Dans ma culture, il m’a été appris que dès l’instant où un individu quitte cette terre, il n’est plus ni recommandé ni décent de parler encore de lui en mal. C’est d’ailleurs pour cette raison que des oraisons funèbres sont souvent dites toujours en bien, afin de laisser la tâche à son seul Dieu de juger de son œuvre dans ce monde.
Mais une vidéo quasi virale de l’ancien président Deby faisant état de son amour pour son pays pour justifier son engagement au front dans la lutte contre les rebelles et les djihadistes, a tissé un fil de réflexion dans mon esprit.
Ainsi donc, au nom du supposé amour qu’il dit nourrir pour le Tchad, il s’est toujours rendu prêt, en tant que Président, à prendre l’arme et à aller au front afin de combattre l’ennemi.
Il dit d’ailleurs préférer mourir là-bas, afin de ne pas être témoin du désordre qui pourrait avoir lieu dans le pays une fois qu’il n’est plus en vie.
En sous-entendu, le feu Président tchadien avait pleine conscience qu’il pourrait avoir du désordre dans le pays si jamais les circonstances le poussaient de gré ou de force, à quitter le douillet fauteuil présidentiel.
Alors questions : Qu’est-ce qui amène le désordre dans le pays? Juste parce que lui, en tant qu’individu aussi éphémère que passager, aura quitté le fauteuil, alors le désordre va s’inviter d’emblée de soi?
C’est précisément ici que son subconscient l’a visiblement trahi. Le désordre en question ne peut qu’être de sa faute, pour la simple raison que durant les 30 années d’exercice du pouvoir, il n’a pas balisé la voie à une succession lisse et orthodoxe.
C’est justement à ce niveau que son fameux amour m’interroge. De quelle manière aime-t-il son pays et comment le traduit-il dans le faits? Cet amour pour son pays doit-il bénéficier au peuple ou à lui et à sa famille ? Comment peut-on parler de l’amour d’un pays sans œuvrer gentiment et lucidement pour lui garantir une vie heureuse aujourd’hui et demain?
Toutes ces questions me taraudent l’esprit et me laissent percevoir qu’il arrive trop souvent à nos dirigeants de confondre leur amour du fauteuil à celui de leur pays.
En réalité, le feu Président qui vient ainsi de perdre la vie, alors qu’il venait de s’arracher un sixième mandat à la tête du Tchad, tenait plus au pouvoir qu’au pays et à son avenir.
L’argument de l’amour pour ce pays est farfelu, et biaise sérieusement le débat sur ce qui justifie son appétence pour le pouvoir.
Un leader visionnaire qui aime vraiment son pays et son peuple, oublie son nom nom à lui, s’investit pour une cause commune dans le respect des lois et principes définis de commun accord, de sorte que même à son absence, l’oeuvre de ses mains soit poursuivie par d’autres sans heurts ni rancœurs.
La guerre de succession déjà manifeste au Tchad juste quelques heures seulement après son décès, ainsi que le viol de la loi fondamentale qui a cours présentement dans ce pays, montrent à suffisance que cet amour dont il parlait pour ce pays, était plutôt une forme d’obsession non pas pour une cause qui profite au Tchad, mais à sa personne ainsi qu’à sa famille.
Le fils à la place du père au Tchad, nous diront simplement, le roi est mort, vive le roi!
Luc Abaki