« La politique la plus coûteuse et la plus ruineuse, c’est d’être petit », déclarait Charles de GAULLE. Il sait par la haute idée qu’il a de l’Etat que la tâche qui incombe à un homme politique, c’est le combat pour la grandeur de son peuple, l’accompagnement des sollicitations populaires dans le destin commun pour instaurer la confiance entre les gouvernants et les gouvernés.
Plus un homme politique se fourvoie dans les mauvais exemples, plus il étale le désastre sur son peuple. Quand dans ses prétentions, la rationalité lui échappe, les ambitions dont il n’a pas les moyens sont étayées par la transgression pour installer son autorité. Le pays qui est le nôtre, est malheureusement dans ce sinistre depuis cinq décennies.
Tout esprit qui s’élève sur son temps, qui sait lire les événements, a le courage et la probité de ses convictions et en apporte les preuves. Il construit la vérification de ses hypothèses. Il est lucide dans une vision anticipatrice sur le cours des actualités et de l’histoire. L’esprit politique qui déroge à tous les principes éthiques, moraux n’a de ressource que dans la criminalité qui est le premier ennemi du progrès et de l’épanouissement des hommes. Notre pays s’est englué dans le style vaseux de la transgression, des abominations pour s’effondrer. Il ne trouve aucun ressort pour un rebond qualitatif du simple fait que l’odieux de l’insolence et la mauvaise foi collent à la peau de ceux qui ont la prétention de nous diriger. Ils sont en permanence dans le tintamarre de la diversion, des faux-fuyants, de la fioriture qui jamais n’apportent la moindre réponse aux urgences, aux exigences à court et long termes qui placent en sécurité notre peuple ou lui garantissent la paix civile.
Il est clair à tous les Togolais, au regard de l’insécurité des biens et des personnes dans l’étonnant désordre des incendies, des arrestations au mépris des règles juridiques et de la Constitution que l’enlisement dans la crise politique dérive du gouffre de l’inintelligence, de la criminalité et ses machinations peu scrupuleuses. La vacuité argumentaire, morale de nos gouvernants s’affirme dans l’interprétation des incendies parce que l’écran des liquidations politiques est tout trouvé. Ce que nous n’avons jamais gagné par l’ordre normal du combat loyal finit toujours par être en notre possession par l’audace de l’abominable, du sacrilège, de la transgression, telle est la devise du régime GNASSINGBE. Sa guerre de prévention sert à éloigner par tous les moyens, y compris le meurtre, le crime, les accusations taillées sur mesure tous ceux qui ont le malin plaisir de lorgner du côté du pouvoir héréditaire. L’implacable piège leur est tendu pour décapiter leur projet sensé de démocratie et d’alternance politique.
Aujourd’hui, il s’agit de leur faire payer très cher leur entêtement, leur présomptueux désir de fédération de leurs énergies de combat dans des Collectifs et des Coalitions qui dressent une majorité active de la population contre un legs, celui d’un père Président. Tous les appareils de répression comme la Gendarmerie, la Police, la Justice accompagnent le « Club du petit » dans les machinations les plus osées, les plus odieuses et les plus criminelles. L’art de la criminalité fabrique à foison des preuves et des culpabilités et refuse d’emblée la contrariété, l’assistance juridique des coupables préconçus jusqu’à ce qu’ils ne reconnaissent sous la torture les faits qui leur sont reprochés pour qu’ils soient affublés de leurs « aveux ».
Cet esprit retors de la gouvernance a fait de ce pays une République en vrac où jamais rien n’est respecté par ceux qui nous gouvernent. Là où périt la justice, le rêve de liberté, de progrès, d’épanouissement s’effiloche, s’effondre définitivement. La désolation et l’insécurité installent les citoyens dans l’incertitude, la misère. Nous sommes encore au stade du cynisme et du sinistre d’un règne qui a l’art d’inventer piteusement les culpabilités.
Quelle place ce pouvoir accorde-t-il aux citoyens et plus particulièrement aux commerçants nationaux qui, pour la plupart, sont dans l’accompagnement de l’opposition ?
Comment peut-on concevoir qu’un marché comme celui d’Adawlato soit rénové, livré à l’autorité de l’Etat sans les bouches d’incendie ?
Quelles sont les responsabilités, les culpabilités à dégager du sinistre des incendies et qu’avons-nous à espérer des réparations ?
1) Autopsie des responsabilités
On peut raisonnablement situer les causes de l’incendie du grand marché de Lomé sur deux axes dont celui de Kara en est un support de diversion. Des causes lointaines et immédiates apparaissent dans le jeu politique de cette pyromanie.
Dans ce pays, on a vite trouvé dans la situation historique et géographique du développement du commerce dans le Sud une source d’antagonisme et du malheur de la partie septentrionale qui pointe du doigt, et abusivement, une « certaine bourgeoisie côtière » dans tous les remous politiques. A toutes les turbulences politiques, le bouc-émissaire qui donne de mauvais exemple aux autres est immédiatement identifié. L’esprit commerçant est un esprit libéral. Il développe par essence des germes de liberté pour contaminer le reste du pays. C’est sur cette base consciente ou inconsciente que le régime GNASSINGBE a mis en ostracisme et en dépérissement, par des moyens de relais de la légion étrangère, l’autorité des commerçants du Togo pourtant mondialement connue sous le label « Nana Benz ». L’esprit des échanges commerciaux, son développement ont traversé des siècles dans le Sud du Togo avec les Portugais, les Anglais, les Allemands et dans toute la diversité de la flotte européenne.
Le mouvement des indépendances n’a connu sa vigueur que dans le financement des commerçants du Sud dont le principal artisan est Augustino de SOUZA. Ce sont les femmes commerçantes qui ont accompagné Sylvanus OLYMPIO dans le leadership des réclamations pour l’autodétermination. Après l’assassinat crapuleux du Père de la Nation, ceux qui ont confisqué la liberté chèrement acquise ont pris une distance vis-à-vis des commerçants qui finançaient les banques et les paiements des salaires de nos fonctionnaires. Quand survient dans les années 90 le vent démocratique, ces commerçants sont directement tenus pour des animateurs et des soutiens de la reconquête de la liberté démocratique, « Ablodé ». Le pouvoir GNASSINGBE n’a jamais vu d’un bon œil nos commerçants. Ils ne bénéficient d’aucune protection du pouvoir et sont à la merci des harcèlements permanents. Beaucoup ont choisi l’exil dans les pays frontaliers pour se mettre à l’abri de la stratégie de décapitation et des machinations qui les mettent en péril. Le grand marché se vide de ses « Nana Benz », silencieusement, au profit des torpilleurs étrangers, protégés et dressés contre les privilèges de la nationalité parce que nos autorités engrangent auprès des expatriés des bénéfices particuliers, des fortunes pour les mettre en sécurité. Ils sont tous à la périphérie du grand marché.
Le contentieux politique entre les commerçants et le pouvoir est connu. Ils sont supposés être la vache laitière de l’opposition parce qu’ils ont été le fer de lance de l’indépendance qui a tourné au drame de la dictature. L’opposition en général et l’ANC en particulier est le parti le plus assidu et le plus fréquent dans les rapports de proximité avec les marchés de Lomé. C’est l’Alliance Nationale pour le Changement qui dénonce la politique d’essoufflement et de strangulation de nos commerçants avec tout le système de ponction lombaire exercé sur les femmes, les tracasseries plus récemment encore, l’énormité des redressements fiscaux avec son appareillage d’escroquerie récurrente. Les commerçants du grand marché trouvent un centre d’écoute, de compréhension, de soutien au sein de l’opposition qui fait un combat pour eux. Toutes les grandes marches de l’opposition sont jalonnées de banderole d’identité des femmes des marchés divers de Lomé. Dans ces conditions à quelles fins l’opposition choisirait-elle de les mettre en faillite, de détruire leurs sources de revenu qui lui fait entièrement le support de son activité politique ? Ces femmes ne votent jamais pour le pouvoir lors des consultations électorales. Elles suivent la voie de leurs grands-parents ou de leurs parents dans la tradition et la fidélité aux valeurs intégrées d’indépendance, de liberté.
La piste de l’opposition telle que précipitamment et violemment exhibée est fort surréaliste et insensée. L’œuvre d’anéantissement des commerçants de Lomé avait bien longtemps commencé par une sordide confiscation des fonds déclarés aux douanes togolaises. L’opposition dans le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition « Arc-en-ciel » étaient aux côtés des femmes du grand marché dans de multiples manifestations pour la restitution des fonds dont une partie leur est versée. La thèse d’un complot hors du cercle de l’opposition contre les femmes du marché d’Adawlato est plus plausible.
Pourquoi les vigiles du marché ont-ils été permutés quelques heures avant l’incendie et quelles sont les motivations du groupe Nestlé qui a vidé ses marchandises du marché quelques instants avant l’incendie ?
Depuis sept mois, l’effervescence populaire animée par l’opposition, soutenue par les femmes des marchés est inextinguible malgré la férocité de la répression. Il fallait inventer le grand bazar des accusations fantaisistes au moyen de l’audace du crime pour museler l’opposition. A chaque fois que ce pouvoir est acculé, il joue un grand coup abominable pour installer la terreur. L’assassinat de Tavio AMORIN, les massacres de Fréau Jardin, l’attaque de la Primature, le procès Kpatcha ne font que le bout du relevé de la stratégie de terreur.
2) La prestidigitation d’une culpabilisation
Le corps du délit fabriqué et imputé à l’ANC nous a été présenté par le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile qui a dessaisi le Procureur en charge de l’enquête pour, peut-être, raison d’incompétence. Les preuves exhibées qu’on aurait saisies au siège de l’ANC étaient le 24 janvier déjà entre les mains du Ministre YARK avant que la perquisition du siège n’ait lieu le samedi, 26 janvier dernier.
L’opposition ne se sent pas concernée par l’accusation et ne saurait l’être dans la mesure où les preuves sont factices, grotesques dans une théâtralisation que prend de court le Procureur de la République. La cacophonie de la trame d’une inculpation met en situation d’éveil même les esprits les plus ignares. Les psychologues du crime ont raison de dire qu’« aucun crime n’est parfait ». L’opposition a tout à fait raison de demander une enquête internationale dès les premières heures du drame national. Notre société connaît les bases élémentaires d’une enquête et observe avec effondrement l’étonnant style de protecteur de tous ceux qui sont dans la proximité du marché, la direction, les vigiles, les gendarmes qui veillent sur le marché. Combien de vigiles surveillent-ils les lieux, leur position avant l’incendie ? Combien ont-ils été complices des supposés opposants qui ont mis le feu au labeur des générations entières ?
L’événement est énorme pour que la munitie des détails soit sacrifiée dans une médiocrité frappante des bases argumentaires de la culpabilisation. La fourberie n’est pas de l’intelligence ; elle est une illusion d’intelligence. L’intelligence qui est pleine de contradictions n’en est pas une.
Un vrai Ministre de la Sécurité et de la Protection civile ne peut pas être pris dans une étonnante apathie spirituelle entre deux incendies gigantesques des plus grands marchés d’un pays en l’espace de quarante huit heures. Dans ce drame national, il est surprenant qu’aucune responsabilité administrative ne soit engagée. Même si on suppose que les Togolais cèdent un peu trop vite à l’autorité criminelle, ils ne sont pas du tout bêtes pour croire à tous les coups, à toutes les élucubrations, à toutes les affabulations.
Une enquête est une démarche englobante en procédures, en largesse d’esprit, en détails, en preuves irréfutables, en disciplines annexes. Les experts invités pour déterminer l’origine des incendies n’ont pas encore livré leurs conclusions avant que M. YARK ne nous présente un bidon d’essence et tous les constituants de l’opération des malfrats. La taille décousue de l’accusation et ses énormités de preuves brandies pour insulter l’intelligence de ce brave peuple nous fait répéter après ALAIN dans Histoire de mes pensées : « La bonne option que j’ai de mes semblables sans exception est corrigée par cette idée qu’ils sont bien capables de faire des imbéciles, et longtemps, s’ils en font le stupide pari ».
Dans les arrestations-purges de l’opposition, les militants de l’ANC et les responsables de l’OBUTS font le gros des victimes. Il y a visiblement une incohérence dans la chaîne de commandement supposée être à l’origine des incendies. Agbéyomé KODJO et Gérard ADJA sont les premiers responsables de l’OBUTS. Ils n’ont aucune emprise sur les militants de l’ANC et le réflexe de fidélité de la base de l’ANC aux responsables de l’OBUTS est impossible.
De plus, dans le Collectif « Sauvons le Togo », l’acharnement judiciaire est orienté contre les membres de deux parties dont les rapports internes sont en dents de scie. Agbéyomé KODJO a souvent quitté le FRAC qui est la base du Collectif. Les rapports fragiles et incertains entre l’ANC et l’OBUTS ne peuvent en aucun cas ordonner une entente criminelle. Si véritablement une cellule criminelle s’est formée à l’intérieur du FRAC ou du Collectif « Sauvons le Togo » comme on veut nous le faire croire l’histoire des deux partis incriminés, leurs parcours ne sauraient réaliser d’une confiance pour une entreprise aussi dévastatrice qui consume des générations de labeur. Jean-Pierre FABRE est un enfant du commerce de par sa descendance. Nombreux sont ses parents qui sont encore à l’intérieur du grand marché de Lomé. Comment pourrait-il accepter une connivence avec les responsables de l’OBUTS pour s’immoler, raser la vie de ses parents, de ses alliés qui constituent pour lui un support essentiel dans sa conquête du pouvoir ?
Pour quelles fins, M. YARK a-t-il isolé le cas d’un sergent de la gendarmerie appréhendé par la population à la station d’essence, juste à côte de l’aéroport de Lomé en train d’allumer sur le site de la station une buchette d’allumette pendant qu’on servait de l’essence à un conducteur de taxi-moto ? Il nous rétorque que le sergent voulait allumer une cigarette. Nous disons bravo à la formation de nos agents de sécurité.
La science la plus difficile, c’est d’apprendre à renoncer à l’imposture, aux crimes par lesquels on a construit sa propre vie. Quant à nos mamans, nos sœurs, elles n’ont rien à espérer d’un régime de parjure, de fausses promesses.
L’Alternative, N° 207 du 29 janvier 2013
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