup de force, nous répondrons par la constitution. C’est un coup de force contre l’Accord Politique Global. Aucune Institution de notre pays, n’a de légitimité pour rejeter un accord intervenu entre les acteurs politiques sous l’égide de la communauté internationale.
Q : Nous connaissons tous aujourd’hui, la disposition qui pose problème : celle relative à la limitation du mandat présidentiel avec +effet immédiat+. Et le vice-président du parti UNIR l’a clairement dit la semaine dernière sur Rfi.
R : Personne ne les a forcés à déposer ce projet de loi à l’Assemblée nationale. Est-ce que nous leur avons mis un pistolet sur la tempe ? Ils étaient libres de faire ce qu’ils voulaient. Mais, ils se sont livrés à un subterfuge. Ils n’ont qu’à simplement dire leur problème.
Q : Le vice-président du Parti UNIR a été clair. Il a dit exactement ceci : « Nous ne comprenons pas pourquoi une loi qui va être votée en 2014, soit appliquée à un mandat qui a commencé en 2010. Le principe de droit n’autorise pas la rétroactivité, surtout en matière de lois constitutionnelles. «
R : Quand ils disent des sottises, il faut le leur dire. Nous sommes en face d’une situation dans laquelle une Assemblée nationale a rejeté un projet de loi déposé par le gouvernement, qui s’appuie que cette Assemblée nationale à une large majorité.
Q : Selon vous, la limitation du mandat présidentiel doit s’appliquer immédiatement, une fois le texte adopté ?
R : Il ne faut pas s’amuser à poser des questions qui sont irrecevables. D’abord, est-ce que le pouvoir en place est favorable à la limitation du mandat présidentiel ? Si oui, une fois cette disposition prise avant l’élection présidentielle, elle s’applique immédiatement.
Q : Si je comprends bien : une fois la loi adoptée, elle s’applique immédiatement ?
R : Comment voulez-vous qu’elle s’applique ? Vous savez, ce n’est pas une affaire juridique. C’est le bon sens, c’est éthique et c’est politique. Je le répète : lorsqu’une loi est adoptée, elle s’applique immédiatement. Au nom de quoi une loi sera prise et aura de dispositions particulières pour ne pas s’appliquer à Faure Gnassingbé ?
Q : Est-ce que vous êtes aujourd’hui prêt à accepter une disposition transitoire, pouvant permettre au président Faure Gnassingbé de se représenter à la présidentielle de 2015 ?
R : Non, non, non.
Q : Et vous-mêmes, serez-vous candidat ?
R Je suis membre d’un parti politique, en plus j’appartiens à un collectif d’associations et de partis politiques. J’attends. Je pense que j’ai ce qu’il faut pour être candidat. Mais comme je suis une personne de très grande humilité, j’attends d’avoir l’investiture de mon parti. Et compte tenu de la situation actuelle, nous devons nous mobiliser pour un vaste rassemblement de l’opposition contre le pouvoir en place.
Pour le moment, ne mettons pas la charrue devant les bœufs, soyons sereins et travaillons. Et surtout, faisons preuve de la plus grande fermeté. Nous sommes des partis politiques, nous n’avons pas d’armes. Mais, nous allons utiliser parfaitement les moyens que la constitution met à notre disposition. FIN
Propos recueillis par Junior AUREL
Savoir News
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