- Impératif d’abroger un décret suicidaire à l’économie togolaise
Pendant que le Togo est à la recherche de ressources pour faire face à des impératifs sociaux, une minorité se sucre sur le dos de la majorité. Mais c’est du fait de l’autorisation de feu Gnassingbé Eyadema, du silence de son fils Faure Gnassingbé et surtout des différentes législatures qui se sont succédé au parlement sans jamais porter attention à la commande des produits pétroliers du pays. Ce faisant, les différents ministres du Commerce, en même temps présidents de la Commission technique ou comité politique c’est selon, du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP) et le président du CSFPPP ont pris des largesses dans des décisions qui doivent avoir nui à l’économie.
Si on doit se fier à l’autorisation de payement du 22 août 2018 signé des mains de la ministre du Commerce d’alors, Essossimna B. Legzim-Balouki, les membres du « comité politique » du CSFPPP émargent à chacune de leurs réunions. Et en supposant que chaque mois, ce comité tient des réunions, ceci revient à comprendre que parallèlement à leurs salaires, les différents membres dudit comité politique perçoivent des indemnités depuis la mise sur pied du mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers au Togo.
Sur un autre document en date du 14 décembre 2018, une facture d’un montant de 13.210.000 FCFA a été émise par l’« Ets La nouvelle tendance » à l’endroit du CSFPPP. Les produits commandés ? Que des champagnes Laurent Perrier ! Un chèque de la BTCI a été émis le 18 décembre pour règlement. Là aussi, il est aisé de déduire que chaque fin d’année, cette commande est opérée pour des buts ignorés par le commun des consommateurs de produits pétroliers.
Qui a permis ces dilapidations?
Journal Officiel (JO)d’avril 2002. Par un Décret N°2002-029/PR portant création dumécanisme d’ajustementautomatique des prix des produitspétroliers, feu Gnassingbé Eyadema a ouvert le bal à la dilapidation des ressources issues du mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers au Togo.
L’article 12dudit décret dit que pour sonfonctionnement, le Comité disposede ressources constituées parles redevances du poste« mécanisme d’ajustement »inscrites dans la structure desprixdes produits pétroliers envigueur. Jusque que là, pas de problème. Mais là où le bât blesse, c’est quand il est dit : « Elles [Ndlr, les ressources] sont gérées pardérogation faite aux principesgénéraux applicables en matièrede comptabilité publique : uncompte est ouvert à cet effet dansune banque de la place ».En clair, les fonds issus des prélèvements sur chaque hectolitre de produits pétroliers ne prennent pas le chemin du trésor public, mais d’une banque dont le nom a été longtemps tu aux contribuables. Aujourd’hui, on sait que la banque en question, c’est la BTCI. Du moins, c’est l’une d’entre elles au cas où d’autres comptes seraient créés ailleurs.
De l’usage desressources du CSFPPP, l’article 13 dudécret en a fait cas. Ainsi, ondécouvre que les ressources du poste « mécanisme d’ajustement »contenu dans la structure des prixsont affectées aux dépensesrelatives aux : contrats d’achat desinformations pétrolières « on line »par réseau satellite ; contrats deprestations de services ;abonnements ; investissementsrelatifs aux outils informatiques et debureautique, aux équipements etproduits chimiques du laboratoired’analyse des produits pétroliers[Ndrl, ce qui n’a pas empêché l’ONG Public Eye de découvrir que des mélangestoxiques s’effectuaient au large descôtes du Togo et sont déversés surle marché ouest africain en toute clandestinité] ; auxprogrammes de formation ; auxindemnités de missions ; auxindemnités de présence desmembres de la commissiontechnique.
Si aujourd’hui, les membres du comité politique (ou commission technique) perçoivent des indemnités, c’est parce que feu Eyadema a approuvé. Ainsi, s’agissant du montantdes indemnités de présence desmembres de la commissiontechnique, un article y est consacréet le ministre du Commerce estdésigné comme ordonnateur desdépenses du Comité. Ce qui veut dire que depuis 2002,les indemnités sont versées à tous ceux qui ont figuré dans la commission technique. Précision, c’était Dama Dramani qui avait inauguré et ouvert le bal des ministres du Commerce et donccelui qui a commencé à signer les autorisations de payement des indemnités.
Qui ont favorisé ou laissé faire depuis ?
Ils étaient et sont censés contrôler l’action du gouvernement. Moins de trois ans après la signature du décret instituant le mécanisme des prix, feu Eyadema est parti. Mais combien de législatures se sont succédé depuis lors ? Pourquoi jamais, les députés tant du parti au pouvoir que de l’opposition ne se sont jamais attardés sur la question de la direction que prenaient les ressources issues dudit mécanisme ? Ils étaient et sont pourtant payés pour représenter le peuple. Mais aucun n’a osé proposer une loi qui rectifie le tir ou permette au successeur d’Eyadema de constater qu’une partie des ressources du pays était détournée pour des dépenses somptuaires et somptueuses des champagnes et autres prodigalités.
Pour les députés, tout ce que l’exécutif fait est bon. Même ceux de l’opposition avaient d’autres chats à fouetter plutôt que de perdre leur temps à vérifier des comptes. C’est ainsi qu’en moyenne, près de 3,5 milliards FCFA annuels étaient utilisés à des fins qui révoltent dans un pays à la recherche de financements pour son développement.
Depuis hier mardi, une formation est organisée à l’attention des députés sur le contrôle parlementaire comme outil de la gouvernance démocratique. La situation au CSFPPP demeurera-t-elle ainsi ? Ou bien l’Assemblée nationale actuelle fera-t-elle des propositions qui canalisent les recettes issues de ce comité? Les jours et semaines nous édifieront.
Godson K.
Source : Liberté