Freinée sur le plan politique et opérationnel par la junte au pouvoir, la mission de l’ONU au Mali se trouve dans l’impasse. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’apprête à soumettre le maintien de celle-ci au respect d’une série d’engagements sur lesquels Bamako va devoir se prononcer.
Trois mois après avoir publié la revue stratégique de la Minusma – la mission des Nations unies (ONU) au Mali -, le secrétaire général de l’organisation internationale, Antonio Guterres, et les membres du Conseil de sécurité, planchent sur les conditions nécessaires à son maintien. Un document doit être transmis en ce sens à la junte dirigée par Assimi Goïta.
Premier point formulé par le secrétaire de l’ONU : le respect du chronogramme de la transition négocié, en juillet 2022, à Accra, avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Une doléance qui apparaît néanmoins illusoire, la junte accusant déjà du retard, notamment sur le volet électoral. Le 10 mars, elle a officiellement annoncé le report du référendum constitutionnel qui devait se tenir le 19, ce qui pourrait repousser également l’élection présidentielle prévue en février 2024, à l’issue de laquelle les militaires doivent théoriquement rendre le pouvoir aux civils.
Mise en œuvre stricte de l’APR
Dans ses prérequis, les Nations unies insistent également sur la mise en œuvre stricte de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR) au Mali, signé en 2015, à Alger. Là encore, la demande apparaît à contretemps de la réalité malienne : l’APR n’a jamais été aussi fragile. Si les membres signataires n’ont pas officiellement annoncé sa mort, en coulisses, ni Alger, ni la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ni la junte malienne ne fondent encore un espoir sur celui-ci. Au contraire. Ces dernières semaines, les différents acteurs se sont fortement divisés autour de ce compromis. Un constat partagé dans plusieurs capitales occidentales. Malgré ce contexte, le Comité de sanctions de l’ONU chargé de veiller à la bonne application de l’accord d’Alger prépare actuellement une mission au Mali.
Plus largement, Antonio Guterres souhaite obtenir des garanties de la junte quant au respect du mandat de la Minusma, particulièrement sur les aspects relatifs aux droits de l’homme, et ce, alors que Bamako a expulsé, le 5 février, le diplomate chargé du dossier au sein de la mission, Guillaume N’gefa. Dans le même temps, la junte a multiplié les actions d’entraves aux enquêteurs onusiens désireux de se rendre sur plusieurs théâtres dans le cadre d’accusation d’exactions visant les Forces armées maliennes (FAMa). Le sujet de la « protection des civils » figurait déjà au centre de la revue stratégique de la Minusma.
Garantir la liberté de mouvement de la mission
Enfin, sur le plan fonctionnel, Antonio Guterres souhaite réitérer les exigences de l’ONU sur les engagements de l’Etat malien à respecter la liberté de mouvement de la Minusma. Un point sensible. Depuis janvier 2022 et l’arrivée des supplétifs du groupe paramilitaire russe Wagner, les déplacements des contingents de la mission ont été fortement entravés. Après avoir durci la réglementation permettant aux hélicoptères de la Minusma de survoler le centre et le nord du pays, depuis décembre 2022, la junte cloue au sol ses drones.
En parallèle d’Antonio Guterres, Washington, Paris, Londres et Berlin mènent actuellement une série de consultations à New York sur l’avenir de la Minusma, dont le mandat doit être renouvelé par le Conseil de sécurité en juin.
Africa Intelligence