La consommation des substances psychoactives, surtout en milieu scolaire, est devenue un véritable problème de société au Togo.
Sur une planche soutenue par deux briques, un jeune homme que nous appellerons Kokou dans ce reportage, a pris place, près des tas d’ordure au bord de la lagune de Bè, l’un des plus grands bidonvilles de la capitale togolaise Lomé.
Les yeux mi-fermés, il est incapable de bouger.
Non loin de lui, dans les touffes d’herbes qui finissent leur rangée dans les eaux de cette lagune polluée, quatre autres jeunes hommes font circuler entre eux un papier blanc enroulé, dont le bout noir devient incandescent à chaque fois que l’un d’entre eux le porte à ses lèvres
Dans ce quartier populaire de Bè-Kpota, des jeunes sont réputés consommateurs du cannabis.
C’est en pleine action que nous débarquons dans le repaire de ces jeunes garçons. L’odeur étouffante de leur cibiche nous accueille quelques mètres au loin.
Nous pouvons les approcher grâce à un guide qui a préparé le terrain et que les jeunes appellent « grand-frère » dans le quartier.
« Vous ne pouvez pas les approcher seul. S’ils ne vous ont jamais vu, vous constituez une menace pour eux. Ils peuvent vous agresser si vous vous approchez trop », explique notre guide, que nous appellerons Richard, pour raison de sécurité.
C’est lui le grand-frère du quartier que les habitants appellent lorsque ces jeunes gens deviennent trop agressifs.
« Ne venez pas me déranger ici quand vous finissez de prendre vos merdes-là », lance soudainement une femme à quelques mètres de là où nous observons. Nos hôtes ne se soucient même pas de notre présence.
C’est une revendeuse de Kom, un plat à base de maïs très prisé au Togo, qui crie sur un garçon qui visiblement a faim.
Ce dernier vient demander de l’eau à boire, parce qu’il estime qu’il n’a pas les 25 FCFA nécessaires pour s’en procurer. « C’est toujours comme ça qu’ils font ici. Ils ont 100 FCFA pour venir se procurer de l’herbe, mais n’ont pas d’argent pour manger ni acheter de l’eau à boire », nous lance-t-elle.
Le jeune homme dont il s’agit c’est bien Kokou. La vingtaine à peine, élève au lycée de Bè-Kpota, lui qui a attiré notre attention lorsque nous étions arrivés sur les lieux. Il a réussi à quitter sa planche pour aller chercher à boire, en titubant.
« Il vient sûrement de fumer le cannabis. » Je suis sûr qu’il n’a même pas encore mangé. C’est pourquoi vous le trouvez comme ça. Après, il va débarquer chez lui menaçant sa maman, lui demandant à manger » confie Richard, notre guide, qui ajoute qu’ils sont nombreux dans le quartier à s’adonner à la drogue.
Selon lui, les filles et même les femmes mariées viennent s’approvisionner à cet endroit. « Il y en a qui fument sur place. D’autres rentrent chez eux avec ».
Nous avons eu une indication du lieu où se trouve le fournisseur du quartier. Nous avons tenté de nous rapprocher de lui dans le cadre de ce reportage, sans succès. Selon les témoignages, c’est quelqu’un de très discret qui se montre rarement.
« Je ne crois pas qu’il accepterait de vous parler, même s’il était là », chuchote la revendeuse de Kom, comme si elle avait peur que quelqu’un d’autre l’entende parler.
Sur place, le cannabis enroulé dans de petits sachets transparents ou dans du papier est disponible à partir de 100 FCFA. Pas besoin de les peser avant de les vendre. « Même les élèves, des jeunes de moins de 20 ans viennent s’en procurer ici», souligne notre guide.
Des « ghettos » visités par des jeunes dans de nombreux quartiers
Bè-Kpota au bord de la lagune, où les jeunes se rassemblent souvent pour fumer le cannabis
Légende image,Bè-Kpota au bord de la lagune, où les jeunes se rassemblent souvent pour fumer le cannabis, non loin d’une revendeuse de nourriture
Des endroits tels que celui que nous venons de visiter dans ce quartier, on en trouve un peu partout à Lomé, la capitale togolaise. D’ailleurs, chaque quartier a un nom de code pour désigner le cannabis que prennent ces jeunes.
Par exemple, à Bè-Kpota où nous sommes allés, les jeunes l’appellent en mina (langue la plus parlée dans la capitale) « anaké », ce qui signifie bois de chauffe. Dans le quartier Adakpamé, on l’appelle « éba » (la boue). Pour les jeunes d’Anfamé, c’est « fafavi » (fils de paix), etc.
D’autres quartiers surnomment le cannabis, « dotè » (gingembre), « ahonin zi » (l’œuf de pigeon). Tous ces noms sont donnés à cette drogue pour brouiller les pistes. « Seuls ceux qui sont dans ces milieux comprennent de quoi on parle. C’est le jargon et le message passe facilement entre eux », note Richard.
Malheureusement, beaucoup de jeunes scolaires visitent ces lieux « à la recherche de je ne sais quoi », selon Clarisse Mensah, enseignante au CEG Nyékonakpoé, un autre quartier de Lomé, réputé pour abriter ces lieux où les jeunes prennent du tabac, de la drogue ou ingurgitent des litres de boissons alcoolisées ou énergisantes.
Elle affirme que ces jeunes constituent un casse-tête pour les enseignants. Ceux-ci sont obligés de les « gérer », tout en essayant de leur inculquer des valeurs.
« Il nous arrive de voir des élèves escalader la clôture du cimetière pour aller fumer. On ne sait pas pourquoi ils choisissent le cimetière », témoigne le patron d’un atelier de mécanique auto, en face du cimetière municipal de Bè-Kpota.
Ce caveau se situe à quelques mètres seulement du lycée de Bè-Kpota, fréquenté par de nombreux adolescents des environs.
Le mécanicien précise que ces jeunes n’ont cure des interpellations. Ils fument même en tenue scolaire, sans aucune gêne.
Les jeunes, la drogue et l’école à Lomé
Un jeune qui venait de payer du cannabis enroulé dans du papier à 100 fcfa, est en train de fumer sur place
Selon Mme Touré Khadidja Cathérine, présidente de l’ONG Recherche, Action, Prévention et Accompagnement des Addictions (RAPAA), le phénomène de la consommation des substances psychoactives est un problème généralisé en Afrique de l’Ouest, notamment au Togo. C’est devenu un problème de société et de santé publique.
RAPAA intervient depuis 2013 au Togo dans le domaine des addictions aux substances autres.
Elle fait de la prévention pour limiter le nombre de nouveaux usagers de substance, la prise en charge et accompagnement pour ceux qui sont déjà dans l’addiction.
La consommation de ces psychoactives, souligne-t-elle, augmente parce que l’offre est disponible et les substances deviennent de moins en moins chères. « Les jeunes sont les plus touchés par ce phénomène de société », ajoute Touré Khadidja Cathérine.
« C’est dans les établissements scolaires surtout qu’il y a aujourd’hui cette consommation de la drogue ».
Les substances les plus consommées au Togo, selon elle, c’est d’abord le cannabis. « On voit également que les cracs et la cocaïne sont aussi consommés, avec les amphétamines, c’est-à-dire les médicaments détournés de leur usage normal », explique-t-elle.
Ces jeunes associent souvent ces substances parfois avec de l’alcool local (sodabi) et des boissons énergisantes.
Elle explique également qu’au Togo, il n’y a pas vraiment d’étude pour déterminer la proportion de jeunes ou de consommateurs de drogue. Mais un sondage mené par son ONG en 2020 a révélé que de plus en plus de jeunes scolaires surtout et des femmes consomment beaucoup l’alcool et des boissons énergisantes.
«On ne sait pas trop la composition de ces boissons. Mais pour les jeunes, c’est la recherche de la force physique et de la force sexuelle, et à travers ces boissons, ils pensent pouvoir trouver ce qu’ils recherchent alors qu’en vérité tout cela nuit à leur santé physique et mentale », déclare Mme Cathérine.
Ce qui amène les jeunes à la drogue
Mme Touré Khadidja Cathérine, présidente de l’ONG RAPAA indique qu’il faut une réplique d’envergure contre le phénomène
Ce qu’il faut remarquer et qui constitue un danger pour ces jeunes scolaires, selon la présidente de RAPAA, c’est qu’il y a des zones de ventes de ces substances qui se développent autour des établissements scolaires à Lomé et dans d’autres villes du Togo.
Pour cette experte en recherche et prévention des addictions, les jeunes sont souvent tentés par de nouvelles expériences, surtout lorsqu’ils sont en groupe avec des amis, et c’est la pression des pairs. Ce qui les pousse vers la consommation de ces substances.
Il y en a qui sont en rupture avec la famille. C’est le cas par exemple de Kokou. que nous avons rencontré au bord de la lagune. « Je n’ai rien à foutre de mes parents et des cours », laisse-t-il entendre finalement avec une voix chancelante sur notre insistance à lui demander pourquoi il n’est pas allé à l’école.
« Parfois, il tente de faire croire aux gens que cela l’aide à veiller et à bien apprendre ses cours », rapporte Richard qui le connaît bien.
« Ces jeunes sont influencés aussi par les réseaux sociaux où ils sont surinformés et confrontés à d’autres expériences dont ils ne mesurent pas toujours les conséquences », ajoute Mme Touré Khadidja qui affirme en outre que les jeunes de toutes les couches sociales, dans les milieux favorisés ou précaires, sont concernés par le phénomène au Togo.
Les élèves, les étudiants, les apprenants de petits métiers sont plus touchés dans ce pays. Ils entrent souvent en conflit avec la loi et se retrouvent dans des situations délicates, nécessitant l’intervention des autorités, notamment la justice.
Les élèves ou étudiants qui utilisent ces substances abandonnent facilement les études, puisque selon la présidente de RAPAA, la consommation de ces substances entraîne une baisse des activités du cerveau, donc une baisse de la mémorisation, d’attitude et de compétence, ce qui signifie une baisse des notes chez les élèves.
Il en est de même pour ceux qui apprennent les petits métiers. Tous ces jeunes se retrouvent dans des endroits peu recommandables, surtout dans les ghettos où se développe la consommation effrénée des substances psychoactives.
La drogue et l’insécurité
Les lieux où se rassemblent ces jeunes pour consommer ces substances sont réputés des lieux dangereux pour les habitants. Parce qu’ils n’hésitent pas à agresser les gens, à les dépouiller de leurs biens et même à commettre des crimes de sang. Ce sont des lieux où se développe le Grand banditisme.
« Ce sont des îlots de consommation où les usagers des substances, en rupture familiale, se retrouvent et vivent dans des conditions très précaires, avec des revenus très bas et irréguliers. Ces îlots de consommation appelés souvent ghettos sont de plus en plus nombreux à Lomé », confirme Touré Khadidja Cathérine.
« Il est fréquent de voir des gens se faire agresser par ces jeunes dans notre quartiers », raconte un riverain de Bè-Plage, un autre quartier où les jeunes fumeurs s’organisent pour dépouiller les passants.
Après leur coup, ils se replient dans le cimetière du quartier, souvent la nuit quand il fait très sombre. « C’est là où ils fument. Ils peuvent passer toute la journée dans ces lieux. Personne n’ose les approcher, même s’ils dépouillent un passant. Sauf les descentes sporadiques de la police qui les éloignent un peu », renseigne Christian Etou un riverain, qui ajoute qu’il y a des élèves qui se trouvent parmi eux.
Dans beaucoup de quartiers où se situent ces « îlots de consommation », les habitants ont toujours eu ces problèmes d’insécurité avec la présence de ces jeunes dont le but est de trouver, grâce à leurs victimes, de quoi aller se faire procurer ces substances parce qu’ils en sont devenus dépendants.
Et comme le dit l’experte, la consommation de ces substances a d’énormes conséquences sur les jeunes qui deviennent malades physiquement et psychologiquement. Elle conduit également au décrochage scolaire, aux délits et à la prise de beaucoup de risques.
Un véritable calvaire pour les parents et les enseignants
Légende image,Il y a beaucoup de familles au Togo « qui sont affectées, désemparées, bouleversées, démunies devant ce phénomène et qui ne savent pas que faire devant l’addiction d’un des leurs »
Le cas de Kokou, le jeune lycéen rencontré à Bè-Kpota, est révélateur de ce que les parents subissent lorsque ces garçons tombent dans l’addiction aux substances psychoactives. Il est fréquent, selon les témoignages, de le chercher des jours durant avant « de le ramasser dans un coin du quartier et de l’amener à la maison », comme nous le dit Richard, un proche de la famille.
« Quand je vois mon portable sonner et que je remarque que c’est sa maman qui m’appelle, sans décrocher, je sais en même temps que ce petit a encore déconné », poursuit notre guide.
Il y a beaucoup de familles au Togo « qui sont affectées, désemparées, bouleversées, démunies devant ce phénomène et qui ne savent pas quoi faire devant l’addiction d’un des leurs », confie Mme Touré Khadidja Cathérine.
Il est arrivé un moment où les parents du jeune lycéen Kokou ont pensé que ce qui arrive à leur enfant est spirituel. Car il leur promet de laisser tomber le cannabis, mais il n’y arrive pas toujours. Il arrive des jours où il ne touche pas à ça, et pendant ces moments, il est lucide et va au cours normalement. Mais quelque temps après, il retombe dans les mêmes travers.
« Ses parents pensent qu’il faut aller le laver au village et des gens leur conseillent des cérémonies dont je ne sais pour quelle fin. Je leur ai toujours dit qu’on peut le guérir en le confiant à l’une de ces ONG qui luttent dans le domaine », informe Richard.
Au lycée de Bè-Kpota où Kokou fréquente et dans d’autres établissements scolaires de Lomé, enseignants et responsables d’écoles sont confrontés à la gestion de ces catégories de jeunes qui vont au cours quand ils veulent et essaient d’entrainer leurs camarades sur ce terrain.
Envie de raccrocher, mais difficile…
Des bonnes volontés au sein des ONG et autres associations, à l’instar de RAPAA, tentent comme elles peuvent de porter assistance à ces jeunes hommes qui souffrent de l’addiction. Il y en a même qui, guéris de ce phénomène, prennent leur bâton de pèlerin pour se mettre aux côtés des plus faibles, c’est-à-dire ceux qui sont encore dans cette captivité.
À Aneho, ville située à 35 kilomètres à l’Est de Lomé, des jeunes rencontrés dans un ghetto témoignent de cette volonté d’abandonner cette voie, mais n’y arrivent pas. « Nous avons envie d’arrêter, mais ça ne va pas. On va faire quoi ensuite ? », demande l’un d’entre eux.
Il poursuit en expliquant que la drogue donne ce que la société ne leur donne pas.
« Beaucoup parmi eux, en discutant, ont la volonté d’arrêter de consommer de la drogue, mais ils n’y parviennent pas et ils demandent de l’aide et du soutien pour les amener à arrêter de consommer de la drogue », indique un responsable de l’ONG Croix Bleue du Togo.
Aujourd’hui, Kossi Egblongbé mène une lutte farouche contre l’addiction aux substances psychoactives. Lui-même, un ancien accro à ces substances, il reconnait que ce n’est pas du tout facile de sortir de ce piège une fois qu’on est tombé dedans.
Il demande à ses amis de surtout « éviter les premières fois ». « Je ne savais pas comment j’en étais arrivé là. Je n’avais pas vu les choses venir », dit-il.
« J’étais styliste et recevais beaucoup de commandes de vêtements. Un ami m’avait conseillé de prendre un produit pour pouvoir veiller tard dans la nuit afin de livrer mes clients dans les délais. Quand j’ai commencé, j’ai remarqué que le produit était efficace ».
Et à force de prendre ces produits, Kossi n’arrivait plus à s’en passer. Il en était devenu dépendant au point de déserter son atelier et d’aller à la recherche de ces substances dans les ghettos qu’il prenait finalement pour sa maison.
« C’est là-bas qu’une association m’a trouvé. La lutte a été très difficile. Mais je rends grâce, me voici aujourd’hui autour de cette table en train de faire le travail que j’ai appris », se réjouit-il.
« J’étais parmi ces jeunes qui agressaient les gens la nuit dans les coins sombres dans les quartiers d’Adakpamé et Kangnikopé. Les portables et l’argent que nous volions aux gens ne servaient qu’à acheter le gbékui (cannabis, Ndlr) que nous passons notre temps à fumer », confie-t-il, tout en affirmant que c’est une vie qu’il regrette aujourd’hui.
Aujourd’hui, il est l’exemple vivant qui sillonne les établissements scolaires, les centres d’apprentissage et même les hôpitaux où sont internés certains de ces jeunes accros aux joints à Lomé pour les sensibiliser.
Dans son atelier, il a établi des jours et des heures pour des séances de sensibilisation des jeunes qui apprennent le métier dans son atelier sur la nécessité de rester loin des substances psychoactives. « Ça détruit non seulement l’usager, mais aussi sa famille et tout son entourage ».
Un phénomène qui demande «une réplique d’envergure»
Certains parents, du moins une bonne partie, ont abandonné leur responsabilité. Ce qui fait que les enfants sont laissés à eux-mêmes et livrés à la drogue
RAPAA travaille depuis quelques années en collaboration avec des structures de l’État togolais, notamment le Comité national anti-drogue pour la riposte à ce phénomène devenu un problème de société et de santé publique dans le pays.
« Nous prenons des mesures pour sensibiliser les enseignants, les responsables d’écoles et même les parents et les élèves pour qu’il n’y ait pas des ventes de ces substances autour des établissements solaires », souligne-t-elle. Elle indique que la sensibilisation consiste souvent à donner à ces gens des informations sur les produits, à amener les élèves à faire les bons choix, surtout en ce qui concerne les amis, le refus de toucher à ces substances.
« Ce sont des compétences de vie que nous leur donnons au cours de nos séances de sensibilisation ». Et l’Université de Lomé et des structures d’accueil des jeunes en situation difficile sont également les cibles de ces séances.
Mme Touré et son équipe visitent aussi des mineurs incarcérés, en conflit avec la loi dans le cadre de la consommation de ces substances pour les amener à abandonner cette voie. Le Comité national antidrogue au Togo a conçu des outils pour faciliter ces sensibilisations et permettre que les messages passent.
Elle constate que les parents, du moins une bonne partie, ont abandonné leur responsabilité. Ce qui fait que les enfants sont laissés à eux-mêmes et livrés à la drogue. C’est pourquoi son ONG travaille en faveur des parents sur comment aider l’enfant à ne pas tomber dans ce piège.
Et dans la prise en charge des jeunes addicts, les parents sont impliqués, surtout lorsque les victimes de ces substances viennent dans les centres d’écoute où des psychologues ou un assistant social s’occupent d’eux.
« La prise en charge concerne l’écoute thérapeutique, donc tout ce qui est des aspects psychologiques pour comprendre pourquoi le jeune est tombé dans l’addiction, comment le motiver à en sortir et comment gérer les relations de l’usager avec sa famille », explique la présidente de l’ONG qui ajoute qu’il est très important d’impliquer les familles pour les amener à soutenir leur enfant.
Ensuite, son équipe regroupe des jeunes tombés dans l’addiction entre eux, qui se donnent des conseils, en partageant leur vécu, redonnant l’estime d’eux-mêmes. « Les usagers des substances sont dans une grande souffrance, parce qu’ils se rendent compte qu’ils sont en train de faillir, d’apporter de la tristesse dans leur famille. Mais ils ne peuvent pas réagir, car ils sont sous l’emprise de ces substances », dit-elle.
Il y a également des médiations qui se font soit en famille entre les usagers et leurs parents, soit en milieu scolaire entre eux et les enseignants et les autres camarades, afin de les réinsérer dans leur école ou dans la famille ou dans le travail.
« J’avoue que j’ai eu la chance de bénéficier de toutes ces attentions. C’est ce qui me permet de retrouver mon travail aujourd’hui », avoue le styliste Kossi.
Ces usagers se voient offrir aussi des temps récréatifs pour ne pas rester souvent à ne rien faire et penser aux substances.
Il y aussi les centres de santé mentale, du CHU de Lomé ou l’hôpital de Zébé à Aného (35 km de Lomé) où sont internés les cas graves, que l’équipe visite pour apporter les soutiens à ces jeunes.
La consommation de la drogue est devenue un souci contre lequel l’État togolais lutte à travers aussi le Programme national des addictions aux produits psychoactifs (PNAPP) du ministère de la Santé.
Et pourtant, une loi pour freiner le phénomène
Les associations et ONG accusent des privés qui laissent pousser ces plantes chez eux et les commercialisent clandestinement dans le pays
Le Togo dispose d’une « loi sur le contrôle de la drogue ». L’article 9 de cette loi dispose : « Sont interdits la production, la fabrication, le commerce et la distribution de gros et de détail, le transport et la détention, l’offre, la cession à titre onéreux ou gratuit, l’acquisition, l’emploi, l’importation, l’exportation, le transit sur le territoire national des plantes, substances et préparations à haut risque dépourvues d’intérêt en médecine ».
L’article 10 ajoute que la culture « du pavot à opium, du cocaïer et de la plante de cannabis » est interdite sur le territoire. Et que tout propriétaire, exploitant ou occupant à quelque titre que ce soit d’un terrain à vocation agricole ou autre est tenu de détruire les plantes qui viendraient à y pousser.
Des sanctions pénales sont même prévues pour les contrevenants.
Les associations et ONG accusent des privés qui laissent pousser ces plantes chez eux et les commercialisent clandestinement dans le pays. Ils ont un réseau de distribution futé avec des codes qu’eux seuls connaissent, selon un responsable d’ONG à Lomé qui demande un contrôle strict et rigoureux de l’État.
En plus, le Togo est un pays de l’Afrique de l’Ouest, une sous-région devenue la plaque tournante du trafic de toute sorte de drogue.
« Il faut punir sévèrement ceux qui vendent ces substances aux jeunes », recommande Kossi Egblongbé qui a failli laisser sa vie dans l’addiction, avec ses déboires à la prison civile de Lomé.
« Togo sans drogue »
Pour le gouvernement togolais, « la lutte contre les substances psychoactives est une priorité ».
Les autorités ont mis sur pied des institutions et instruments en place, notamment un Comité national anti-drogue qui dit mener beaucoup d’activités dans le domaine.
En 2023, ce comité a lancé l’ »Opération Togo sans drogue » avec pour objectif d’amener 30% des personnes dépendantes de la drogue à arrêter sa consommation.
La campagne était essentiellement dirigée vers les jeunes. Nous avons tenté en vain de joindre les responsables du comité pour faire le bilan de l’opération, puisqu’aucun rapport y afférant n’a été publié jusqu’ici.
Entre juillet 2022 et juin 2023, ce comité dit avoir procédé à la saisie de 150 tonnes de cocaïnes, crack, éphédrine, méthamphétamine, cannabis et autres, peut-on lire sur son site internet.
Le CNAD dit aussi organiser régulièrement d’autres activités en collaboration avec des ONG sur le terrain pour rendre efficace cette lutte.
Source : BBC Afrique