LA HAYE (AP) — Plus de quatre mois après le début de l’insurrection contre Moammar Kadhafi, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré lundi des mandats d’arrêt à l’encontre du maître de Tripoli, de son fils Saïf al-Islam Kadhafi et du chef des renseignements Abdallah al-Senoussi pour crimes contre l’humanité qui auraient été commis en février à travers les forces de sécurité et l’appareil d’Etat libyen.
Cette décision, annoncée sur fond de poursuite des bombardements de l’OTAN en Libye, a coïncidé avec de nouveaux appels de dirigeants étrangers, dont Nicolas Sarkozy, au départ du « Guide » libyen, au pouvoir depuis près de 42 ans.
La chambre préliminaire I de la CPI, qui a suivi la requête présentée le 16 mai par le procureur Luis Moreno-Ocampo, estime qu’il existe des « motifs raisonnables de croire que les trois suspects » sont « responsables » des meurtres et persécutions de civils qui leur sont attribués en tant que coauteurs ou auteur indirects, selon un communiqué de la juridiction.
Les trois hommes sont recherchés pour avoir orchestré les meurtres, les arrestations et l’incarcération de plusieurs centaines de civils durant les 14 premiers jours de soulèvement en février contre le régime, et pour avoir tenté de dissimuler les exactions présumées.
Leur « arrestation paraît nécessaire » afin de « les empêcher d’utiliser leurs pouvoirs pour poursuivre l’exécution de crimes relevant de la compétence de la Cour », ajoute le communiqué en rappelant que le Conseil de sécurité de l’ONU, dans sa résolution du 26 février dernier, a demandé instamment à tous les Etats et aux organisations internationales concernées de coopérer pleinement avec la Cour.
Avant même l’annonce de la CPI, des responsables libyens avaient rejeté dimanche l’autorité de la juridiction, l’accusant de viser injustement les Africains sans tenir compte des crimes perpétrés, selon eux, par l’Alliance atlantique en Afghanistan, en Irak « et maintenant, en Libye ». « La CPI n’a pas la moindre légitimité (…) Toutes ses activités sont dirigées contre les dirigeants africains », avait déclaré le porte-parole du gouvernement Moussa Ibrahim à des journalistes.
Du côté du Conseil national de transition (CNT, mis en place par l’opposition), les propos du ministre de la Justice Mohammed al-Alaqi ont suscité des doutes quant à la volonté des insurgés de remettre Kadhafi à la CPI s’ils venaient à mettre la main sur lui. Rien ne les empêche de juger le maître de Tripoli et son fils en Libye, a-t-il dit en substance à des journalistes. « Décidons plus tard, après les avoir arrêtés, du lieu où nous devrions engager des poursuites contre eux », a-t-il ajouté, exprimant l’espoir que les mandats d’arrêt persuadent les soldats de Kadhafi de faire défection.
A Bruxelles, le secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen a estimé lundi que la décision de la Cour mettait en lumière l’isolement croissant du régime libyen sur la scène internationale. Elle vient renforcer la « mission de l’OTAN de protéger la population libyenne des forces de Kadhafi », a-t-il dit, ajoutant que le numéro un libyen et ses partisans devaient se rendre compte que le temps s’écoulait rapidement.
De son côté, le chef de la diplomatie britannique William Hague a jugé que les trois mandats d’arrêt démontraient les raisons pour lesquelles « Kadhafi a perdu toute légitimité et pourquoi il devrait partir immédiatement. Ses forces continuent d’attaquer les Libyens sans merci et cela doit cesser », a-t-il lancé.
A Paris, Nicolas Sarkozy a également réaffirmé que la paix ne reviendrait en Libye qu’avec le départ de Kadhafi. « Après 41 ans de dictature, il est peut-être temps d’arrêter, qu’il quitte le pouvoir », a exhorté le président français d’une conférence de presse.
L’Italie, ancienne puissance coloniale en Libye, a elle aussi vu dans les trois mandats d’arrêt la confirmation de la « perte de toute légitimité, politique et morale » de Moammar Kadhafi, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières libyennes. « Il ne peut avoir aucun rôle à jouer dans l’avenir de la Libye », a déclaré le ministère italien des Affaires étrangères.
Les mandats d’arrêt, envoyés par la CPI à la Libye, compliquent potentiellement les efforts de médiation pour mettre fin à plus de quatre mois d’intenses affrontements dans le pays nord-africain.
Une coalition comprenant la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis a lancé le 19 mars une campagne militaire aérienne contre les forces de Kadhafi pour protéger les civils, deux jours après le vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU autorisant le recours à la force. L’OTAN assume le contrôle des opérations aériennes depuis le 31 mars, avec le soutien de pays arabes.
Ces raids quotidiens contre des cibles militaires en Libye ne semblent pas avoir affaibli significativement le maître de Tripoli et suscitent des critiques croissantes sur le plan international.
Lundi, deux fortes explosions ont secoué la zone proche du complexe de Kadhafi dans la capitale libyenne, déclenchant un concert de sirènes d’urgence. D’après des responsables libyens, deux missiles de l’OTAN ont visé le bus personnel du dirigeant libyen à l’intérieur de son complexe à Bab al-Aziziya. Le véhicule a brûlé mais aucune victime n’est à déplorer, ont-ils précisé.
En visite à Londres, le Premier ministre chinois Wen Jiabao a averti que l’intervention militaire seule ne réglerait pas la crise, exprimant le soutien de Pékin aux tentatives visant à trouver une issue « politique » au conflit libyen.
source: AP
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