« Avec l’adhésion populaire, rien ne peut échouer ; sans elle, rien ne peut réussir » (Abraham Lincoln)
Si la longévité au pouvoir était synonyme de développement, Gnassingbé père et fils auraient fait du Togo l’un des pays les plus développés sur le continent. Après 53 ans de règne sans partage, le Togo est toujours à la traîne. Comme le dirait l’autre, pour développer un pays, le nombre d’années passées à la tête du pays importe peu. Quand on a de la vision pour son pays, on s’attèle à l’ouvrage et on y laisse des empreintes comme une encre indélébile.
Elu il y a 4 ans, le président ghanéen Nana Akufo-Addo imprime sa marque au pays. Il a inauguré le 16 mai dernier, un échangeur à 3 niveaux avec passage souterrain dans la ville de Tema. Le joyau est considéré comme l’un des plus grands d’Afrique de l’Ouest. L’ouvrage est impressionnant :un système de drainage sur 19,4 km, quatre ponts piétonniers, des rampes d’accès et un tronçon de route de 11,72 km.
La Côte d’Ivoire et le Nigeria possèdent aussi des échangeurs d’envergure, mais ne sont pas équipés de passage souterrain. Seul le Niger, l’un des pays les plus pauvres en Afrique, a fait aussi bien que le Ghana, avec l’échangeur Diori Amani, inauguré en 2018 par le président Mahamadou Issoufou.
Le souhait partagé par les Togolais est de voir leurs dirigeants réaliser de tels ouvrages d’envergure dans leur pays. Ce ne sont pourtant pas des initiatives qui ont manqué. En 2008, l’ancien ministre des Travaux publics, des transports, de l’urbanisme et de l’habitat, Célestin Ekpaou Talaki avait annoncé en grande pompe la construction de deux échangeurs dans la zone portuaire pour décongestionner et rendre fluide la circulation.« Le Togo s’apprête à lancer au cours du premier trimestre 2008, la construction de deux échangeurs et dédoublements sur le tronçon Aflao-Hilacondji-Frontière Bénin, l’un au rond-point du Port de Lomé et l’autre au carrefour CIMTOGO. Des passages supérieurs de 13 et 47 mètres, des emprises minimales de 200 et 150 mètres et un rayon extérieur minimal d’une boucle de 35 mètres y sont prévus », avait annoncé à l’époque le site du gouvernement.
La maquette a été réalisée, les plans faits et quand les travaux devraient commencer, tout a disparu comme par enchantement. Et on n’en avait plus entendu parler. Les fonds ont pris d’autres destinations. Ou comme le dirait Gnassingbé père, les échangeurs ont été « construits dans la poche ». Limogé brutalement du gouvernement, Célestin Ekpaou Talaki rebondit au sein de la Commission de la CEDEAO comme Commissaire chargé des Infrastructures.
En avril 2015, le Premier ministre Arthème Ahoomey-Zunu avait également présenté la maquette d’un échangeur au carrefour GTA. Coût : 156 milliards de FCFA. « Ce projet comporte un viaduc en pont dalle en béton armé à 10 travées de longueur totale de 166,84m sur fondation superficielle, un pont dalle courbe en béton armé à 8 travées de longueur totale de 278, 82m sur fondation superficielle », avait déclaré Koudjo Aïdamde l’Agence de développement urbain et municipal (Citafric).
Mais ce joyau, les Togolais ne le verront jamais. Et pour cause, dans les premières années de Faure Gnassingbé au pouvoir, le Togo était classé comme le pays le plus affecté par l’évasion fiscale en Afrique. En effet, entre 2005 et 2011, 8233 milliards FCFA ont été frauduleusement sortis du Togo, dont 2235 milliards pour la seule année 2008, selon le rapport du Think Tank américain Global Financial Integrity (GFI).
Le document précise par ailleurs que les flux financiers illégaux au Togo atteignent une valeur représentant 76,3 % de son PIB, 2435,9 % de son budget en matière d’éducation et 1088,7 % de son budget de santé.
Voilà comment Faure Gnassingbé et ses chevaliers blancs ont réussi à développer le Togo à l’envers.
Médard Ametepe
Source : Liberté N°3154 du Mardi 26 Mai 2020