Le mot connu de tout le monde entier et qui est devenu un code qui traverse, sans visa, sans aucune autorisation, toutes les frontières continentales, culturelles, économiques, politiques, boursières, sportives, religieuses et même scientifiques est sans aucun doute le COVID-19.
Non seulement il a échappé à tous les plus puissants radars du monde mais il fait trembler toute une planète qui n’avait peur avant que des armes nucléaires, bactériologiques. C’est dire que ses ravages dépassent en termes d’expansion, de rapidité et de dégâts la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Il a même conduit au report des jeux olympiques prévus en juillet prochain au Japon qui a finalement cédé à son implacable force. Jamais dans l’histoire, ces jeux n’ont été reportés même en cas de guerre. Le COVID-19 se révèle non pas comme le virus le plus dangereux mais il dévoile surtout la fragilité de ce qui faisait notre fierté : la puissance scientifique et technologique.
En effet, la puissance informatique et technologique des pays de l’Asie comme le Japon, la Corée du Sud, la Chine n’ont pu tenir devant le COVID-19. La grande puissance mondiale, le gendarme du monde, les Etats-Unis avec leurs grands laboratoires de recherches de renom n’ont pas pu tenir devant les exigences de ce virus. L’Europe qui vantait les mérites de ses structures sanitaires est devenue en peu de temps et malheureusement l’épicentre du virus après la Chine avec des dégâts humains inédits (cf. l’Italie, l’Espagne la France etc. ) Et que dire du pauvre continent africain qui non seulement n’a pas les structures adéquates au niveau de la santé et de la recherche mais brille souvent par son manque d’anticipation dans les évènements. Et que dire enfin de l’OMS, une organisation internationale certes nécessaire mais doit- elle continuer, sans évaluation critique, à fonctionner de la même manière au niveau de certaines procédures de validation après le passage du COVID-19 ?
Le COVID-19 a créé une crise sanitaire de grandes envergures. Il dévoile donc, au plan mondial, l’extrême fragilité de la vie humaine et nous invite, tout en reconnaissant tout ce dont nous sommes capables au niveau de nos multiples laboratoires, à la reconnaissance des limites de nos différentes puissances et peut-être il met l’accent sur la solidarité qui doit nous permettre de remettre l’humain au cœur de tout progrès et de tout développement.
Au plan national, le COVID-19 met le doigt sur le manque cruel de structures sanitaires et de recherches dans les pays africains mais d’une façon particulière dans notre pays le Togo. S’il est vrai que le nombre de lits disponibles dans les services de réanimation dans les pays développés s’est révélé insuffisant, chez nous, au Togo, c’est vraiment dérisoire, lamentable et inquiétant si on a suivi l’interview du Dr. Gilbert TSOLENYANOU, responsable du SYMPHOT. Sur le nombre de lits disponibles, sur la formation du personnel soignant, sur le matériel et sur la gestion de la crise du COVID-19, il y a lieu de se poser beaucoup de questions. Beaucoup de zones d’ombres ont conduit des citoyens à des lettres ouvertes à l’instar de celle de Mme Maryse QUASHIE Maryse et celle du Père Pierre Marie Chanel AFFOGNON.
Mais non seulement il y a un manque de structures mais le COVID-19 a révélé deux autres problèmes fondamentaux : le manque d’anticipation dans les prises de décision et le défaut de prévision qui caractérise le pouvoir politique.
Ne pouvait-on pas en cas de prise de conscience de manque de structures sanitaires se donner l’obligation d’anticiper en faisant de la prévention notre premier remède au COVID-19 en nous rappelant les paroles de ce chant connu depuis le cours primaire que « prévenir vaut mieux que guérir » ? Aurions-nous oublié les leçons d’EDUCIVIP ou d’EDUCIMO ?
La politique aurait-elle pris le dessus sur la prévention et l’obligation d’anticiper ? Le COVID-19 ne nous renseigne-t-il pas une fois de plus que l’un de nos problèmes en Afrique et au Togo est que nous ne voyons pas les crises venir et nous attendons pour les subir comme le disait Maurice KAMTO dans L’Urgence de la pensée ? Penser c’est savoir aussi anticiper. Et savoir anticiper doit être une des qualités de tout pouvoir politique car gouverner c’est non seulement savoir ordonner et gérer ce qui existe mais c’est aussi et surtout prévoir.
Si gouverner c’est prévoir, pour prévoir il faut avoir une vision et surtout faire de la prospective. Pourrions-nous continuer comme cela sans évaluation de notre mentalité sur la politique et du rôle du pouvoir dans une communauté politique ? Peut-on encore longtemps oublier ces mots de GHANDI : « le jour où le pouvoir de l’amour dépassera l’amour du pouvoir le monde connaîtra la paix ». Ici il s’agit d’abord de rechercher la paix sociale pour notre pays le Togo constamment en crise, une crise à laquelle s’est ajoutée celle du COVID-19.
Le COVID-19 ne peut pas faire oublier la crise socio politique qui perdure et qui est encore là après les élections du 22 février 2020. Par ces élections, avec des institutions non crédibles et non transparentes, le Togo peut-il être un modèle pour les autres pays africains qui feront aussi des élections présidentielles en cette année de 2020 ? La finalité du pouvoir politique doit être autre chose que le simple amour du pouvoir. La crise du pouvoir politique en Afrique et au Togo est une réalité.
Le COVID-19 en tant que crise sanitaire a dévoilé deux lacunes du pouvoir politique dans nos Etats et cela doit nous faire réfléchir car pour faire face aux problèmes il faut être ensemble et être ensemble ne peut se faire efficacement que dans la justice et par des institutions crédibles et reconnues de tous et par tous. La politique devient ainsi l’organisation du vivre ensemble et non la recherche du pouvoir pour le pouvoir. Si toute crise, tout en révélant un dysfonctionnement, est un moment de croissance, il serait temps d’accepter la crise dans notre pays afin d’y trouver une véritable solution, celle qui commence par la désignation et la dévolution du pouvoir dans la communauté politique.
L’actualité dans notre pays, c’est aussi celle d’une décision prise le 23 mars dernier et qui est relative à la suspension temporaire de deux organes de presse : L’Alternative (2 mois) et Liberté (2 semaines). La liberté d’expression est un droit inaliénable car c’est un droit de l’homme. Et comme tout droit, il n’est pas absolu, il s’exerce dans les limites de la Loi et donc des libertés publiques. La question que l’on pourrait se poser après la lecture des deux décisions est la suivante : la suspension serait elle l’unique forme de sanctions dans le cas d’espèce ? Ne pourrait-on pas insister d’abord sur le droit de réponse reconnu à tout individu qui contesterait une information à son sujet ? Dans un pays où l’information a du mal à être connue, où la liberté d’expression n’est pas pleinement établie comme un droit inaliénable des individus, la suspension temporaire ne risque-t-elle pas d’être prise comme une mesure dissuasive sur des sujets délicats et complexes ? L’objectif pédagogique ne peut-il être uniquement atteint que par cette sanction ?
Nous exprimons notre solidarité aux deux organes de presse qui malgré les conditions difficiles d’exercice informent le peuple et contribuent ainsi à l’effectivité du droit à l’information des citoyens. Par vous les médias, le droit à l’information n’est plus un droit purement abstrait mais il est réel et concret. Vous êtes ainsi l’un des baromètres pour différents pays en Afrique qui luttent pour le changement de régime : un vrai régime démocratique. Car de nos jours avoir l’information c’est être capable de comprendre, d’agir et de réagir, de construire et surtout d’avancer ensemble. On peut bloquer un canal pour informer mais on ne peut plus empêcher, au XXIe siècle et donc à l’ère de l’internet et des réseaux sociaux, la libre circulation de l’information pour l’édification de sociétés justes et démocratiques.
Toute crise, comme toute sanction, quand elle est vécue autrement, permet de croître et devient une chance de progrès. Nous espérons qu’il en serait ainsi pour tous les Togolais.
Par Maryse Quashie et Roger E. Folikoué
Source : L’Alternative (presse-alternative.info)