C’est très sûr. Les deux organisations sous-régionales et régionales avaient espoir qu’avec la pression ainsi exercée, les lignes auraient bougé au Mali, surtout qu’en vérité, si l’on doit réfléchir en terme de rapport de forces, les putschistes ne pourraient pas résister si l’UEMOA par exemple coupe le robinet que constitue la banque centrale de BAMAKO.
Mais hélas, le Mali joue crânement sa souveraineté. Bah N’Daw et Moctar Ouane, respectivement président et premier ministre de la transition ont démissionné, officiellement devant la délégation dépêchée par la CEDEAO à Bamako et conduite par l’ancien Président du Nigeria, Goodlock Jonathan.
La Cour Constitutionnelle fait de Assimi Goïta, le nouveau Président du Mali.
Des milliers de personnes, enfin, descendent dans les rues pour exprimer leur soutien à la junte.
Dans ces conditions, que peuvent encore faire la CEDEAO, l’UA, la France et ses différents partenaires dressés contre cette junte de par le monde?
A supposer d’ailleurs que le colonel décide à l’heure où nous parlons de respecter les injonctions de cette communauté internationale et rend sa démission, qu’est-ce qui va arriver? La CEDEAO va-t-elle choisir un dirigeant qu’elle imposera au peuple malien?
A l’analyse de tout ceci, deux leçons essentielles à retenir: d’abord pour nos organisations et institutions internationales,
apprendre, en tout temps et en tous lieux, à poser des actes cohérents, conséquents tout en restant en harmonie avec les textes, lois et règles qu’elles se sont donnés.
Ces règles auraient été respectées dans le cas tchadien que, probablement, les militaires au Mali auraient beaucoup hésité avant de se décider à déchoir les dirigeants de la transition, ou encore, même si le cas se présentait, ces organisations seraient fondées à agir avec fougue, énergie et détermination pour les faire respecter.
S’étant malheureusement déjà compromises dans le cas tchadien, il ne reste plus qu’à nos institutions ainsi vidées de leur essence, la marge mince pour juste ânonner, sans plus. En clair, elles sont prises dans leurs propres cordes, y compris la France qui fait preuve d’un déséquilibre et de trop de grossièreté dans ses choix politiques et diplomatiques en Afrique Francophone.
Deuxième leçon, pour nos dirigeants et leurs peuples, faire preuve d’audace et de courage même devant la mort. La junte a pris le risque de défier littéralement toutes ces institutions sans doute par conviction de la pertinence de ses choix même si elle reste bien consciente qu’elle devra faire face à des sanctions aux conséquences bien sûr désastreuses sur le peuple.
Visiblement, ceux qui auront à reculer dans ce bras de faire, ne pourront être autre que la CEDEAO ainsi que sa suite.
Autrement, quel sens prendrait une sanction quelconque contre le Mali et sa junte dès lors qu’en retour, ces institutions n’ont aucune solution alternative pratique et se sentent totalement démunies de légitimité à agir?
Tout ceci pour dire que ces arguments qui consiste à dire que nos dirigeants n’ont pas de choix que de rouler sous la coupole de la France parce qu’il n’y aurait pas d’alternative, que leurs pays seraient asphyxiés, etc. ne relèvent en réalité que de la lâcheté.
Qui veut peut! Et l’exemple malien nous le prouve en effet, même si par principe, nous contestons les prises de pouvoir par la force dans nos pays dits « démocratiques ».
Il appartient désormais à nos dirigeants eux-mêmes de rechercher, par des actes nobles, la complicité absolue de leurs peuples pour mettre hors d’États de nuire, tous les envahisseurs étrangers qui jouent leurs intérêts dans nos pays avec, malheureusement, l’adhésion lâche et naïve de ceux-là même que nos peuples ont choisis pour défendre leur clause partout où besoin est. Ce qui ressemble en vérité à une vraie trahison que ces peuples, ainsi sensibilisés et instruits par les faits d’aujourd’hui, ne pourront certainement plus supporter pour longtemps encore.
Luc Abaki