Madame Hilary Clinton s’est rendue au Liberia, en Côte d’Ivoire, au Togo et au Cap-Vert entre le 16 et le18 janvier 2012.
1. DEFENDRE LES INTERÊTS AMERICAINS D’ABORD
Au mois de juillet 2009, Barack Obama, le Président des Etats-Unis, s’est rendu au Ghana mais pas au Togo. En attendant un tel honneur pour le Togo, une personnalité incontournable aux Etats-Unis s’est rendue au Togo. Mme Clinton ne se rend pas au Togo pour traiter des problèmes du Togo mais des dossiers relevant des intérêts américains. Il est question d’abord d’obtenir un soutien du Togo, membre (non-permanent) du Conseil de sécurité des Nations Unies depuis janvier 2012 pour deux ans. En clair, le Togo devrait voter en s’alignant sur les positions des Etats-Unis sur de nombreux dossiers comme la Syrie, l’Iran et bien d’autres. Il faut se demander si l’abstention du Togo pourrait faire l’affaire. Que se passerait-il si le Togo osait dire non à une demande américaine si par exemple celle-ci n’est pas en phase avec une demande française ? Le second dossier épineux concerne la sécurité mondiale. Le Togo est reconnu par les Etats-Unis comme un « hub » du terrorisme international. Des rapports précis ont conduit les autorités américaines à porter plainte contre des entreprises basées au Togo dont l’activité sert de logistique et de transport pour des activités de blanchiment d’argent. Il est question de plus de 483 millions de $US, soit 225 milliards de FCFA. La supercherie a consisté à maquiller le trafic de drogue sous le couvert d’un commerce de voitures d’occasions.
Chacun sait qu’au Togo, l’essentiel des activités économiques ne peut se réaliser sans un consentement tacite du système politique au pouvoir. Or, des établissements financiers et d’autres, actifs dans le secteur des transports, sont directement incriminés par un procureur américain. Un agent du Hezbollah libanais aurait une résidence officielle au Togo et demeure actuellement introuvable. Le « deal » est clair : Le Togo s’organise pour coopérer avec les Etats-Unis en livrant le maximum d’informations aux services américains sur le volet qui intéresse les Etats-Unis. La partie concernant le trafic – dans lequel des personnalités togolaises seraient impliquées – semble être laissée à l’appréciation du Gouvernement togolais, afin que les autorités américaines ne soient pas taxées d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. En retour, le Togo pourrait voir les Etats-Unis reprendre leur coopération suspendue depuis les années 1990 pour « déficit démocratique ».
2. NOUVELLES PROMESSES DE FAURE GNASSINGBE : ELECTIONS A DEUX TOURS AU TOGO
Faure Gnassingbé ayant compris le sérieux de la situation à laquelle est confrontée le Togo et apprécié la portée des conséquences qui pourraient en découler a choisi d’opérer une évolution politique. Notamment en annonçant officiellement, contre toute attente, que les élections au Togo se dérouleront systématiquement avec deux tours de scrutin. Il faut s’interroger pourquoi cette condition n’est pas intervenue en 2005 et en 2010 pour les élections présidentielles dont les résultats constituent encore aujourd’hui un point d’achoppement. Manifestement, Mme Clinton n’a pas jugé nécessaire de rencontrer officiellement les responsables de l’opposition qui continuent à rappeler que Faure Gnassingbé n’est pas le Président du Togo du fait d’élections usurpées. Mme Clinton semble opter pour la concertation avec ceux qui disposent de la force militaire en Afrique, en concentrant ses efforts dans leur seule direction.
Madame Clinton n’a pas dit si l’on pouvait faire aujourd’hui confiance à Faure Gnassingbé et son gouvernement RPT/AGO pour organiser des élections libres et transparentes au Togo. Elle a qualifié « d’évènement essentiel » les élections législatives togolaises prévues en octobre. Ce n’est qu’à cette condition que d’après elle, « les Etats-Unis seront « un bon partenaire » du Togo, alors qu’il est en train de construire sur les récents acquis démocratiques, (qu’il) attire l’opposition et les voix discordantes et fait participer les femmes à la politique ». La politique de Barack Obama repose sur une approche centriste où les forces politiques minoritaires, sur la base d’une base d’élections basées sur la vérité des urnes, doivent participer aux affaires de l’Etat. On trouve des représentants républicains dans l’Administration démocrate. C’est cette approche que prône apparemment Mme Clinton pour le Togo. Le seul problème de fond est qu’au Togo, il n’y a pas eu « vérité des urnes », et cela Mme Clinton n’en a soufflé mot. Simple oubli ou diplomatie intelligente ? A qui cela profite-t-il ? Que doivent penser ceux qui estiment avoir été floués et usurpés de leur victoire ? Des questions qui restent sans réponses car Mme Clinton est venu traiter des dossiers concernant d’abord les Etats-Unis et non le Togo.
3. RECOMMANDATIONS
Chacun sait que les Etats-Unis excellent dans leur capacité à organiser – sur la base de la vérité des urnes – des alternances politiques dans la paix, la civilité et sans violence sur les populations, ni sur les responsables des partis de l’alternance future. Il faut espérer que Mme Clinton, qui n’a pas parlé des conditions transparentes et pacifiques d’alternance au Togo, ne finisse par soutenir la politique de Faure Gnassingbé uniquement pour défendre les intérêts américains.
Malgré les progrès affichés du seul fait que Gilchrist Olympio et ses amis (AGO) ont choisi de se fondre dans l’environnement du parti présidentiel (le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT)), personne n’oublie que Faure Gnassingbé a unilatéralement choisi, deux fois de suite (2005 et 2010), de faire des élections présidentielles à un tour, avec l’appui de la fraction non-républicaine de l’armée, pour l’instant majoritaire. Les nouvelles promesses faites par Faure Gnassingbé à la Secrétaire d’Etat en charge des affaires étrangères permettent de faire patienter Barack Obama. Il faut espérer que Mme Clinton ne considèrera pas l’absence d’alternance au Togo comme « une période passionnante pour le Togo ».
Le CVU-Togo-Diaspora recommande aux forces prônant des alternatives crédibles pour une gouvernance démocratique du Togo, d’informer les autorités américaines par écrit. Elles devront demander à être reçues à Washington pour favoriser la lisibilité de leur offre d’alternance au pouvoir, tout en apportant des éléments nouveaux sur les dossiers liés à la sécurité mondiale et les chances d’une alternance acceptée par la Communauté internationale, sur les bases de la vérité des urnes. Cette dernière a été sérieusement bafouée en 2005 et en 2010 par Faure Gnassingbé.
Toutefois, si le Togo venait à être condamné par un Tribunal américain pour avoir abrité des agents du terrorisme international et peut-être d’avoir servi de soutien actif aux blanchiments d’argent, les Etats-Unis doivent être conséquents et demander le départ de Faure Gnassingbé et son équipe RPT/AGO et opter pour de nouvelles élections transparentes, préparées éventuellement par une transition politique démocratique.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO
Coordinateur Général
François FABREGAT
Secrétaire Général