Pillage systématique de la République autorisé au sommet de l’Etat
A l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, celui-ci, contrairement à Eyadèma qui avait à peu près l’œil sur tout et contrôlait en quelque sorte le train d’enrichissement de son entourage et de presque tous les Togolais, sans pour autant veiller au respect du bien public et à la bonne gouvernance, a presque donné libre cours à tout. A telle enseigne que beaucoup reconnaissent aujourd’hui, que la seule différence entre la période Eyadèma et celle de Faure, c’est l’absence d’innombrables marches de soutien annuelles à Lomé 2 comme à Pya qui s’achevaient par la traditionnelle cérémonie de distribution de plusieurs centaines de millions de francs.
Ce que Faure Gnassingbé n’appréciait pas chez son père, et qu’on peut appeler d’une manière générale mauvaise gestion du pays, se retrouve curieusement sous une autre forme chez lui qui l’a remplacé. Beaucoup croyaient qu’ayant en horreur la gestion que faisait Eyadèma des fonds, Faure arrivé au pouvoir veillerait en tant que gestionnaire et « expert financier » à ce qu’une gestion saine prévale désormais dans l’administration et dans les sociétés d’Etat. Loin s’en faut, et c’était mal connaître l’homme. C’est à l’arrivée de Faure Gnassingbé que la vraie gabegie et l’enrichissement illicite semblent s’être installés au Togo, aussi étonnant que cela paraisse. Pourtant, il est de notoriété publique que généralement, ceux qui ont fréquenté des écoles de gestion, ont la réputation d’être assez pointilleux et regardants sur la bonne gestion et les entrées et sorties de fonds, une rigueur à la limite pathologique et que bien vite, on finit par comprendre chez tous les gestionnaires.
Dès 2005, de nouveaux riches ont envahi le Togo. Certains racontent que même des anciens boys ou domestiques ont inscrit leurs noms sur la liste des nouveaux riches togolais et sont devenus des milliardaires. Pour mémoire, le nombre de véhicules grosses cylindrées qu’on pouvait, du temps d’Eyadèma, compter sur le bout des doigts au Togo et appartenant à des nationaux, a presque quadruplé en un temps record après la mort du « vieux ». Et la ville de Kara par exemple a changé de look entre 2006 et 2011 avec des immeubles futuristes de grand standing. Ceci, juste pour faire un clin d’œil sans hypocrisie et amener le lecteur à comprendre de quel côté se trouvent majoritairement les nouveaux riches du Togo. Jusqu’en février 2005, aucun compatriote ne pouvait se payer un tel luxe. Selon certaines sources, Eyadèma avait horreur du défi au plan richesse, voulant demeurer seul maître à bord.
Il arrivait que, bien que le règne d’Eyadèma fût archaïque et ne fût pas un modèle de gouvernance, circonstance atténuante oblige, il faisait sanctionner des collaborateurs qui auraient abusé de sa confiance en s’en mettant parfois trop les poches. Combien de proches, ou disons tout simplement, combien de Togolais Faure Gnassingbé, depuis qu’il est au pouvoir, a-t-il pu faire juger ou arrêter et mis en tôle pour détournement de deniers publics ? La seule comédie du genre qui n’aura d’ailleurs trompé personne aura été celle qui a impliqué gauchement l’ancien Premier ministre Adoboli, et deux anciens ministres (Samarou et Agboli) qui séjournent respectivement au Togo et à l’Ambassade du Togo en France mais qu’on n’a jamais arrêtés en dépit des mandats d’arrêt flatteurs lancés contre eux du bout des lèvres. Tout le monde comprend bien pourquoi nous parlons de comédie.
Marc Dèdèriwé Ably-Bidamon, originaire du canton de Tcharè, fait partie de ces amis d’enfance de Faure dont il s’est entouré dès son arrivée au pouvoir. La plupart d’entre eux, favoritisme et népotisme jouant, se sont fait une place au soleil dans le cercle immédiat du nouveau locataire du Palais de la présidence. Il y en avait même qui cumulaient deux postes à la fois, bien que ce ne soient pas les compétences intellectuelles qui manquent au Togo. A titre illustratif, l’ingénieur en télécommunication et ex-Directeur Général des Douanes aura eu à cumuler pendant deux bonnes années le poste de Directeur Général de Togocellulaire avec son dernier poste d’où il sera dégagé le 12 octobre 2011 à la faveur d’un conflit. En gros, de mai 2006 à octobre 2011, soit pendant 5 ans et demi, Ably-Bidamon aura dirigé les Douanes togolaises.
Rappelons que c’est pendant sa gestion en tant que DG de Togocellulaire qu’il avait eu à empocher cinquante millions de francs CFA peu avant l’arrivée de son remplaçant, le DG Atcha Dédji, en même temps que l’ancien ministre des Postes et Télécommunications, Kokouvi Dogbé. En tout cent millions de francs empochés par les deux amis de Faure Gnassingbé. Ils prétendaient que c’était pour des performances exceptionnelles. C’était en 2008, et le Premier ministre Houngbo promettra une enquête suite à laquelle les deux personnalités seraient sanctionnées, si jamais il était avéré qu’il y avait détournement de deniers publics. Jusqu’à ce jour, motus et bouche cousue. Houngbo ne s’en souvient plus. On apprendra même que lorsque le PM à l’époque tout feu tout flamme et plein de bonne volonté, avait cherché à tirer cette affaire au clair et manifesté sa désapprobation du fait que les choses se passent ainsi, on ne lui en aurait pas laissé libre cours. Comme quoi, c’est ainsi que les choses se gèrent dans l’opacité totale.
Dans le courant de cette année, le sieur Ably-Bidamon aurait acheté une maison à étage bâtie sur deux lots et sise à un jet de pierre de la nouvelle direction de Togotélécom à Lomé. Le coût de cette habitation que venait de quitter un responsable camerounais de la Banque Mondiale s’élève, tenez-vous bien, à trois cent cinquante millions (350.000.000) de francs CFA. Bill Gates, l’un des plus riches du monde, aurait déboursé cette somme pour s’acheter une maison, que nul n’aurait trouvé à redire. Mais ceci se passe au Togo où les populations vivent à près de 70% en-dessous du seuil de pauvreté, où des gens continuent de mourir de maladies qui ont cessé de tuer ailleurs, où des citoyens ont de la peine à trouver les trois rations journalières. Certains ne se limitent qu’à un repas quotidien. Qui pourrait s’étonner d’apprendre que le même Bidamon se serait acheté des appartements en Occident par exemple ?
En outre, selon des sources, celui qui est devenu depuis un mois, ex-DG des Douanes, se serait acheté il n’y a pas longtemps un véhicule Mercedes-Benz d’une valeur de cent cinquante millions (150.000.000) de francs CFA. La question qui mérite que les Togolais se posent est de savoir combien gagne par mois le sieur Marc Ably-Bidamon en tant qu’ingénieur, pour faire des économies et pouvoir s’offrir de telles folies ? Tout le monde connaît la grille salariale dans la fonction publique togolaise. Pendant combien d’années Bidamon a-t-il travaillé pour s’offrir tout cela, surtout si l’on sait que ceci ne constitue qu’une infime partie de ses biens ? Pour la petite histoire, son ami Faure, le président compte à lui tout seul près d’une dizaine de résidences princières sur l’ensemble du territoire national en six ans, de Cacavéli à la cité OUA en passant par Agou, jusqu’à Dapaong dans l’extrême nord du pays. Tout cela pour défier la pauvreté dans laquelle des dirigeants ont volontairement installé les Togolais.
Que pourrait bien reprocher Faure Gnassingbé aux autres, à ses amis notamment qui construisent des résidences bien au-dessus de leurs moyens avec les salaires qui sont censés être les leurs, compte tenu de leur diplôme et de leur poste ? Pourquoi ne contrôle-t-on pas les investissements que font les fonctionnaires togolais, pendant qu’on s’acharne à ruiner les commerçants et hommes d’affaires de notre pays qui s’échinent à percer et à faire vivre à la sueur de leur front leurs familles ? Quel compte a pu rendre jusqu’ici l’ancien DG du Fonds d’entretien routier (FER), Ferdinand Tchamsi aux Togolais ? Qu’en est-il réellement du cas de Sam Bikassam à qui la signature a été retirée entre-temps et qu’il a retrouvée sans que les Togolais y aient compris grand-chose ? Voilà comment le Togo et les deniers publics sont gérés ; mais aussi bizarre que cela puisse paraître, certains se permettent de crier pompeusement à la bonne gouvernance sous Faure Gnassingbé.
Alain SIMOUBA
source : groupe liberté hebdo togo