Libérés provisoirement le 31 décembre dernier après une vingtaine de jours de détention, dans une affaire dans laquelle ils étaient inculpés pour diffamation, atteinte à l’honneur et outrage à l’autorité, Ferdinand Ayité et Joël Egah se sont prêtés à un exercice inhabituel et donc inédit. Les deux journalistes, à travers une vidéo/émission spécialement enregistrée et exhibée comme une mise au point de L’Autre Journal, ont présenté leurs excuses aux ministres Pius Agbetomey de la Justice et de la Législation et Kodjo Adedze du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation frustrés suite à l’émission-débat diffusée le 30 novembre dernier. Ci-dessous l’intégralité des excuses de ces confrères.
« Comme vous tous vous le savez, depuis le 9 décembre dernier, nous avons traversé une zone de turbulences suite à des plaintes de deux ministres – tout le monde le sait déjà – suite à une émission que nous avons enregistrée ici et que nous avons mise en ligne le 30 novembre 2021. Et donc nous avons fait l’objet de convocation à la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), été auditionnés puis placés sous mandat de dépôt. Nous venons de sortir d’une vingtaine de jours de détention. Aujourd’hui il est important qu’à travers ce plateau, nous essayions de clarifier un certain nombre de choses », a commencé Ferdinand Ayité, et de faire savoir : « Depuis le début de cette aventure, L’Autre Journal, nous avons toujours pris le soin de faire l’autocensure. Et ça, les gens ne le savent pas. Nous enregistrons puis diffusons, mais il y a certaines parties que nous supprimons après lorsque nous nous rendons compte qu’il y a tellement de passion, des propos très excessifs ».
« Dans le cadre de l’émission que nous avons mise en ligne le 30 novembre dernier, il y a eu des écarts de langage. Dans la passion du débat, nous avons traité des ministres des mots qui ont frustré beaucoup de gens », a reconnu le Directeur de Publication du bihebdomadaire L’Alternative, et de leur présenter ses excuses : « Ces ministres se sont sentis frustrés et, naturellement, ils ont porté plainte et tout le monde a suivi ce qui s’est passé après. Il est donc important de rappeler aujourd’hui que l’objectif de l’émission ou bien de notre débat, ce n’est pas de jeter le discrédit sur les gens, les trainer dans la boue. Il peut arriver que parfois, il y ait des dérapages, des écarts de langage ; c’était le cas au cours de cette émission-là et donc aujourd’hui nous tenons à présenter nos excuses à ceux qui se sont sentis frustrés au cours de cette émission. C’est la raison pour laquelle nous sommes sur ce plateau ce matin, présenter nos excuses, nos sincères regrets par rapport à ces écarts de langage qui, bien naturellement, ont frustré ces personnes-là, leurs familles, leurs proches ; donc nous nous excusons pour ce qui s’est passé ».
Joël Egah, coanimateur de l’émission incriminée, a, de son côté, déclaré dans cet élément aux allures d’émission spéciale : « Dans l’exercice de la profession de journaliste, il y a toujours des glissements, tout dépend de la passion avec laquelle vous le faites. Quand je parle de glissements, ça peut être des éloges exagérés comme des qualificatifs qui également mettent mal à l’aise ; c’est récurrent, ce sont les aléas du métier et je crois que la grandeur d’esprit demande à ce que si l’autre laisse passer, tant mieux, mais s’il vous dit que cela l’a indisposé, vous lui présentez toutes vos excuses ».
« De toutes les façons, L’Autre Journal, l’exercice que nous faisons chaque semaine ici vise à amener les Togolais à avancer mieux ensemble, à ce qu’on corrige ce qui ne va pas ; et donc il n’y a aucune intention de nuire à qui que ce soit, d’amocher l’image de qui que ce soit. Si des mots tels que pasteurs, voleurs, etc. ont été utilisés, l’intention n’était pas de jeter quelqu’un en pâture, ni de douter de sa bonne volonté. La preuve, comme Ferdinand l’a dit, c’est qu’on a eu à s’autocensurer dans plusieurs émissions. Au cours de cette émission justement, il y a eu des temporisations, ça n’a pas suffi. Mais à ces autorités-là, on leur dit de ne pas le prendre en mal. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont et on ne peut qu’aujourd’hui avancer ensemble, convaincus que Joël Egah et Ferdinand Ayité ne font pas cet exercice pour nuire à qui que ce soit, mais juste toucher du doigt ce que nous nous observons, mais qui peut être faux ou mal apprécié. Je crois que c’est ça, donc que les ministres visés n’en tiennent pas rigueur et que ceux qu’on aura à citer prochainement élèvent l’esprit pour comprendre qu’il n’y a aucune intention de nuire à qui que ce soit ; mais la critique est source de progrès. Merci d’avance pour la compréhension et puis on avance ensemble », a renchéri le Directeur de Publication de l’hebdomadaire Fraternité.
Isidore Kouwonou, le Rédacteur en chef de L’Alternative et présentateur habituel de L’Autre Journal qui assurait d’ailleurs la présentation de cette émission spéciale d’excuses, aussi inculpé dans cette affaire mais pas déposé comme les deux autres, a retenu la « la grandeur d’esprit » des deux confrères à travers cet exercice et dit avoir «l’assurance que qui de droit a entendu ces messages ».
Cette sortie est diversement appréciée. Si elle devrait satisfaire l’égo blessé des deux officiels et leurs proches, elle est par contre diversement appréciée sur les réseaux sociaux. Certains préfèrent y voir un aveu des deux confrères Ferdinand Ayité et Joël Egah de la fausseté de leurs déclarations sur les ministres en question, une autohumiliation et s’en gausser. D’autres la comprennent et voient plutôt une grandeur d’esprit de leur part. Mais il n’est pas aussi superfétatoire de relever que cette présentation d’excuses était l’autre conditionnalité de la libération provisoire des deux journalistes le 31 décembre dernier. Et Dieu sait ce qu’ils ont vécu durant ces 21 jours de détention à la BRI puis à la prison civile de Lomé…