Chronique de Kodjo Epou
Le Togo va fêter, ce 27 Avril, l’anniversaire de son indépendance. Pour un cinquantenaire illusoire, le pouvoir veut déployer le faste. Un apparat pour rien. Le Togo ayant, depuis le 13 janvier 1963, brutalement perdu son indépendance. Pendant un demi siècle, la souveraineté de l’Etat est mise sous tutelle : le pays ne vit que de dons et de prêts. Une célébration au coût extravagant devient, dans cette condition, un crime économique. Le gâchis pouvait passer inaperçu si le régent de la République, Faure Gnassingbé, n’avait pas prévu d’implanter, place de l’indépendance, des statues de quatre anciens présidents, sans consultation, ni de l’histoire ni des représentants du peuple.
Si Sylvanus Olympio, le père de l’indépendance peut être immortalisé dans cet espace qui relate son combat – un monument ne vaut que sur le site de son histoire – ses trois successeurs, Nicolas Grunitzky, Kléber Dadjo, Eyadéma Gnassingbé, eux, y sont de trop. Il n’est écrit nulle part qu’ils ont participé à la lutte pour un Togo libéré vis-à-vis de la France.
Tous les récits les identifient, au contraire, comme des anti-indépendantistes, des serviteurs du colonisateur. L’édification de leurs statues en pleine Place de l’Indépendance est une scandaleuse imposture, une honteuse manipulation de l’histoire. C’est aussi, s’il en est besoin, une manifestation avérée de la dictature qui s’évit au Togo. Que vont-ils communiquer, nos enseignants, historiens, conservateurs des sites et monuments et autres guides touristiques, au sujet de ces statues ? Difficile manoeuvre. Car, à cet endroit, Il y en a trois qui donnent lieu à un austère patchwork fermé à l’esprit de création et à l’imaginaire de la jeunesse ?
Faure Gnassingbé, apparemment, tient à un retour triomphant de la statue de son père emportée en 1990 par la vague de révoltes populaires. N’aurait-il pas été plus respectueux du peuple si Faure aménageait un autre site, à Lomé, pour accueillir le buste de son père, le tyran qu’il tente d’humaniser ? Il pourrait l’appeler “Place de la Nation” ou “Place des présidents”. Il pouvait aussi, pour être utile et en même temps faire amende honorable au nom de son père défunt, construire avec l’argent du recel, une grande bibliothèque de lecture publique moderne dans la capitale. On pourrait la nommer “Bibliothèque de la concorde” et, à son entrée, installer – pourquoi pas – la statue d’Eyadéma. Il nous est déjà insupportable qu’au Togo, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut est un vain mot. Doit-on, en plus du népotisme ambiant, accepter que les statues aussi ne soient point à la place qu’il faut ?
La duplicité de ce président, la dichotomie dans ses actes sont encore plus manifestes lorsque, d’un brutal trait de plume, il biffe un pan de la vérité historique. Abass Bonfoh, Chef de l’Etat entre Février et Avril 2005, est souvent passé sous silence. Alors qu’il a droit à ce rang, malgré sa présidence accidentelle, brève et sanglante. Il est de notoriété publique que Bonfoh, par ignorance, bafoue sa propre identité. On sait aussi qu’il ne se comporte pas avec dignité et élégance à la tête de l’Assemblée Nationale. Le RPT redouterait-il un regard railleur du peuple pour lui avoir fait subir, en 2005, cette atroce douleur qu’était l’insolite passage de l’irrationnel Bonfoh à la tête de la république ? Ceci ne peut pas justifier cela !
Les bustes de Faure sont implicites. Ils ne plaisent pas. A raison. On attendait du président les ponts et les réformes promis pendant sa dernière campagne électorale. Mais, ce sont des statues d’anciens présidents qu’ils nous apporte. En plus, au mauvais endroit. Ceux des Togolais qui croient encore aux promesses du RPT ont tort. Ce parti n’a plus rien à offrir, le génie ayant quitté ses rangs pour céder le terrain à un désordre structurel monstre sur la base duquel aucune nation viable et forte ne peut être bâtie. Le Togo est bel et bien en perdition et son histoire en souffrance. Il ne reste à ses fils et filles d’en prendre conscience et forcer l’avènement de l’alternance. C’est à ce prix qu’ils pourront voir et cotoyer, chez eux, non pas des bustes qui truquent l’histoire, mais d’anciens chefs de l’Etat vivants, symboles d’une démocratie vivante.
Kodjo Epou
Washington DC
USA
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