L’analyste politique Franklin Nyamsi fait partie de ceux qui, dans cette dernière décennie, grâce aux réseaux sociaux, ont aidé la jeunesse africaine à prendre mieux conscience du haut degré d’implication de l’impérialisme international, français en particulier, dans les malheurs des peuples africains.
Le Professeur franco-camerounais a consacré plus d’une conférence sur Faure Gnassingbé et son ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey, un autre professeur de philosophie. Dans certaines de ses leçons il s’adresse aux opposants togolais pour leur annoncer que leur Président a changé. Certes, il est dictateur, certes il n’est pas « démocratiquement élu », certes il est à son énième mandat, mais regardez son bilan: N’a-t-il pas fait libérer les 49 soldats ivoiriens emprisonnés au Mali? Ne vient-il pas au secours des Maliens et des Nigériens quand ceux-ci sont mis en embargo par la CEDEAO? N’a-t-il pas été invité par le capitaine Ibrahim Traoré lui-même pour l’honorer au Burkina Faso? N’a-t-il pas reçu la plus haute distinction du Mali des mains de Assimi Goïta?
Ces questions que monsieur Nyamsi pose à l’opposition togolaise, tout le monde en connaît la réponse : oui le Président togolais a été utile à la révolution sahélienne en cours. Si Faure a changé d’attitude envers la France là où ses pairs francophones de la CEDEAO sont restés des préfets aux ordres, a-t-il changé de nature envers son peuple? S’est-il excusé d’avoir, à chaque élection présidentielle où il était candidat, de s’être attribué de force la victoire d’un autre? S’est-il excusé d’avoir martyrisé son peuple, particulièrement les habitants des cités à majorité musulmane accusés de djihadisme à chaque fois qu’ils invoquent leur dieu en disant Allah akbar? A-t-il libéré un seul des nombreux prisonniers politiques du pays? A-t-il ouvert la porte du Togo aux nombreux exilés politiques qui errent de par le monde?
La France ne pardonne pas qu’on lui désobéisse. Elle a frappé Idriss Déby et Ali Bongo quand ceux-ci avaient commencé à bafouer son autorité. Pourquoi ne réagit-elle pas contre Faure Gnassingbé quand celui-ci ne se contente pas de désobéir mais en plus la dénonce sur la place publique, à la tribune de l’ONU? C’est une question que le philosophe supporter de Faure devrait se poser.
La réponse à cette question, M. Franklin Nyamsi, le toujours bien-renseigné, la connaît. Il évite de la poser pour ne pas avoir à y répondre. La réponse ferait s’écrouler la belle image de panafricaniste qu’il se fait de Faure. Elle révèlerait que Faure s’est refugié dans un abri antiatomique et cet que abri ne peut être atteint par aucun missile français. C’est pourquoi à la différence de Idriss Déby et Ali Bongo, Faure peut dire ouvertement non aux instructions de la France et ne manque aucune tribune internationale pour invectiver l’Elysée et sa diplomatie sans coup férir. Hautement protégé comme l’est Faure, n’importe qui peut se faire passer pour plus anti-impérialiste que Sankara et plus patriote que Assimi Goïta.
Cette posture de panafricaniste n’est pas gratuite. Faure nourrit le projet de devenir un monarque afin de demeurer au pouvoir indéfiniment, c’est le seul moyen d’éviter ce jour où il devrait avoir à rendre compte après d’un demi-siècle de misère infligée au peuple, depuis son père. Actuellement la France qui a besoin d’améliorer son image de marque en Afrique ne saurait soutenir une telle aventure, une réplique de celle de l’empereur Bokassa. Le courant idéologique qui a le vent en poupe aujourd’hui est le panafricanisme. S’inscrire dans la mouvance panafricaniste en soutenant ouvertement les dirigeants politiques qui en sont aujourd’hui les porte-flambeaux aiderait Faure à capter l’empathie et le soutien de certains panafricanistes. Tel est le but des agitations « panafricanistes » du Chef de l’état togolais.
Adouber un tel personnage c’est soutenir son action de dictateur et son projet de devenir roi du Togo. C’est inquiétant.
Zakari Tchagbalé