Quelques heures après la manifestation des infirmiers du CHU Sylvanus Olympio et leur exigence d’excuses publiques à l’endroit de leur camarade, la Direction générale dudit hôpital réagit. Le médecin militaire auteur de l’acte aurait été mis aux arrêts. Difficile d’y croire puisqu’au Togo, les sanctions annoncées contre les militaires sont souvent trop dissimulées pour être vraies.
Le médecin militaire, Commandant Kpekemsi, auteur de l’agression sur l’infirmier Thomas Kpanzou aurait été mis aux arrêts depuis lundi 25 janvier 2021, quelques heures seulement après son acte. L’information émane du confrère 24heureinfo.com qui, citant la Direction Générale du CHU Sylvanus Olympio, rapporte que la hiérarchie militaire n’a pas attendu avant de réagir. « D’après notre source, l’infirmier victime est un aîné qui aurait même encadré plusieurs médecins militaires lors des stages, y compris son agresseur. Ce qui a été à l’origine de sa crise », écrit le confrère qui souligne que le Commandant Kpekemsi risque une radiation de l’Armée et une suspension de l’ordre national des médecins.
Ces informations abondamment relayées sur les réseaux ont tout l’air d’une stratégie de communication. Et pour cause, dans la journée du lundi 1er février 2021, les infirmiers exerçant au CHU-SO ont manifesté leur indignation. Ils ont également adressé une lettre à la Direction Générale du CHU-SO pour exiger des excuses publiques du médecin militaire et le dédommagement de leur camarade victime dans les 48 heures. Faute de quoi, ils « ne seront pas responsables des conséquences désastreuses qui en découleront ». C’est donc suite à ces menaces que la Direction Générale du CHU-SO a voulu faire répandre l’information selon laquelle le militaire fautif a été mis aux arrêts sans doute pour désamorcer la bombe d’une entrée en grève. Si Adom Wiyoou Kpao, DG du CHU-SO, avait donné cette information plus tôt, elle revêtirait toute sa crédibilité.
Ces sanctions presqu’imaginaires
Cette affaire et la sanction dont aurait écopé le Commandant Kpekemsi font resurgir la problématique des sanctions au sein des corps habillés. Dans une récente sortie, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile faisant le bilan des sanctions, avait déclaré que 225 agents des forces de l’ordre avaient été sanctionnés. Parmi eux, 88 policiers et 137 gendarmes. Ils ont été sanctionnés, selon le ministre, pour des actes d’indiscipline, inconscience personnelle, négligence, abandon de poste, vol, racket, cupidité et indélicatesse, entre autres.
Comment ces sanctions sont-elles appliquées ? Là est la question puisque depuis plusieurs décennies, les corps habillés jouissent d’une impunité qui les encourage à commettre d’autres bavures. Pour croire à l’effectivité de ces sanctions, il faut donc se fier à la « parole de militaire » de Yark Damehame. Exercice tout à fait difficile. En effet, l’évocation du nom de ce ministre renvoie le plus souvent aux nombreux mensonges servis au peuple togolais par lui-même ou par ses collaborateurs. Disparition au cimetière de Bè-Kamalodo et apparition au Grand marché de Lomé, 10 manifestants à Vogan, 1 à Aného ou encore 7 à Tabligbo, Yark Damahame a habitué les Togolais à des récits empreints de métaphysique alors que l’Armée dont il est issu est d’abord basée sur des techniques scientifiques.
Des sanctions, il y en a, surtout celles décidées abusivement pour punir un agent pour un oui ou un non. Quant à celles décidées pour punir un agent du fait d’une exaction sur un civil, difficile de se faire une idée des conditions de leur application. Aucun mécanisme de contrôle de l’effectivité de ces sanctions n’existe. Même s’il en existait, ces contrôles ne s’exercent sans doute pas de façon régulière. A plusieurs reprises, les organisations de défense des droits de l’homme qui ont tenté d’y voir plus clair ont été simplement écartées. L’Armée, nous rabat-on souvent les oreilles, c’est la grande muette. Rien de ce qui s’y passe ne doit sortir. Tout est fait pour que nul ne soit situé sur l’effectivité des sanctions. Moins on en sait, moins on peut y porter des jugements.
Au sein de l’opinion, on pense, à juste titre, que les sanctions annoncées n’ont jamais été appliquées. Si elles l’étaient, et dans des conditions fiables, les mêmes bavures ne se répéteraient plus et le confort qu’offre l’impunité aurait disparu. S’il y a eu des sanctions, elles sont donc trop dissimulées pour être crues.
G.A. / Liberté N°3319 du 03-02-21