.La nécessité d’une déconcentration de la DSNIC
Au Togo, l’administration est caractérisée par une lenteur dans les services rendus aux populations. Aucune réforme ne semble pouvoir venir à bout de ce phénomène qui empiète sur la jouissance des droits des citoyens. Parmi les services qui sont sources de difficultés pour les populations, la Direction du Sceau, de la Nationalité et de l’Identité Civile (DSNIC) où est délivré le certificat de nationalité. Le chemin de croix imposé aux citoyens appelle à une réforme de la DSNIC.
L’exploit d’obtenir son certificat de nationalité
Tous ceux qui ont une fois effectué les démarches pour l’obtention du certificat de nationalité ne nous démentiront pas. Obtenir un certificat de nationalité au Togo est un véritable défi, surtout pour ceux et celles qui optent pour la voie légale et non les détours. Nous avons suivi des compatriotes dans ce parcours de combattant.
Tout commence dès que l’on se demande les documents qu’il faut pour constituer le dossier. Au niveau de la DSNIC, aucune affiche ne renseigne sur les documents à fournir. Il faut obligatoirement s’approcher des agents qui sont au niveau du service de renseignement, et prier que ceux-ci soient à leurs postes. Souvent, la table postée à l’entrée du bâtiment principal est inoccupée. Ceux qui s’y connaissent en internet peuvent être renseignés en allant sur le site internet dédié au service public au Togo : www.service-public.gouv.tg. Là aussi, il faut avoir des notions avancées pour pouvoir se retrouver.
Mais c’est l’étape la plus facile. Dès que le citoyen a pris connaissance des documents à fournir-cela diffère en fonction des cas-, il lui faut se présenter à la DSNIC selon le programme des dépôts de dossiers. Au Togo, les demandes pour les documents d’identification se font les lundi, mercredi et vendredi, le mardi et le jeudi étant réservés au retrait.
Pour faire la demande, il faut se présenter à la DSNIC avant le lever du soleil. Dès 5 heures du matin, certains sont déjà présents et improvisent une liste de présence pour respecter l’ordre d’arrivée. Ceux qui arrivent entre 6 heures et 7 heures s’enregistrent sur la 20ème liste, sachant que chaque liste porte 10 noms au minimum. Il faut ensuite attendre 7 h 30 minutes pour voir commencer la mise en place. Par ordre d’arrivée, les noms sont égrenés et les intéressés se mettent en rang pour suivre les instructions des agents. Pour trois cents personnes au minimum, les agents publics ne sont souvent que deux pour orienter les demandeurs.
Les premiers arrivés, ceux qui ont quitté leurs domiciles à 4heures du matin ou un peu plus tôt seront finalement servis autour de 10 heures. Ce sont les plus chanceux puisque certains y passent même toute la journée avec la peur au ventre de ne pas être enregistrés avant la fermeture des guichets. En effet, il ne suffit pas de se mettre en rang pour être vite servi. Après vérification des dossiers, le paiement de la quittance se fait par lot de 10 demandes. Il faut encore s’enregistrer sur une liste, remettre les frais de la quittance à la tête de liste qui les transmet à l’agent derrière le guichet.
Il faut, là aussi s’armer de patience pour se voir remettre la quittance. Le trajet se poursuit par une seconde vérification des dossiers par les agents qui ont procédé à la première vérification avant d’être dirigé vers le guichet où se font les dépôts définitifs. Malheureusement, le citoyen n’est pas encore au bout de ses difficultés. Il faut encore constituer une liste de cinq dossiers à transmettre à l’agent. Après au moins 1 heure d’attente, le dépôt est fait. Rendez-vous six semaines plus tard pour le retrait du certificat de nationalité.
Malheureusement, la procédure de retrait est semblable à celle du dépôt. Toujours se regrouper par 10 demandes, faire contrôler les quittances et se rendre à un autre guichet pour retirer son certificat. Les mêmes difficultés sont rencontrées pour l’obtention des duplicata. Il n’est pas exclu de faire plusieurs allers et retours pour entrer en possession du précieux sésame.
Reformer la DSNIC pour plus d’efficacité
Toutes ces difficultés que nous avions décrites peuvent être réduites si le gouvernement, du moins le ministre de la Justice se donnait le temps de s’occuper de son département. Ce qui manque souvent aux ministres togolais, c’est le manque d’initiatives. Ailleurs, chaque ministre immortalise son passage par des réformes. Au Togo, tout se fait « sur instruction de Faure Gnassingbé », et comme le chef de l’Etat lui-même n’innove pas, le pays hiberne.
Pour plus d’efficacité, des réformes doivent s’opérer au niveau de la Direction de la nationalité. Depuis Dapaong, les Togolais sont obligés de converger tous vers la DSNIC pour se faire établir un certificat de nationalité. Pour une demande qui va coûter mois de 10.000 FCFA, le concitoyen habitant Cinkassé doit se déplacer à Lomé. Frais de voyage, logement et nourriture sont des dépenses que le gouvernement peut lui épargner. « Il est possible d’établir dans chaque préfecture des lieux de dépôts des demandes de certificat de nationalité. Comme cela se fait pour la carte d’identité, les dossiers peuvent être reçus et examinés dans les différentes préfectures puis transmis à Lomé pour être traités », propose un enseignant.
Si cette proposition ne convient pas au gouvernement, d’autres possibilités visant à éviter les attroupements et les pertes de temps peuvent être envisagées. Dans un pays où on se vante d’être meilleur réformateur en Afrique selon Doing Business, il est inconcevable que les citoyens à qui l’on demande d’entreprendre, passent plusieurs journées dans les locaux de la DSNIC pour l’obtention d’un certificat de nationalité.
Faute de temps et la méconnaissance du cadre aidant, certains compatriotes s’en remettent à des démarcheurs. C’est l’un des métiers les plus prisés à la DSNIC. Déjà au niveau du remplissage du formulaire, ceux qui viennent faire les demandes sont pris en charge par des jeunes que l’on prendrait pour des agents publics si leur prestation n’était pas rémunérée illico. Chaque demande est remplie moyennant 200 FCFA ou plus. A la fin de la journée, ils peuvent remplir chacun une centaine de formulaires. Après tout, ils rendent service aux populations et comblent le vide laissé par l’administration.
Sur 100 Togolais disposant d’un certificat de nationalité, seule une trentaine, peut-être moins, peuvent se glorifier d’avoir effectué ce parcours de combattant. La plupart du temps, la majorité se confie aux démarcheurs. Ces derniers collectionnent les dossiers et se chargent de faire établir les certificats de nationalité pour le compte de leurs clients. Certains oublient souvent les noms figurant sur les dossiers à eux confiés et se font refouler par les agents de la DSNIC.
Nous avons même assisté à une scène bizarre où un démarcheur demandait à une dame de lui donner une photo de son nourrisson pour compléter le dossier de son client. La demande a été rejetée par la dame. Mais les scènes qui trahissent le malaise à la DSNIC, c’est quand il y a des disputes entre les agents et le public. Des prises de becs sont quotidiennes dans ce service. Excédés par le nombre sans cesse croissant des demandes, les agents pètent souvent les plombs et répondent aux propos du public.
Comme nous l’avions dit plus haut, la cause de toutes les disputes et des dérapages constatés à la direction de la nationalité est la concentration de cette activité dans le seul centre situé derrière le Palais de Justice de Lomé. « Qui trop embrasse mal étreint », dit-on.
G.A. / Liberté Togo