Pour remettre la justice togolaise sur pied, un programme de modernisation a été enclenché en 2006. Plus d’une décennie après, le bilan laisse à désirer.
Depuis l’adoption par le gouvernement togolais des 22 engagements en 2004 et la conclusion de l’Accord Politique Global en 2006, la justice est considérée comme un vecteur de la consolidation de l’Etat de droit. Sur la base d’un diagnostic élaboré sur les grandes insuffisances du judiciaire togolais, le Programme National de Modernisation de la Justice (PNMJ) a été élaboré et considéré comme la politique sectorielle pour la période 2005-2010. L’UE, la Coopération française ainsi que les Nations-Unies ont apporté leur appui à sa mise en œuvre. Le PNMJ a bénéficié, en effet, d’un financement à hauteur de dix (10) milliards de FCFA du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), de l’Union européenne et de la France sur la période 2006-2010. La mise en œuvre du PNMJ est arrivée à échéance depuis l’année 2011 puis reconduite. Mais elle n’a pas donné satisfaction.
Le bilan famélique du PNMJ…
Au titre des résultats, on note : 60 sessions de formation sur diverses thématiques organisées à l’endroit de plus de 700 professionnels de justice dont les magistrats, les avocats, les greffiers, les huissiers, les notaires et commissaires-priseurs entre 2007 et 2010 -, l’équipement des juridictions et des services de la chancellerie, la création (loi N° 2009-24 du 30 octobre 2009) et l’opérationnalisation du Centre des formation des professions de justice (CFPJ) depuis le 08 Décembre 2010, la remise de kits individuels aux magistrats, l’appui à la création d’une police technique et scientifique : dotation des unités de police et gendarmerie de matériel informatique, bureautique et roulant, de logiciels bio crime, de mallettes de police scientifique et technique et d’un laboratoire de cyber criminalité, etc.
Sur le plan de la sécurité judiciaire, les infrastructures construites ou réhabilitées ont permis d’améliorer l’environnement de travail des magistrats. Dans le domaine de la sécurité juridique, un travail conséquent en matière de modernisation de la législation a été effectué avec l’adoption du nouveau Code Pénal.
En sommes, un résultat en deçà des objectifs fixés. « Le bilan du PNMJ demeure mitigé et le secteur de la justice fragile. L’amélioration des moyens de la justice constitue les réalisations marquantes de la politique: des bâtiments ont été construits et/ou réhabilités ainsi qu’équipés, le droit positif a été modernisé, le traitement des magistrats a été amélioré », souligne un rapport officiel. Et de poursuivre, « le justiciable n’a néanmoins pas bénéficié en retour des même améliorations : les délais de traitement des dossiers demeurent longs avec comme conséquence parfois sur le plan pénal une surpopulation carcérale, l’aide juridictionnelle n’est pas effective malgré un projet de loi voté en 2013, la justice administrative n’est pas développée. Le secteur souffre aussi d’un manque de moyens (le Ministère de la Justice ne dispose que d’environ 0,6% du budget national) », constate le rapport.
La corruption met la justice à terre…
En effet, « le principal problème du secteur justice est le manque de confiance entre la justice et le citoyen. Ce manque de confiance est dû aux difficultés d’accès du système de justice, son manque d’efficacité dans le traitement des dossiers, les problèmes de corruption qui minent le secteur et l’impunité dont bénéficient certains juges et justiciables (justice à deux vitesses) », indique le rapport.
En 2017, une enquête Afrobaromètre sur le thème « le système judiciaire togolais entre l’inconfiance populaire et les perceptions de corruption » a été réalisée. Elle a été dirigée entre 2014 et 2015. Sur le plan confiance, seuls 37% des Togolais disent faire partiellement ou totalement confiance aux tribunaux. Et pour ce qui est de la corruption, elle existe selon 48% de personnes. Malgré tout cela, 11% ont pris le courage d’avoir des contacts avec les tribunaux afin de vivre la réalité. 48% déplorent les longs délais, 44% font état de la complexité du système, 39% relèvent le manque de conseil ou d’assistance. L’inattention des juges et les frais élevés occupent respectivement 36% et 28%. En sommes, après 15 ans et d’énormes financements engloutis, le Programme National de Modernisation de la Justice (PNMJ) et ses dérivés n’ont jamais réussi à sortir la justice de l’ornière. « On a plutôt l’impression que notre justice s’enfonce dans les vices », commente un citoyen.
source : Fraternité