«Le racisme et la haine ne sont pas inscrits dans les péchés capitaux, ce sont pourtant les pires…» Jacques Prévert. Un reportage en allemand de la chaîne de télévision NDR (Norddeutscher Rundfunk) circule depuis quelques jours sur la messagerie Whatsapp . Ce qui retient l’attention de tous ceux qui maîtrisent la langue de Goethe ou de ceux qui se font expliquer la vidéo, c’est le caractère abject et révoltant du contenu.
En effet, il s’agit d’une jeune femme noire, d’origine africaine, d’une trentaine environ, médecin de son état, employée dans une clinique allemande. Jusqu’ici rien d’anormal, diriez-vous. Le problème, c’est qu´elle est confrontée, presque quotidiennement, à un racisme qui ne dit pas son nom dans l’exercice de sa fonction; pas de la part de ses collègues ou de ses supérieurs, mais de la part de certains patients ou patientes qui semblent n’avoir pas encore compris les signes des temps.
Il est raconté par exemple dans l´élément vidéo qu’il n´est pas rare que certains malades admis à la clinique la confondent avec une femme de ménage chargée du nettoyage. En effet, bien qu´elle fût habillée en tenue de médecin reconnaissable par tous, elle aurait déjà fait l´amère expérience d´avoir été accueillie plusieurs fois par des patients, après avoir dit bonjour et s´être présentée, avec des propos rabaissant comme: « Oh merci, on a déjà nettoyé ici..», l’assimilant ainsi à un agent l’entretien. « Il m´est déjà arrivé que des patients refusent d’être traités par moi, parce que tout simplement je suis noire;» déclare-t-elle. Là où le bât blesse encore plus, selon toujours ses propos, ses supérieurs hiérarchiques ne la croient pas toujours; et même si elle est crue, de tels agissements de patients ne sont pas considérés comme des actes racistes.
Pour corroborer l´argument selon lequel la réalité de la vie des hommes et des femmes à la peau noire en Allemagne n´est pas toujours un fleuve tranquille, et que beaucoup d´entre eux sont de temps en temps confrontés à la discrimination raciale, nous sommes tombés sur une étude réalisée en décembre 2021, et qui porte sur les manifestations du racisme anti-noir dans plusieurs domaines de la vie sociale. D’après cette enquête réalisée par Afrozensus, une association soutenue par le bureau fédéral de l´anti-discrimination, plus d´un million d´hommes et de femmes d’origine africaine vivraient en Allemagne; et sur 6000 personnes interrogées, les 2/3 ont avoué être défavorisés à l´école et à l´université dans la notation par rapport à leurs camarades blancs. La même proportion des participants à l´enquête se plaint du fait qu´elle fût déjà contrôlée sans raison apparente par la police et assimilée à des vendeurs de drogue. 80% parlent de leur expérience à coloration raciste pendant leur recherche d´un ou d´une partenaire sur internet avec des commentaires blessants ayant trait à la couleur de la peau et à leur origine africaine. Plus de 90% d’interrogés reconnaissent que des personnes, sans leur consentement ont touché à leurs cheveux, et 70% auraient été victimes de discrimination raciale pendant la recherche d’un appartement; un chiffre qui pourrait aller à 90% chez les noirs de congrégation musulmane.
Seulement 2,7% avouent ne jamais être victimes d´actes racistes. Selon une autre étude-online réalisée de juillet à septembre 2020, 90% de personnes contactées estiment que personne ne les croit quand elles font part de leurs expériences racistes, et c´est pour cette raison que 75% d´enquêtés ne sont pas prêts à raconter ce qui leur arrive.
En présentant le rapport à Berlin sur le racisme en Allemagne, Monsieur Bernhard Franke, le responsable du bureau fédéral de l’anti-discrimination reconnaît que depuis 2015 le nombre de personnes, ayant été victimes de racisme et qui se sont adressées à son bureau, a plus que doublé. Selon lui, l’Allemagne aurait un problème récurrent de racisme et ne soutiendrait pas assez les victimes de ce phénomène. «Beaucoup d’hommes et de femmes concernés ne connaissent pas leurs droits, n’ont pas la force nécessaire pour se défendre, et sont à la longue laissés à eux-mêmes avec leurs problèmes »; reconnaît-il.
Selon Amnesty International-Allemagne, le slogan «Tous les hommes naissent libres et égaux » n’est malheureusement pas valable pour plusieurs personnes en Allemagne dont la réalité de la vie est toute autre. Amnesty dénonce le fait que certains hommes et femmes politiques contribuent à envenimer la situation en tenant des propos racistes et discriminatoires repris et diffusés par une certaine presse. L’organisation de défense des droits de l´homme estime que tous les hommes et femmes dans la société allemande devraient se sentir sûrs et libres. Pour y parvenir, tout le monde doit accepter que le racisme existe bel et bien et l’appeler par son nom, même si ça fait mal; car personne ne pourrait prétendre être à 100% exempt de comportements racistes.
Bibliographie: NDR, Deutsche Welle-online, Amnesty International-Deutschland
Samari Tchadjobo
Allemagne