L’information est annoncée par le très renseigné journal « La Lettre du Continent ». Dominique Strauss-Kahn alias DSK est attendu dimanche le 06 mars prochain à Lomé. L’ancien Directeur du Fonds Monétaire International (FMI) est présenté comme étant quelqu’un qui « prodigue ses conseils à Faure Gnassingbé ». Eloigné de la scène politique française alors que tout le monde voyait en lui le successeur d’un certain Nicolas Sarkozy en 2012, DSK a certainement découvert une nouvelle passion (il en a visiblement plusieurs), celle de conseiller des dictateurs sous les Tropiques.
DSK a, lui aussi, senti le filon. Sur la côte du Golfe de Guinée, bien loin du pays d’origine de Nafissatou Diallo, entre le Bénin, le Ghana et le Burkina Faso, coule de l’argent. Chaque politique français vient faire son business. Il n’est pas le premier et sans doute pas le dernier. Une chose est sûre, avec Faure Gnassingbé, sa part est garantie. Durant son séjour, s’il le souhaite, il croisera la route de certains de ses compatriotes qui l’ont devancé depuis des années et qui sont totalement imbibés dans le business. Après avoir dépensé assez de ressources dans des démêlées judiciaires liées à son goût prononcé pour le sexe, ses services à Lomé pourraient lui permettre de renflouer ses caisses.
S’il n’est pas encore parti, DSK trouvera à Lomé un certain Bernard Kouchner. Non résidant, cet ancien locataire du Quai d’Orsay, sous Nicolas Sarkozy, fait partie des habitués du Togo. Bien avant même de devenir ministre pour servir la République bleu-blanc-rouge, il avait déjà son contrat avec le fils du père. Cette semaine, il a quitté le froid parisien pour atterrir au Togo où il parcourt depuis quelques jours monts et vallées, allant à la rencontre du personnel médical, pour l’interroger sur un projet de privatisation des services de santé que le gouvernement a annoncé. Au Gabon, il y a quelques années, les factures étaient si salées que la presse française était choquée et en a fait un véritable scandale. « Le rapport Kouchner au Gabon : cher, inutile et redondant », tel était le titre d’un article publié par le journal en ligne français rue89.com.
Au Togo également, il n’a pas de souci à se faire, la valise (ou le djembé, c’est selon) sera bien pleine, et avec un peu plus de discrétion, tout ira pour le mieux. Tant pis, si ses services peuvent être autant assurés ou, pourquoi pas, mieux par un Togolais qui ne coûterait même pas à la République le 10e du cachet du l’«expat français ». En tout cas, chacun sait pourquoi et pour qui il est au Togo.
A Lomé, le temps d’un déjeuner, DSK et Kouchner pourront croiser un troisième compatriote habitué au palais de la Marina (si ce dernier n’est pas encore reparti après son récent séjour). Militaire, Général 5 Etoiles, ancien Chef d’Etat-Major français et ancien Directeur d ’institut … Raymond Germanos ne compte pas se faire conter la juteuse affaire qui se déroule au Togo. Depuis plusieurs mois, il fait partie des conseillers militaires de Faure Gnassingbé. Il multiplie les allers-retours entre la France et Lomé en passant par le Cameroun de Paul Biya qu’il a servi aussi pendant de longues années comme conseiller militaire.
Il n’a sûrement pas le niveau d’un certain DSK, mais n’est pas non plus un enfant de choeur, parlant du dessous de la ceinture. Il a été condamné en France pour détention d’images pornographiques à caractère pédophile. Ces trois affairistes connaissent forcément un quatrième. C’est peut-être un copain. Charles Debbasch.
Charles Debbasch, véritable mercenaire français exerçant spécialement en Afrique, ce juriste de 78 ans, est un véritable rat des palais africains. Né en Tunisie d’une famille française, il fera ses études et sa carrière en France avant de revenir en Afrique pour de belles affaires. Et il ne manque pas de contrat. Voici ce que dit de lui le site wikipedia.org : « Conseil de nombreux Chefs d’État africains, il a rédigé de nombreuses Constitutions africaines. Au Maroc il a assuré de 1981 à 1985 —à la demande personnelle de Sa Majesté le roi Hassan II— la direction d’une équipe de juristes chargés de former au droit comparé le prince héritier, l’actuel Mohammed VI; il a aussi joué en Côte d’Ivoire un rôle de conseil auprès des présidents Félix Houphouët-Boigny puis Henri Konan Bédié. Enfin, à la fin des années 1990, il conseillait également le Président gabonais Omar Bongo, et était sous contrat avec la République du Congo en vue d’aider à la rédaction de la nouvelle Constitution.
Le constitutionnaliste assiste le Togo depuis le début des années 1990 ; il a d’ailleurs acquis la citoyenneté togolaise. Après avoir été le conseil juridique du président togolais Eyadema, il est aujourd’hui ministre, conseiller spécial du chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé. Interrogé par le quotidien La Croix en 2007 quant à l’opportunité de conserver dans son cercle de conseillers un homme condamné par la justice française, Faure Gnassingbé s’en explique en répondant que « ce n’est pas dans les conceptions africaines de se débarrasser de quelqu’un qui vous a été fidèle depuis longtemps ».
Ses détracteurs l’accusent d’être l’« inspirateur – sinon l’auteur » de la Constitution togolaise, ce qu’il ne dément pas tout en insistant pour relativiser son rôle. Il aurait joué un rôle crucial dans le coup d’État constitutionnel grâce auquel le fils du général Eyadéma, l’homme fort du Togo pendant trente-huit ans, a succédé à son père en février 2005, sans qu’il soit facile de distinguer la part de l’exagération journalistique et de la réalité.
Il a été qualifié dans les médias de « mercenaire en col blanc ». A son actif, de nombreuses catastrophes juridico-politiques en Afrique. Même en France. Plusieurs fois condamné dans son pays, il a même été gardé en détention plus d’une fois dans son pays. Pour échapper à la Justice, il se fait naturaliser Togolais, disposant ainsi du passeport diplomatique avec lequel il voyage désormais. Conseiller de Faure Gnassingbé lui aussi. Et peut-être aussi parrain des autres conseillers français de la Marina.
On n’oubliera pas les ballets des autres hommes politiques français qui n’ont de cesse de fouler le sol togolais pour de prétendues consultations qui, parfois, ne consistent qu’en une pseudo-conférence de deux heures à laquelle le gouvernement oblige les fonctionnaires à participer.
Il faut le savoir, ces missions souvent organisées dans des conditions obscures coûtent cher au contribuable. Très cher. « Le Monde fait état d’une enquête concernant l’encaissement suspect de 1,2 million d’euros en espèces sur un compte ouvert au Luxembourg, puis leur transfert en direction de trois sociétés domiciliées à Niue, enquête qui aboutit à une mise en examen pour « blanchiment et organisation frauduleuse d’insolvabilité ».
Le doyen Debbasch dénie tout caractère frauduleux à ces transactions, assurant qu’il ne s’agit pas de fonds liés à l’affaire Vasarely, mais d’honoraires versés au titre de ses activités de conseil auprès de la République du Togo et de l’ambassade du Togo au Benelux, dûment déclarés au fisc togolais », précise wikipedia. Comme quoi le Togo paie jusqu’à près de 800 millions de nos francs, en une fois, à un seul homme dont la mission est uniquement garantie, par des contorsions, une sécurité juridique et judiciaire au Prince. Encore faut-il avoir tous les relevés des paiements effectifs.
Le lobby français n’est pas seul autour de Faure Gnassingbé. On compte aussi celui des Israéliens qui doit avoir aussi son prix. Sans compter les Rwando-Burundais, et bien d’autres qui pullulent sous nos cieux. Eux tous entretenus au frais du peuple togolais qui, pendant ce temps, manque de tout. Le Togo est désormais aux mains d’une légion étrangère, une pègre qui saigne les ressources du pays pour le grand malheur des populations. Pendant qu’on y est, que peut conseiller DSK à Faure Gnassingbé? Les deux hommes doivent avoir de curieux points communs (sic). A chacun de déviner.
Mensah K.
L’ALTERNATIVE – N°503 du 04 Mars 2016