« Les présidents de la Vème République française entretiennent le plus souvent avec le continent africain des rapports singuliers qui dépassent- en bien ou en mal- la relation diplomatique conventionnelle, voire rationnelle » (Pascal Priestley)
Entre la France et l’Afrique, c’est une longue love-story. C’est je t’aime, moi non plus. L’une ne peut pas vivre sans l’autre. Emmanuel Macron en fait d’ailleurs la confession : « Entre la France et l’Afrique, ce doit être une histoire d’amour (…) Qu’on le veuille ou non, la France a une part d’Afrique en elle. Nos destins sont liés ».
De François Mitterrand à Emmanuel Macron en passant par Nicolas Sarkozy, François Hollande, chaque dirigeant français s’est laissé aller à de petites phrases d’amours ou de désamours sur le continent.
Le 20 juin 1990, François Mitterrand crée un grand malaise au sein de ses inoxydables homologues africains (37 dirigeants) réunis à la Baule, en annonçant subordonner dorénavant l’aide française à l’introduction du multipartisme. « La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté », a martelé François Mitterrand. Au sein du club des chefs d’Etat, tous avaient leur mine des mauvais jours.
Ce sommet va déboucher sur une vague de démocratisation des pays africains à travers les conférences nationales auxquelles le Bénin avait donné le la. Malheureusement, 30 ans après certains pays comme le Togo, le Cameroun, le Gabon, le Tchad, etc. résistent toujours aux vastes mouvements de démocratique sur le continent. Ironie de l’histoire, avec le soutien de la France.
Mais Jacques Chirac, l’ami personnel des dictateurs africains, mettra les pieds dans le plat en laissant entendre qu’il y a incompatibilité entre l’Afrique et la démocratie. D’après lui, les Africains ne sont « pas mûrs pour la démocratie ». « Le multipartisme est une sorte de luxe que ces pays en voie de développement n’ont pas les moyens de s’offrir », déclara-t-il, déclenchant un branle-bas d’indignation et de consternation au sein de l’opinion africaine. Certains Africains y ont accordé du crédit. Dans nombre de pays dont le nôtre, la tyrannie dynastique est substituée à la démocratie.
Jacques Chirac se rattrapera quelques années plus tard en avouant que la France a exploité, siphonné l’Afrique. « Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi; après, on a dit : ils ne sont bons à rien », admet-il. Il ajoutera : « On oublie une chose : une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation depuis un siècle de l’Afrique.»
Du haut de sa condescendance, Nicolas Sarkozy a provoqué un tollé général en déclarant dans un discours dévastateur à Dakar en 2007 : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès », affirme Sarkozy.
François Hollande tenta, 5 ans plus tard, de réparer la bourde sarkozyenne : « L’Afrique est la jeunesse du monde. Elle est aussi une terre d’avenir pour l’économie mondiale. (…) Il y a en Afrique un potentiel exceptionnel. Les paysans, les artisans, les étudiants, les entrepreneurs, les savants constituent une ressource formidable pour votre avenir ».
Mais la France ne doit pas seulement profiter de ses relations privilégiées avec l’Afrique pour piller ses ressources et richesses à travers les dictateurs qu’elle a fait installer des décennies au pouvoir. La lune de miel ne prospérera que lorsque les dirigeants français se décideront à œuvrer pour une relation fondée sur la promotion de la démocratie, de l’état de droit, pour le développement et l’émancipation du continent…
Médard AMETEPE
Source : liberté