Dans la bataille judiciaire opposant le Gouvernement togolais à Abdoul Aziz Goma, citoyen irlandais d’origine togolaise, détenu arbitrairement à la prison civile de Lomé, depuis le 18 décembre 2018, les avocats américains de ce dernier ont saisi le 03 mars 2023, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies.
Lors de sa 97è session tenue du 28 août au 1er septembre 2023, le Groupe de travail sur la détention arbitraire s’est penché sur le cas Abdoul Aziz Goma. Les conclusions des travaux ont été rendues depuis le 29 août 2023, faisant état de plusieurs recommandations au Gouvernement togolais :
– Le Groupe de travail demande au Gouvernement togolais de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier sans tarder à la situation de M. Goma et la rendre compatible avec les normes internationales applicables, notamment celles énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
– Le Groupe de travail estime que, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, la mesure appropriée consisterait à libérer immédiatement Abdoul Aziz Goma et à lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international.
– Le Groupe de travail demande instamment au Gouvernement de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée sur les circonstances de la privation arbitraire de liberté de M. Goma, et de prendre les mesures qui s’imposent contre les responsables de la violation des droits de celui-ci.
– Comme prévu au paragraphe 33 a) de ses méthodes de travail, le Groupe de travail renvoie l’affaire à la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, pour qu’elles prennent les mesures qui s’imposent.
– Le Groupe de travail demande au Gouvernement d’user de tous les moyens à sa disposition pour diffuser le présent avis aussi largement que possible.
Procédure de suivi
Conformément au paragraphe 20 de ses méthodes de travail, le Groupe de travail prie la source et le Gouvernement de l’informer de la suite donnée aux recommandations formulées dans le présent avis, et notamment de lui faire savoir :
a) Si M. Goma a été mis en liberté et, le cas échéant, à quelle date ;
b) Si M. Goma a obtenu réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation ;
c) Si la violation des droits de M. Goma a fait l’objet d’une enquête et, dans l’affirmative, quelle a été l’issue de celle-ci ;
d) Si le Togo a modifié sa législation ou sa pratique afin de les rendre conformes aux obligations mises à sa charge par le droit international, dans le droit fil du présent avis ;
e) Si d’autres mesures ont été prises en vue de donner suite au présent avis.
Le Gouvernement est invité à informer le Groupe de travail de toute difficulté rencontrée dans l’application des recommandations formulées dans le présent avis et à lui faire savoir s’il a besoin qu’une assistance technique supplémentaire lui soit fournie, par exemple dans le cadre d’une visite du Groupe de travail.
Le Groupe de travail prie la source et le Gouvernement de lui fournir les informations demandées dans les six mois suivant la communication du présent avis. Il se réserve néanmoins le droit de prendre des mesures de suivi si de nouvelles informations préoccupantes concernant l’affaire sont portées à son attention. Cela lui permettra de faire savoir au Conseil des droits de l’homme si des progrès ont été accomplis dans l’application de ses recommandations ou si, au contraire, rien n’a été fait en ce sens.
Le Groupe de travail rappelle que le Conseil des droits de l’homme a engagé tous les États à coopérer avec lui et les a priés de tenir compte de ses avis, de faire le nécessaire pour remédier à la situation de toutes personnes arbitrairement privées de liberté et de l’informer des mesures prises à cette fin.
Ci-dessous l’intégralité de l’avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies.
Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa quatre-vingt-dix-septième session (28 août-1er septembre 2023)
Avis n° 39/2023, concernant Abdoul Aziz Goma (Togo)
1. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a été créé par la Commission des droits de l’homme dans sa résolution 1991/42. Son mandat a été précisé et renouvelé dans la résolution 1997/50 de la Commission. Conformément à la résolution 60/251 de l’Assemblée générale et à sa décision 1/102, le Conseil des droits de l’homme a repris le mandat de la Commission. Le Conseil a reconduit le mandat du Groupe de travail pour une nouvelle période de trois ans dans sa résolution 51/8.
2. Le 19 mai 2023, conformément à ses méthodes de travail1, le Groupe de travail a transmis au Gouvernement togolais une communication concernant Abdoul Aziz Goma. Le Gouvernement n’a pas répondu à la communication. L’État est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
3. Le Groupe de travail estime que la privation de liberté est arbitraire dans les cas suivants :
a) Lorsqu’il est manifestement impossible d’invoquer un quelconque fondement juridique pour justifier la privation de liberté (comme dans le cas où une personne est maintenue en détention après avoir exécuté sa peine ou malgré l’adoption d’une loi d’amnistie qui lui est applicable) (catégorie I) ;
b) Lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice de droits ou de libertés garantis par les articles 7, 13, 14, 18, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et, en ce qui concerne les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par les articles 12, 18, 19, 21, 22, 25, 26 et 27 de cet instrument (catégorie II) ;
c) Lorsque l’inobservation totale ou partielle des normes internationales relatives au droit à un procès équitable, établies dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les États concernés, est d’une gravité telle qu’elle rend la privation de liberté arbitraire (catégorie III) ;
d) Lorsqu’un demandeur d’asile, un immigrant ou un réfugié est soumis à une détention administrative prolongée sans possibilité de contrôle ou de recours administratif ou juridictionnel (catégorie IV) ;
e) Lorsque la privation de liberté constitue une violation du droit international en ce qu’elle découle d’une discrimination fondée sur la naissance, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la langue, la religion, la situation économique, l’opinion politique ou autre, le sexe, l’orientation sexuelle, le handicap ou toute autre situation, qui tend ou peut conduire au non-respect du principe de l’égalité entre les êtres humains (catégorie V).
1. Informations reçues
a) Communication émanant de la source
4. Abdoul Aziz Goma est un homme d’affaires d’origine togolaise et de nationalité irlandaise. Il était âgé de 48 ans au moment de son arrestation et réside habituellement en Irlande et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
i) Contexte
5. La source explique que ces dernières années, le Togo a mis en œuvre des mesures de répression de l’opposition politique et de l’exercice de droits fondamentaux tels que les droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association et de réunion. Les critiques et dissidents seraient fréquemment détenus ou sujets au harcèlement et à des sanctions pénales pour s’être exprimés publiquement contre les politiques et pratiques du Gouvernement2. Depuis 2017, le Togo aurait procédé à l’arrestation et au placement en détention de plus de 100 prisonniers politiques. Selon la source, ces personnes ne jouiraient pas des mêmes droits que d’autres prisonniers, et les organisations humanitaires et de droits humains n’auraient pas accès à elles. La source affirme que, bien que M. Goma n’ait pas été politiquement actif, son arrestation et sa détention font partie de ce mouvement de répression.
6. La source observe que, dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Togo3, le Comité des droits de l’homme s’est déclaré gravement préoccupé par le recours excessif à la détention provisoire par le Gouvernement, et par le nombre important de personnes détenues de manière prolongée et arbitraire. Plus de la moitié de la population carcérale au Togo se trouverait actuellement en détention provisoire, et beaucoup seraient détenus plusieurs années en attente de jugement, sans aucune indemnisation, certains pendant des périodes plus longues que les peines encourues s’ils étaient reconnus coupables.
La source souligne les recommandations du Comité des droits de l’homme tendant à ce que le Gouvernement togolais modifie les dispositions du Code de procédure pénale de façon à permettre à tout individu arrêté ou en détention d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale4.
7. De plus, la source note que les conditions carcérales au Togo demeurent difficiles et potentiellement mortelles en raison de la surpopulation carcérale importante, des mauvaises conditions sanitaires, des maladies, et de l’alimentation insuffisante et malsaine. La source déplore aussi le caractère inadéquat des installations médicales, de la nourriture, de l’assainissement, de la ventilation et de l’éclairage, ainsi que le manque d’eau potable en prison. Elle rappelle les recommandations du Comité des droits de l’homme tendant à ce que le Togo considère des mesures de substitution à la détention provisoire afin d’atténuer la surpopulation carcérale et les conditions difficiles de détention5. La source souligne aussi lademande expresse du Comité contre la torture au Togo de fermer définitivement et sans délai la prison de Lomé, où M. Goma est actuellement détenu6.
ii) Arrestation et détention
8. Selon la source, avant son arrestation, M. Goma se rendait régulièrement au Togo pour ses activités professionnelles. Le 9 novembre 2018, il se serait rendu à Lomé à la suite d’une expédition de marchandises qu’il aurait fait transporter de Manchester. N’ayant payé qu’une partie du montant dû pour cette expédition, il se serait rendu à l’intérieur du pays afin de demander à un ami de l’aide financière pour payer le reste. Les marchandises devaient être livrées le 21 décembre 2018 et M. Goma, ayant été en mesure de voir son ami, serait retourné à Lomé afin de faciliter la vente de ses marchandises.
9. Le 19 décembre 2018, M. Goma aurait reçu l’appel d’un ami lui demandant d’aider huit jeunes personnes ayant voyagé d’Accra à Lomé et n’arrivant pas à joindre la personne les ayant invitées à Lomé. Selon la source, M. Goma ne connaissait ni ces huit personnes ni celle qui les avait invitées. Ces huit personnes n’ayant nulle part où aller et ne disposant pas d’argent, M. Goma aurait décidé de les aider et joint un proche qui aurait accepté de les héberger. M. Goma aurait appris que ces huit personnes étaient originaires du Togo et étaient venues à Lomé afin de participer à une manifestation pacifique dans le contexte des élections prévues à ce moment-là au Togo. Il leur aurait fourni 50 000 francs CFA pour les aider à retourner au Ghana le lendemain matin.
10. Le 20 décembre 2018, les huit personnes seraient parvenues à entrer en contact avec la personne les ayant invitées à Lomé, qui les aurait relogées dans un hôtel et aurait demandé à rencontrer M. Goma afin de le remercier de les avoir aidées. M. Goma aurait rendu visite à cette personne puis, à la suite de cette interaction, n’aurait plus eu de contact avec elle et les huit autres personnes. La source note que le Gouvernement aurait allégué qu’un contact des huit personnes avait été trouvé en possession de cocktails Molotov. Cependant, ni M. Goma ni la source n’auraient vu la moindre preuve de cette accusation ou de celle selon laquelle la manifestation à laquelle les huit personnes prévoyaient de participer avait un but autre que pacifique7.
11. Selon la source, le 21 décembre 2018 aux environs de 19 heures, M. Goma et trois personnes se seraient retrouvés pour dîner. À la suite de ce dîner, ils seraient revenus à Lomé et se seraient trouvés devant la pharmacie de Gbossimé, sur le boulevard de la Kara, pour déposer l’une de ces personnes. Selon la source, ils auraient été encerclés par un groupe d’hommes en civil et armés qui les auraient agressés à coups de matraque et de pied, leur piétinant les mains, les pieds, les bras, les jambes, le cou et la tête, et menaçant de leur tirer dessus. M. Goma et les personnes l’accompagnant auraient été menottés, sans qu’un mandat leur soit présenté et sans que leur soient expliquées les raisons de leur arrestation. Ils auraient été transférés au siège du Service central de recherches et d’investigations criminelles, où ils auraient appris que les personnes ayant procédé à leur arrestation étaient des membres de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie.
12. Selon la source, M. Goma serait resté détenu au siège du Service central de recherches et d’investigations criminelles, où il aurait été de nouveau agressé physiquement, menotté à un arbre et à une voiture, et battu. Cette agression se serait poursuivie le lendemain jusqu’à ce que M. Goma vomisse du sang et s’évanouisse. À la suite de cette agression, M. Goma aurait été informé des accusations portées contre lui, selon lesquelles ses compagnons et lui auraient fait appel à des individus du Ghana dans le but de déstabiliser le pays.
13. Les 22 et 23 décembre 2018, M. Goma et ses compagnons auraient été détenus dans les locaux de la brigade de recherches antigang. Des agents auraient perquisitionné le domicile de M. Goma, sa voiture et son conteneur de fret à la recherche de preuves à l’appui de ces allégations, sans un quelconque mandat. Selon la source, la fouille du conteneur de fret aurait duré de 8 heures du matin à 18 heures. Bien que les agents aient déclaré chercher de la contrebande, ils n’auraient trouvé dans le conteneur que divers biens de seconde main comme des machines à coudre, des outils et un châssis de voiture. La source souligne que ces perquisitions n’ont produit aucune preuve contre M. Goma et que le Gouvernement n’a jamais inculpé M. Goma sur la base de ce qui a été trouvé lors de ces perquisitions.
14. M. Goma aurait été détenu au siège du Service central de recherches et d’investigations criminelles du 23 décembre 2018 au 9 janvier 2019, et y aurait subi de nouvelles agressions physiques et des actes de torture. Deux de ses compagnons auraient été libérés au cours de ces deux semaines. Selon la source, aucune base légale n’a été fournie à M. Goma pour justifier son arrestation, et il n’aurait pas été informé des accusations portées contre lui pendant dix jours suivant son arrestation.
15. Le 31 décembre 2018, soit dix jours après son arrestation, M. Goma aurait comparu devant le Procureur de la République et lui aurait montré ses blessures, présumément dues aux actes de torture et aux mauvais traitements subis. Le même jour, M. Goma aurait été informé des charges retenues contre lui pour la première fois, à savoir : destruction volontaire de biens publics, troubles graves à l’ordre public, association de malfaiteurs, et atteinte à la sûreté et à la sécurité de l’État. Il n’aurait cependant pas été présenté à un juge ou reçu un quelconque document écrit.
16. Le 9 janvier 2019, M. Goma aurait été conduit à la Direction générale de la gendarmerie nationale, où il aurait été menotté et assis dos au mur tandis que des agents de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie pointaient leurs armes sur lui et menaçaient de le tuer. Il aurait ensuite été enfermé dans une villa de la gendarmerie nationale. Les agents du Service central de recherches et d’investigations criminelles auraient continué de détenir M. Goma jusqu’à sa comparution devant un juge, le 15 janvier 2019.
17. La source note que M. Goma n’a pu entrer en contact avec un avocat ou sa famille à aucun moment au cours des événements décrits ci-dessus. Au total, il aurait été détenu vingt-sept jours par les agents du Service central de recherches et d’investigations criminelles.
18. Le 15 janvier 2019, M. Goma aurait été déféré devant le juge d’instruction, accusé de financer le Parti national panafricain et d’être un émissaire de la diaspora togolaise en Europe. M. Goma aurait comparu sans l’assistance d’un avocat et aurait nié ces accusations. Il aurait ensuite été transféré à la prison civile de Lomé.
19. Le 14 juin 2020, vers 3 heures du matin, M. Goma et une cinquantaine d’autres détenus auraient été transférés à la prison secrète de la gendarmerie nationale de Lomé, située boulevard du 13 janvier. M. Goma aurait été détenu aux côtés de 75 autres prisonniers dans une villa comprenant seulement quatre pièces, une douche et une toilette. Il n’aurait pas été autorisé à communiquer avec sa famille ou ses proches, et aurait été enfermé pendant vingt-quatre heures dans une cellule sombre.
20. La source affirme que ce n’est qu’en octobre 2020, soit deux ans après son arrestation et le début de sa détention, que M. Goma a pu accéder à un avocat. Le 6 octobre 2020, ses avocats auraient demandé sa libération provisoire au juge d’instruction, qui aurait rejeté la demande par ordonnance datée du 26 octobre 2020. La cour d’appel de Lomé aurait confirmé l’ordonnance du juge d’instruction le 18 novembre 20208. La source souligne l’absence de conclusion particularisée concernant M. Goma dans l’ordonnance de la cour d’appel.
21. Le 20 novembre 2020, en réponse aux plaintes orales formulées par M. Goma à un juge-président quant aux actes de torture qu’il aurait subis, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lomé aurait ordonné une enquête officielle sur les actes de torture prétendument subis par M. Goma et ses codétenus. La source note que M. Goma a été soumis, entre autres, à une méthode de torture nommée « Falanga », laquelle consiste à fouetter les pieds de la personne et peut entraîner de graves lésions nerveuses et malformations des pieds. Le 14 juin 2021, M. Goma aurait déposé une plainte officielle concernant les actes de torture prétendument subis. Plus de deux ans plus tard, la source indique qu’aucune enquête n’a eu lieu.
22. Le 6 août 2021, le juge d’instruction aurait informé M. Goma et 15 autres détenus de l’abandon des chefs d’accusation de destruction volontaire de biens publics et d’atteinte à la sûreté de l’État. Cette annonce aurait été faite en chambre privée, sans la présence des avocats de M. Goma, qui n’auraient pas été avisés de l’abandon de ces accusations par la suite.
23. La source note que, le 14 décembre 2021, plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme ont transmis au Gouvernement togolais une lettre exposant les faits décrits ci-dessus et exprimant leurs préoccupations concernant la détention et le traitement de M. Goma par les autorités togolaises9.
24. Le 20 janvier 2022, M. Goma aurait été transféré de la prison secrète de la gendarmerie nationale de Lomé, où il était détenu depuis juin 2020, à la prison civile de Lomé, où il serait incarcéré à ce jour. La source note que, bien que la prison civile de Lomé n’ait une capacité que de 600 détenus, elle en héberge actuellement plus de 2 000. La source ajoute que M. Goma n’y est généralement nourri qu’une fois par jour et, souvent, ne l’est pas du tout.
25. La source note la détérioration de l’état de santé de M. Goma en raison des actes de torture prétendument subis. Le 26 novembre 2021, il aurait été admis à l’hôpital, où il serait resté jusqu’au 29 novembre. Une hernie discale entraînant une sciatique et provoquant une douleur nerveuse intense lui aurait été diagnostiquée, et M. Goma n’aurait pas été traité depuis. M. Goma développerait également des symptômes de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, en conséquence de quoi il aurait progressivement perdu l’usage de ses jambes et ne pourrait plus marcher. Selon la source, les actes de torture auxquels il aurait été soumis lui auraient causé des douleurs musculaires, vertébrales, abdominales et articulaires permanentes.
26. Le 24 février 2022, le Gouvernement aurait justifié l’arrestation de M. Goma sur la base des articles 48, 49, 495, 549, 663 et 695 du Code pénal.
27. Le 4 avril 2022, M. Goma aurait formulé une demande de libération provisoire pour des raisons de santé. Celle-ci aurait été rejetée le 12 avril 2022, et ce rejet lui aurait été communiqué oralement. La source note que les raisons de ce rejet n’ont pas été documentées.
28. Le 14 septembre 2022, M. Goma aurait demandé la possibilité de requérir de son médecin un certificat médical, nécessaire pour recevoir un traitement médical. Le 21 novembre 2022, la cour d’appel de Lomé aurait fait droit à sa demande. Néanmoins, l’administration pénitentiaire n’aurait pas permis à M. Goma de se rendre à son rendez-vous médical, en raison d’un problème de documentation. En outre, l’administration pénitentiaire aurait empêché M. Goma de se rendre à un rendez-vous avec son médecin le 5 décembre 2022, bien que M. Goma ait été en possession d’une lettre et d’un certificat médical. Selon la source, la santé de M. Goma continuerait de se détériorer. Bien que le Gouvernement lui ait permis un accès médical limité, le médecin de M. Goma l’aurait informé qu’il ne pouvait recevoir les traitements qui lui sont nécessaires au Togo. Le médecin traitant M. Goma refuserait de lui fournir une copie de son dossier médical répertoriant ses visites et les traitements administrés.
iii) Analyse juridique
29. La source affirme que l’arrestation et la détention de M. Goma sont arbitraires au titre des catégories I, II et III des méthodes de travail du Groupe de travail.
a. Catégorie I
30. Selon la source, l’arrestation et la détention de M. Goma sont arbitraires dès lors que celui-ci a été détenu au secret et que les autorités ne peuvent étayer le fondement juridique de sa détention.
31. La source rappelle qu’une détention est arbitraire lorsqu’elle est dépourvue de base légale, notamment lorsque la personne est détenue au secret ou lorsque le Gouvernement n’étaye pas le fondement juridique de la détention au moyen d’éléments de fait suffisants pour donner une indication du fond de la plainte, par exemple l’acte illicite reproché10.
32. La source rappelle les conclusions du Groupe de travail selon lesquelles la détention au secret constitue une forme de détention arbitraire dès lors qu’elle viole le droit de la personne détenue de contester la légalité de sa détention devant un tribunal compétent, garanti aux articles 8, 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle note que la détention au secret est constituée lorsqu’un individu est détenu pour une durée potentiellement indéfinie et hors du cadre de la loi sans avoir la possibilité de recourir aux procédures légales, notamment l’habeas corpus11. À cet égard, la source note les observations du Groupe de travail selon lesquelles la détention secrète et la détention au secret constituent la violation la plus odieuse de la règle protégeant le droit à la liberté de l’être humain en droit international coutumier12.
33. En l’espèce, la source fait valoir que M. Goma a été détenu au secret à deux reprises. Il aurait d’abord été détenu au secret, sans pouvoir accéder à un avocat, à la suite de son arrestation, du 21 au 31 décembre 2018, date à laquelle il aurait été présenté devant le Procureur. Puis, il aurait été transféré le 14 juin 2020 à la prison secrète de la gendarmerie nationale de Lomé, où il aurait été détenu au secret jusqu’en octobre 2020, quand il aurait été en mesure d’accéder à un avocat. Depuis son transfert initial à la prison secrète de la gendarmerie nationale de Lomé jusqu’au 20 janvier 2022, M. Goma aurait été détenu dans un établissement surpeuplé, sans pouvoir communiquer avec le monde extérieur. Il n’aurait eu accès ni à son avocat ni à sa famille ou encore au personnel consulaire. De plus, le Gouvernement n’aurait communiqué à sa famille aucune information quant à sa localisation ni aucun moyen d’entrer en contact avec lui. Partant, la source fait valoir que M. Goma a été détenu au secret.
34. De plus, la source affirme que la détention de M. Goma n’est fondée sur aucune preuve et qu’il est détenu sans avoir été jugé. Elle note que les accusations utilisées par le Gouvernement pour justifier l’arrestation de M. Goma sont infondées et dépourvues de preuve. Son arrestation ferait partie d’une répression plus vaste de l’expression politique. À cet égard, la source observe que les autorités ont arrêté et placé en détention plus de 100 prisonniers politiques depuis le début de ladite répression, lors des élections de 2017. Elle explique qu’à la suite de manifestations et de répressions le 6 décembre 2018, le Gouvernement aurait interdit les manifestations de l’opposition prévues en réaction aux élections législatives du 20 décembre 2018. Le Gouvernement aurait ensuite arrêté de nombreuses personnes prétendument associées à l’opposition politique.
35. Selon la source, à ce jour, le Gouvernement n’a présenté aucune preuve d’un quelconque acte auquel M. Goma se serait livré et qui serait susceptible de faire raisonnablement naître une responsabilité pénale. La source note que M. Goma n’a fait qu’arranger, à la demande d’une personne dans son entourage, un logement pour huit jeunes personnes qui ne pouvaient entrer en contact avec leur hôte. Il n’aurait pas sollicité, appelé ou recruté qui que ce soit dans le but de troubler l’ordre public, entrepris un quelconque acte dans le but de renverser le Gouvernement, ou commis le moindre acte de violence. Selon la source, les éléments constitutifs des infractions prévues aux articles 48, 49, 495, 549, 663 et 695 du Code pénal, sur la base desquels M. Goma est détenu, ne sont pas réunis, et le Gouvernement n’a présenté aucune preuve justifiant sa détention sur la base de ces articles.
36. La source ajoute par ailleurs que le Gouvernement n’a initialement présenté à M. Goma aucun document d’accusation ou mandat de perquisition, et ne lui avait pas notifié les accusations portées contre lui. M. Goma aurait été informé de l’abandon de deux accusations, mais sans que son avocat soit présent. Or, le Gouvernement aurait par la suite invoqué ces deux accusations pour justifier la détention de M. Goma. La source note qu’à ce jour, les accusations portées à l’encontre de M. Goma demeurent incertaines. Elle conclut que les contradictions affichées par le Gouvernement, le non-respect des procédures légales concernant tant l’inculpation de M. Goma que l’abandon de certaines accusations, et le caractère secret de la procédure contre lui démontrent le manque de base légale de sa détention.
b. Catégorie II
37. La source affirme que M. Goma est détenu en raison de l’exercice de son droit à la liberté d’association et de réunion, garanti par l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et les articles 21 et 22 du Pacte. Elle rappelle que le Comité des droits de l’homme a appelé les États à respecter et à protéger le droit de tout individu de s’associer librement, en particulier pour celles et ceux qui soutiennent des positions minoritaires ou dissidentes. Elle note que le droit à la liberté d’association, qui comprend le droit de constituer des organisations et des associations s’intéressant aux affaires politiques et publiques, est un élément accessoire essentiel pour les droits protégés par l’article 25 du Pacte13. La source observe par ailleurs que l’article 30 de la Constitution togolaise protège le droit à la liberté d’association et de réunion.
38. En l’espèce, la source affirme que M. Goma a été arrêté en raison de son association avec des individus qui planifiaient de participer à une manifestation pacifique, mais n’y auraient pas participé. En outre, les autorités accuseraient M. Goma d’avoir interagi avec le Parti national panafricain, un parti d’opposition. La source fait valoir que, bien qu’elle soit erronée en l’espèce, une telle accusation relèverait du droit garanti à l’article 25 du Pacte. De plus, M. Goma serait détenu pour s’être associé à des individus planifiant de se rassembler pour une manifestation en lien avec les élections législatives, en violation de son droit d’association et de réunion pacifique. Selon la source, le Gouvernement arrêterait et détiendrait indéfiniment toute personne interagissant avec des manifestants ou apportant un soutien à des manifestants potentiels, que ce soutien soit destiné ou non à servir l’objectif de la manifestation, que la manifestation ait ou non effectivement eu lieu, et qu’il existe ou non une intention de violence. Le Gouvernement criminaliserait ainsi toute manifestation ou tout lien avec des manifestants. La source affirme qu’en détenant M. Goma, le Gouvernement rend plus difficiles le transport, le logement, l’approvisionnement en nourriture et le soutien nécessaire à l’organisation et à la participation à des manifestations pacifiques. Il créerait ainsi un risque additionnel de responsabilité pénale et découragerait par conséquent de multiples individus et entreprises de s’associer avec des manifestants, en violation du droit international14.
39. La source fait valoir qu’aucune des restrictions permises au droit à la liberté d’association et de réunion15 n’est applicable en l’espèce. Elle affirme que le Gouvernement n’a invoqué aucune menace envers la sûreté nationale, la sécurité publique, la santé publique ou les droits fondamentaux d’autrui nécessitant la détention continue de M. Goma16.
40. Partant, la source affirme que la détention de M. Goma est arbitraire au titre de la catégorie II.
c. Catégorie III
41. La source fait valoir que la détention de M. Goma est arbitraire au titre de la catégorie III dès lors qu’elle est contraire aux exigences du droit à un procès équitable établies par le droit international et la Constitution togolaise.
42. La source affirme que M. Goma n’a pas été informé des raisons de son arrestation au moment de celle-ci, en violation de l’article 9 du Pacte, de l’article 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, des principes 2 et 36 (par. 2) de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, et de l’article 17 de la Constitution togolaise. La source observe que, selon le Comité des droits de l’homme, l’article 9 du Pacte exige que les procédures régissant la privation de liberté autorisée par la loi soient elles aussi prévues par la loi, et les États parties devraient veiller à ce que les procédures légalement prescrites soient respectées17.
43. La source ajoute que les autorités n’ont pas présenté de mandat d’arrêt à M. Goma et que rien n’indique qu’un tel mandat existe. Elle conclut donc que la détention provisoire de M. Goma était infondée ab initio et que le refus de le libérer provisoirement constitue une violation des dispositions susmentionnées.
44. De plus, la source fait valoir que M. Goma s’est vu et continue de se voir refuser son droit d’être libéré en attente de jugement, ce qui est contraire à l’article 9 (par. 3) du Pacte et aux principes 38 et 39 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. En effet, il serait détenu depuis le 21 décembre 2018 sans avoir été jugé. À cet égard, la source observe que la détention avant jugement doit reposer sur une détermination au cas par cas qu’elle est raisonnable et nécessaire au regard de toutes les circonstances, par exemple pour éviter que l’intéressé prenne la fuite, modifie des preuves ou commette une nouvelle infraction18. Selon la source, M. Goma n’a aucun antécédent violent et ne constitue pas une menace pour la société. Elle souligne que les faits présumément constitutifs d’une activité criminelle consistent en l’arrangement de l’hébergement de jeunes personnes ne pouvant pas entrer en contact avec leur hôte et en la fourniture à ces personnes d’une petite somme d’argent.
45. Le 26 octobre 2020, soit près de deux ans après son arrestation, M. Goma se serait vu refuser sa demande de mise en liberté provisoire 19. La source note que pour justifier la détention de M. Goma, le Procureur aurait fait valoir le sérieux des accusations contre d’autres personnes arrêtées et le risque que ces personnes retournent au Ghana. Le Procureur n’aurait cependant pas indiqué de preuve spécifique qu’il craignait que M. Goma détruise, ni précisé quel risque particulier posait M. Goma ou comment celui-ci risquait d’entraver l’enquête. En outre, la source souligne l’absence de conclusion particularisée concernant M. Goma dans l’ordonnance de la cour d’appel de Lomé confirmant l’ordonnance de rejet du juge d’instruction. Elle note que, pour rejeter la demande de liberté provisoire de M. Goma, le Gouvernement a invoqué la sévérité des accusations contre celui-ci. La source fait valoir qu’un tel fondement n’est pas permis pour justifier la détention provisoire d’un individu, et que la détention provisoire ne doit pas être utilisée pour maintenir une personne en détention pour un crime pour lequel elle n’a pas encore été jugée, sans quoi cela reviendrait à préjuger le crime lui-même20.
46. La source affirme que le Gouvernement n’a pas rempli son obligation de procéder à une évaluation individualisée des risques associés à la libération provisoire de M. Goma et n’a présenté aucune preuve justifiant son maintien en détention. Elle considère que la situation à laquelle M. Goma est soumis est d’autant plus injuste que la durée de sa détention équivaut presque à la durée des peines prévues pour les crimes dont il est accusé.
47. Par ailleurs, la source fait valoir que M. Goma est détenu depuis le 21 décembre 2018, soit depuis plus de quatre ans, sans avoir été jugé. Aucune date de procès ne serait fixée. Selon la source, rien ne justifierait ce long délai entre l’arrestation de M. Goma et le début de son procès. La source réitère que ce délai dépasse la durée des peines prévues pour la majorité des crimes dont il est accusé. Partant, elle affirme que les autorités ont violé le droit de M. Goma d’être jugé dans le plus court délai, garanti à l’article 14 (par. 3 c)) du Pacte et réitéré par le principe 38 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement ainsi que par le Comité des droits de l’homme21.
48. Enfin, la source affirme que le Gouvernement a violé les droits de M. Goma d’être défendu par le conseil de son choix et de communiquer avec celui-ci, garantis par l’article 14 (par. 3 b) et d)) du Pacte. Elle souligne que, selon le Comité des droits de l’homme, le droit de communiquer avec son conseil exige que l’accusé ait accès à un conseil dans le plus court délai, et les États parties doivent permettre et faciliter l’accès à un conseil pour les détenus inculpés d’une infraction pénale, dès le début de la détention22. La source note que le principe 18 (par. 1 et 3) de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, la règle 119 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et l’article 16 de la Constitution togolaise protègent aussi le droit d’être assisté par un avocat.
49. En l’espèce, la source fait valoir que M. Goma a été arrêté le 21 décembre 2018, torturé et détenu au siège du Service central de recherches et d’investigations criminelles, où il aurait subi d’autres actes de torture, puis transféré dans les locaux de la brigade de recherches antigang, avant d’être transféré à nouveau au siège du Service central de recherches et d’investigations criminelles. Son domicile aurait été perquisitionné et ses effets personnels auraient été fouillés. Le 31 décembre 2018, un mandat de dépôt à son égard lui aurait été lu, et il aurait été amené à la gendarmerie nationale puis détenu dans une cellule au siège du Service central de recherches et d’investigations criminelles, avant d’être présenté à un juge le 15 janvier 2019, et détenu encore vingt et un mois. Tout cela aurait eu lieu sans qu’il ait accès à un avocat. En outre, les autorités lui auraient interdit l’accès à un avocat jusqu’en octobre 2020, et ce dernier n’aurait pas été présent le 6 août 2021, lorsque le juge d’instruction aurait informé M. Goma de l’abandon de certaines accusations et lui aurait demandé de signer des documents juridiques. M. Goma n’aurait pas non plus été représenté le 12 avril 2022, lorsque sa demande de mise en liberté provisoire pour raisons de santé aurait été rejetée. La source affirme que rien ne justifie d’avoir retardé l’accès de M. Goma à un avocat ou de lui avoir refusé un tel accès pendant près de deux ans, y compris lors d’interrogatoires, de son inculpation et de sa comparution devant le juge d’instruction.
50. Partant, la source conclut que l’arrestation et la détention de M. Goma sont arbitraires au titre de la catégorie III.
b) Réponse du Gouvernement
51. Le 19 mai 2023, le Groupe de travail a transmis au Gouvernement une communication concernant Abdoul Aziz Goma, l’y priant de lui fournir des informations détaillées sur celui-ci au plus tard le 18 juillet 2023. Plus particulièrement, il lui demandait de préciser les dispositions juridiques justifiant son maintien en détention, ainsi que leur compatibilité avec les obligations du Togo en vertu du droit international des droits humains, en particulier avec les traités ratifiés par l’État. En outre, le Groupe de travail appelait le Gouvernement à garantir l’intégrité physique et mentale de M. Goma.
52. Le Groupe de travail regrette de n’avoir pas reçu de réponse du Gouvernement, d’autant que celui-ci n’a pas demandé de prorogation du délai fixé pour fournir les informations demandées, ce que les méthodes de travail du Groupe de travail autorisent pourtant.
2. Examen
53. En l’absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de travail a décidé de rendre le présent avis, conformément au paragraphe 15 de ses méthodes de travail.
54. Pour déterminer si la privation de liberté de M. Goma est arbitraire, le Groupe de travail tient compte des principes établis dans sa jurisprudence sur les règles de la preuve. Lorsque la source établit une présomption de violation des règles internationales constitutive de détention arbitraire, la charge de la preuve incombe au Gouvernement dès lors que celui-ci décide de contester les allégations 23. En l’espèce, le Gouvernement a décidé de ne pas contester les allégations à première vue crédibles formulées par la source.
a) Catégorie I
55. La source affirme que l’arrestation de M. Goma est arbitraire dès lors qu’il n’a pas été informé des raisons de son arrestation au moment de celle-ci. Elle fait valoir que les autorités n’ont pas présenté de mandat d’arrêt à M. Goma et que rien n’indique qu’un tel mandat existe. Le Gouvernement a choisi de ne pas contester ces allégations, bien qu’il en ait eu l’occasion.
56. Aux termes de l’article 9 (par. 1) du Pacte, nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. Comme le Groupe de travail l’a déclaré, pour qu’une privation de liberté ait une base légale, il ne suffit pas qu’il existe une loi autorisant l’arrestation. Les autorités doivent invoquer cette base juridique et l’appliquer aux circonstances de l’affaire. Cela est typiquement24 réalisé au moyen d’un mandat d’arrêt ou ordre d’arrestation, ou d’un document équivalent25. De plus, l’article 9 (par. 2) du Pacte prévoit que tout individu arrêté doit être informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevoir notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui. Le respect de ces droits est essentiel aux autres droits énoncés à l’article 9 du Pacte, tout individu devant connaître les raisons de son arrestation pour pouvoir la contester efficacement, et être traduit devant un tribunal ou un magistrat pour pouvoir formuler un recours.
57. Selon la source, le 21 décembre 2018, M. Goma et les personnes l’accompagnant ont été arrêtés et menottés, sans qu’un mandat leur soit présenté et sans que leur soient expliquées les raisons de leur arrestation. Le Groupe de travail note les allégations incontestées de la source selon lesquelles M. Goma et les individus l’accompagnant ont subi de multiples agressions physiques lors de leur arrestation. Notant l’absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de travail considère comme crédibles les allégations de la source selon lesquelles M. Goma a été arrêté sans qu’un mandat lui soit présenté et sans être informé, au moment de son arrestation, des raisons de celle-ci, en violation de l’article 9 (par. 1 et 2) du Pacte. Le Groupe de travail est particulièrement préoccupé par le fait qu’à ce jour, plus de quatre ans après son arrestation, les accusations à l’égard de M. Goma demeurent incertaines.
58. En outre, la source soutient que M. Goma s’est vu et continue de se voir refuser son droit d’être libéré en attente de jugement.
59. Le Groupe de travail rappelle qu’au titre de l’article 9 (par. 3) du Pacte, la détention provisoire doit être l’exception plutôt que la règle et doit être ordonnée pour la durée la plus courte possible 26. Elle doit être fondée sur une détermination individuelle qu’elle est raisonnable et nécessaire à des fins telles qu’empêcher la fuite, la falsification de preuves ou la répétition d’un crime27. Les tribunaux doivent examiner si les mesures de substitution à la détention provisoire, telles que la libération sous caution, rendraient la détention inutile28. Pour déterminer si les éléments justifiant la détention provisoire sont réunis, le Groupe de travail s’intéresse à la question de savoir si les tribunaux nationaux ont tenu compte des circonstances particulières de l’intéressé, mais ne vérifie pas lui-même l’existence de risques nécessitant un placement en détention29.
60. Le Groupe de travail note que, dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Togo30, le Comité des droits de l’homme a souligné l’utilisation excessive de la détention provisoire et le nombre important de personnes détenues de manière prolongée. De multiples prisonniers seraient détenus plusieurs années en attente de jugement, certains pendant des périodes plus longues que les peines encourues s’ils étaient reconnus coupables. En l’espèce, le Groupe de travail note que, selon les faits présentés par la source, le 26 octobre 2020, soit près de deux ans après son arrestation, M. Goma se serait vu refuser sa demande de mise en liberté provisoire. Or, le Procureur n’aurait pas indiqué de preuve spécifique qu’il craignait que M. Goma détruise, ni précisé quel risque particulier posait M. Goma ou comment celui-ci risquait d’entraver l’enquête. Notant l’absence de réponse du Gouvernement tendant à démontrer une évaluation individualisée des risques associés à la libération provisoire de M. Goma et à justifier la nécessité de son maintien en détention, le Groupe de travail considère que les autorités ont violé l’article 9 (par. 3) du Pacte.
61. Par ailleurs, la source allègue que l’arrestation et la détention de M. Goma sont arbitraires dès lors que celui-ci a été détenu au secret à deux reprises, d’abord à la suite de son arrestation, du 21 au 31 décembre 2018, puis de juin à octobre 2020. Selon la source, M. Goma a été privé d’accès à sa famille et à son avocat, et le Gouvernement n’a communiqué à sa famille aucune information quant à sa localisation ni aucun moyen d’entrer en contact avec lui. Le Gouvernement n’a pas contesté ces allégations, bien qu’il en ait eu l’opportunité.
62. Notant l’absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de travail considère comme crédibles les allégations de la source selon lesquelles M. Goma a été détenu au secret pendant dix jours à la suite de son arrestation, puis pendant près de quatre mois, de juin à octobre 2020. Le Groupe de travail considère que toute privation de liberté impliquant la dissimulation délibérée du sort ou de la localisation de la personne, ou le refus d’admettre son placement en détention, est dépourvue de tout fondement juridique valable, quelles que soient les circonstances31. Le Groupe de travail estime que M. Goma a fait l’objet d’une disparition forcée et rappelle que les disparitions forcées portent atteinte à de nombreuses règles de fond et de procédure énoncées dans le Pacte, notamment aux articles 9 et 14, sont interdites par le droit international et constituent une forme particulièrement grave de détention arbitraire32.
63. En outre, le Groupe de travail rappelle que la détention au secret constitue une violation du droit de contester la légalité de sa détention devant un tribunal, garanti à l’article 9 (par. 4) du Pacte33. Le Groupe de travail estime qu’en détenant M. Goma au secret pendant dix jours après son arrestation, les autorités l’ont privé du droit de contester la légalité de sa détention devant un tribunal et ont violé l’article 9 (par. 4) du Pacte. M. Goma a aussi été privé de son droit à un recours utile, garanti à l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 2 (par. 3) du Pacte, et a été soustrait à la protection de la loi, en violation de l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de l’article 16 du Pacte.
64. Partant, le Groupe de travail conclut que la détention de M. Goma est dépourvue de base légale, en violation des articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de l’article 9 du Pacte. Sa détention est donc arbitraire au titre de la catégorie I.
b) Catégorie II
65. La source affirme que M. Goma est détenu en raison de l’exercice de son droit à la liberté d’association et de réunion, garanti par l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et les articles 21 et 22 du Pacte. Elle note aussi que le droit à la liberté d’association est un élément essentiel pour les droits protégés par l’article 25 du Pacte34 et est consacré à l’article 30 de la Constitution togolaise.
66. Le Groupe de travail rappelle que la détention résultant de l’exercice de droits protégés par le Pacte ou par la Déclaration universelle des droits de l’homme est arbitraire au titre de la catégorie II. Il note les allégations de la source selon lesquelles M. Goma a été arrêté en raison de son association présumée avec des individus qui planifiaient de participer à une manifestation pacifique, mais n’y auraient pas participé. La source affirme que M. Goma est détenu pour son association présumée avec des individus planifiant de se rassembler pour une manifestation en lien avec les élections législatives, en violation de son droit d’association et de réunion pacifique. En outre, la détention de M. Goma s’inscrirait dans une pratique d’arrestations et de détentions d’individus interagissant avec des manifestants ou apportant leur soutien à des manifestants potentiels. Le Groupe de travail note l’absence de réponse du Gouvernement, lequel n’a fourni aucune indication tendant à démontrer que M. Goma a été arrêté et détenu pour d’autres raisons que l’exercice pacifique de ses droits garantis aux articles 21, 22 et 25 du Pacte et aux articles 21 et 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En outre, le Gouvernement n’a invoqué aucune des restrictions permises à ces droits pouvant justifier la détention continue de M. Goma. Partant, le Groupe de travail conclut à la violation des articles 21, 22 et 25 du Pacte et des articles 21 et 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La détention de M. Goma est donc arbitraire au titre de la catégorie II.
c) Catégorie III
67. Ayant conclu que la détention de M. Goma est arbitraire au titre de la catégorie II, le Groupe de travail souligne qu’aucun procès ne devrait avoir lieu.
68. La source affirme que la détention de M. Goma est arbitraire dès lors qu’elle est contraire aux exigences du droit à un procès équitable établies par le droit international et la Constitution togolaise. Spécifiquement, M. Goma serait détenu depuis le 21 décembre 2018, soit depuis plus de quatre ans, sans avoir été jugé, et aucune date de procès ne serait fixée.
69. Aux termes des articles 9 (par. 3) et 14 (par. 3 c)) du Pacte, tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale doit être jugé dans un délai raisonnable et sans retard excessif. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est réitéré par le principe 38 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement ainsi que par le Comité des droits de l’homme35. Le Groupe de travail note que M. Goma est détenu depuis le 21 décembre 2018 et qu’aucune date de procès n’a encore été fixée. Notant l’absence d’explication du Gouvernement tendant à justifier ces longs délais, le Groupe de travail estime que le retard pris dans l’ouverture du procès de M. Goma est inacceptable et contraire aux articles 9 (par. 3) et 14 (par. 3 c)) du Pacte.
70. En outre, les personnes privées de liberté ont le droit d’être assistées par le conseil de leur choix, garanti par l’article 14 (par. 3 b) et d)) du Pacte. Ce droit s’applique à tout moment pendant la détention, y compris immédiatement après l’arrestation, et cet accès doit leur être accordé sans délai36.
71. Le Groupe de travail note les allégations incontestées de la source selon lesquelles M. Goma a été privé de son droit d’être défendu par le conseil de son choix et de communiquer avec celui-ci. En particulier, après que M. Goma a été arrêté le 21 décembre 2018, les autorités lui auraient interdit l’accès à un avocat jusqu’en octobre 2020, et ce dernier n’aurait pas été présent le 6 août 2021, lorsque le juge d’instruction aurait informé M. Goma de l’abandon de certaines accusations et lui aurait demandé de signer des documents juridiques. M. Goma n’aurait pas non plus été représenté le 12 avril 2022, lorsque sa demande de mise en liberté provisoire pour raisons de santé aurait été rejetée. Par ailleurs, le Groupe de travail rappelle ses conclusions ci-dessus quant à la détention au secret de M. Goma, à la suite de son arrestation. Dans son observation générale no 32 (2007), le Comité des droits de l’homme a indiqué que toute personne détenue a le droit d’avoir rapidement accès à un conseil, ce qui implique qu’un avocat ait le droit de rencontrer la personne détenue en privé et d’être présent pendant toute la phase d’instruction sans faire l’objet de restrictions. Conformément au principe 21 des Principes de base relatifs au rôle du barreau, il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que les avocats aient accès aux renseignements, dossiers et documents pertinents en leur possession ou sous leur contrôle, dans des délais suffisants pour qu’ils puissent fournir une assistance juridique efficace à leurs clients. L’efficacité de la représentation est fondamentalement liée au principe de l’égalité des armes, prévu à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 14 du Pacte.
72. Le Groupe de travail considère qu’en ne permettant pas à M. Goma d’accéder à un avocat immédiatement après son arrestation, et pendant près de deux ans suivant son arrestation, les autorités ont violé l’article 14 du Pacte et les articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
73. Le Groupe de travail note avec préoccupation les allégations incontestées de la source selon lesquelles M. Goma aurait subi des agressions physiques et des actes de torture. En particulier, le 14 juin 2021, M. Goma aurait déposé une plainte officielle concernant les actes de torture prétendument subis, mais aucune enquête n’aurait été ordonnée à ce jour, plus de deux ans plus tard. Le Groupe de travail rappelle que, conformément à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les personnes détenues doivent être protégées contre toute pratique qui viole leur droit de ne pas faire l’objet d’actes qui sont susceptibles de provoquer une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, qui sont intentionnellement infligées à une personne. Ce droit est absolu et ne souffre aucune restriction, et s’applique quelle que soit l’infraction dont est accusée la personne concernée. Le Groupe de travail rappelle aussi que de tels actes de torture et mauvais traitements sont susceptibles de nuire à la capacité de M. Goma de participer à sa propre défense, en violation de l’article 14 du Pacte. Le Groupe de travail renvoie l’affaire à la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
74. Au vu de ses conclusions ci-dessus, le Groupe de travail conclut que les violations du droit de M. Goma à un procès équitable sont d’une gravité telle qu’elles rendent sa privation de liberté arbitraire au titre de la catégorie III.
d) Observations finales
75. Le Groupe de travail est gravement préoccupé par les allégations de la source, non contestées par le Gouvernement, concernant la détérioration de l’état de santé de M. Goma, ses conditions de détention dans une cellule surpeuplée et sans accès à suffisamment de nourriture, et le refus par l’administration pénitentiaire de lui permettre d’accéder à des soins nécessaires. La source affirme que les conditions carcérales au Togo demeurent difficiles et potentiellement mortelles, en raison de la surpopulation carcérale importante, des mauvaises conditions sanitaires, des maladies et de l’alimentation insuffisante et malsaine. Le Groupe de travail rappelle la demande expresse du Comité contre la torture au Togo de fermer définitivement et sans délai la prison de Lomé, où M. Goma est actuellement détenu37.
Par ailleurs, le Groupe de travail note les allégations de la source selon lesquelles M. Goma aurait été détenu pendant plusieurs années sans pouvoir communiquer avec le monde extérieur, y compris sa famille.
76. Le Groupe de travail demande instamment au Gouvernement de veiller à ce que les conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté du Togo répondent aux normes internationales, notamment celles énoncées dans les Règles Nelson Mandela, au premier rang desquelles figurent les règles 12 à 27 sur les conditions de vie, les activités physiques et les soins de santé, et les règles 43 (par. 3) et 58, concernant les contacts avec le monde extérieur. De surcroît, il saisit cette occasion pour rappeler au Gouvernement que, conformément à l’article 10 (par. 1) du Pacte et aux règles 1, 24, 27 et 118 des Règles Nelson Mandela, toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, notamment en étant autorisée à recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société. Le Groupe de travail renvoie l’affaire à la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.
3. Dispositif
77. Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail rend l’avis suivant :
La privation de liberté d’Abdoul Aziz Goma est arbitraire en ce qu’elle est contraire aux articles 3, 6, 8, 9, 10, 11, 21 et 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 2, 9, 14, 16, 21, 22 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et relève des catégories I, II et III.
78. Le Groupe de travail demande au Gouvernement togolais de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier sans tarder à la situation de M. Goma et la rendre compatible avec les normes internationales applicables, notamment celles énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte.
79. Le Groupe de travail estime que, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, la mesure appropriée consisterait à libérer immédiatement M. Goma et à lui accorder le droit d’obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international.
80. Le Groupe de travail demande instamment au Gouvernement de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée sur les circonstances de la privation arbitraire de liberté de M. Goma, et de prendre les mesures qui s’imposent contre les responsables de la violation des droits de celui-ci.
81. Comme prévu au paragraphe 33 a) de ses méthodes de travail, le Groupe de travail renvoie l’affaire à la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, pour qu’elles prennent les mesures qui s’imposent.
82. Le Groupe de travail demande au Gouvernement d’user de tous les moyens à sa disposition pour diffuser le présent avis aussi largement que possible.
4. Procédure de suivi
83. Conformément au paragraphe 20 de ses méthodes de travail, le Groupe de travail prie la source et le Gouvernement de l’informer de la suite donnée aux recommandations formulées dans le présent avis, et notamment de lui faire savoir :
a) Si M. Goma a été mis en liberté et, le cas échéant, à quelle date ;
b) Si M. Goma a obtenu réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation ;
c) Si la violation des droits de M. Goma a fait l’objet d’une enquête et, dans l’affirmative, quelle a été l’issue de celle-ci ;
d) Si le Togo a modifié sa législation ou sa pratique afin de les rendre conformes aux obligations mises à sa charge par le droit international, dans le droit fil du présent avis ;
e) Si d’autres mesures ont été prises en vue de donner suite au présent avis.
84. Le Gouvernement est invité à informer le Groupe de travail de toute difficulté rencontrée dans l’application des recommandations formulées dans le présent avis et à lui faire savoir s’il a besoin qu’une assistance technique supplémentaire lui soit fournie, par exemple dans le cadre d’une visite du Groupe de travail.
85. Le Groupe de travail prie la source et le Gouvernement de lui fournir les informations demandées dans les six mois suivant la communication du présent avis. Il se réserve néanmoins le droit de prendre des mesures de suivi si de nouvelles informations préoccupantes concernant l’affaire sont portées à son attention. Cela lui permettra de faire savoir au Conseil des droits de l’homme si des progrès ont été accomplis dans l’application de ses recommandations ou si, au contraire, rien n’a été fait en ce sens.
86. Le Groupe de travail rappelle que le Conseil des droits de l’homme a engagé tous les États à coopérer avec lui et les a priés de tenir compte de ses avis, de faire le nécessaire pour remédier à la situation de toutes personnes arbitrairement privées de liberté et de l’informer des mesures prises à cette fin38.
[Adopté le 29 août 2023]