La 58ème conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO est passée à côté de la plaque. Mieux, elle a raté l’occasion de mettre en exergue la magnanimité des dirigeants des quinze pays qui constituent ce regroupement souvent qualifié de « syndicat des chefs d’Etat » et non communauté des peuples. Il est étonnant que malgré la fortune de chacun des dirigeants, la conférence fasse encore appel aux gouvernements, aux banques de développement, au secteur privé et autres partenaires pour aider les peuples de la CEDEAO à obtenir le vaccin. Sans rien préciser de la contribution de chacun des dirigeants.
L’information est passée inaperçue alors qu’elle vaut son pesant d’or. En guise de communiqué final le 23 janvier dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement qui se sont retrouvés par visioconférence ont convenu de certains points qui méritent qu’on s’y attarde.
Au point 17, il est écrit : « La Conférence adopte également une approche d’achat groupé des vaccins anti-COVID. Elle instruit la Commission de la CEDEAO à mettre en place un Fonds renouvelable pour les vaccins, et lance un appel aux gouvernements nationaux, aux banques de développement, au secteur privé et aux partenaires à y contribuer. Ce fonds servira à garantir la disponibilité des vaccins anti-COVID dans la région, par un approvisionnement commun à court terme et une fabrication régionale à moyen et long termes ». Si ce n’est pas un manque d’égards à l’endroit des peuples, ça y ressemble fortement.
Nombreux sont les chefs d’Etat de cet espace dont personne ne connaît exactement leurs salaires mensuels. Sans parler de ceux qui usent et abusent des finances sans qu’une quelconque inspection d’Etat ou un machin de ce genre veuille mettre son nez dans leurs comptes. Beaucoup d’entre eux sont milliardaires, mais parce que chefs d’Etat, la discrétion veut que leurs biens et avoirs ne soient jamais dévoilés. L’année dernière, ils sont nombreux à avoir forcé les verrous constitutionnels pour se représenter. Et pour y arriver, ils n’ont pas hésité à mettre la main dans la poche ; ou même dans les caisses de l’Etat en faisant usage des moyens de l’Etat pour se maintenir au pouvoir.
Mais passé l’orage des élections, la réalité de la pandémie vient rappeler à chacun que les peuples qu’ils gouvernent ont besoin d’être vaccinés afin d’être vivants et participer encore plus aux payements des taxes et autres impôts. Or, il se trouve que la pauvreté a étalé son lit aux devantures de nombres de citoyens des quinze pays de la CEDEAO, l’espace étant réputé l’un des plus pauvres du monde. Tout comme il se trouve que les dirigeants de la CEDEAO sont riches, pour ne pas dire immensément riches. Et décider –chacun en ce qui le concerne- de mettre la main à la poche pour participer personnellement à l’achat des vaccins aux populations ne pourrait qu’être bien vu. Même par leurs contempteurs. Mais au lieu de saisir cette occasion pour rentrer dans le cœur des peuples, ils décident de faire appel « gouvernements nationaux, aux banques de développement, au secteur privé et aux partenaires ».
Le point suivant -18- poursuit dans la même veine. « La Conférence instruit également la Commission de la CEDEAO et l’OOAS, en collaboration avec les États membres, à conduire le processus d’approvisionnement de 240 millions de doses de vaccins, de préférence ceux approuvés par l’OMS, à travers des démarches directes et collaboratives auprès des fabricants, des partenaires et des gouvernements étrangers amis qui pourraient être disposés à vendre des doses supplémentaires qu’ils auraient préalablement acquises. La Conférence demande à la Commission de la CEDEAO et à l’OOAS de conduire ce processus d’approvisionnement des vaccins, en cohérence avec l’Initiative COVAX et en tenant compte des initiatives des Etats membres au niveau continental et international, afin de s’assurer de disposer du maximum de vaccins possible. La Conférence a également instruit que les campagnes de vaccination commencent au plus tard à la fin du mois de juin 2021 ».Combien coûteront 240 millions de doses de vaccins et qui nécessiterait que des partenaires financiers et le privé soient appelés àla rescousse ? En considérant le vaccin russe Sputnik dont le prix en date du 1er décembre 2020 était de 8 euros, la CEDEAO aura dont besoin de 1,92 milliard d’euros pour acquérir ce lot de vaccins russes. Et en faisant une répartition mathématique entre les quinze pays de l’espace, on se trouve avec une ardoise de 128 millions d’euros par pays. Soit 83,91 milliards FCFA. Avec des variations selon la taille des pays.
En prenant l’exemple du Togo qui va dépenser près de 144 milliards annuels pour se réapprovisionner en matériel militaire, trouver cet argent pour mettre à l’abri toute la population n’est point cher payé. Ce sont des peuples vivants et en bonne santé que des dirigeants veulent gouverner. Pourquoi alors ne pas faire le sacrifice nécessaire pour participer à cet effet plutôt que de tendre encore et toujours toute la main vers des partenaires ? A moins que la CEDEAO des peuples dont on rebat les oreilles des populations ne soit qu’un leurre !
Godson K. / Liberté N°3318 du 02-02-21