«L’exercice du pouvoir grossit les caractères des êtres comme la loupe ceux de l’imprimerie. Il est une drogue qui rend fou quiconque s’y complait. Aveuglées par les phares de la renommée, les chenilles dévouées ont tôt fait de se métamorphoser en vaniteux papillons» (Jacques Attali)
L’Afrique est malade de ses dirigeants. Au propre comme au figuré. Bien que souffreteux, la plupart des dirigeants, de vieux despotes africains, ne comptent pas lâcher une once de pouvoir. Leur ambition, mourir au trône. Les placards étant trop plein de cadavres, ainsi envisagent-ils de diluer leurs responsabilités accablantes.
Si la CEDEAO tousse gravement en cette année 2020 à cause du virus du 3ème mandat qui a contaminé la plupart des dirigeants, l’institution sœur de l’Afrique centrale, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ne se porte pas mieux non plus. Elle souffre depuis des années d’un incurable coryza aigu.
Dans la CEMAC, les dirigeants, des dictateurs impénitents devant l’Eternel, se sont lancés dans une course folle à la longévité présidentielle. C’est à qui durerait le plus au pouvoir.
Le président camerounais Paul Biya l’avait d’ailleurs martelé: « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut (…) Je ne suis pas à la tête de l’Etat par la force. Je n’ai pas acquis le pouvoir de manière dictatoriale. J’ai toujours été élu par le peuple. » Et tant que le « peuple » continuera à porter son choix sur Paul Biya, il continuera à régner indéfiniment sur le Cameroun.
Certains dirigeants ont prétendu que même mort, ils continueraient à diriger leur pays. C’est dire que le pouvoir pour l’homme africain est un aphrodisiaque suprême. Celui qui en a goûté ne peut plus s’en passer.
Les points communs de ces fantasques autocrates de la CEMAC, c’est qu’ils sont pour la plupart vieux et cumulent plusieurs décennies de règne. Paul Biya (87 ans) dont 38 au pouvoir; Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (78 ans) dont 41 au pouvoir, Denis Sassou Nguesso a 77 ans et régente le Congo Brazzaville depuis 36 ans ; Idriss Deby Itno (68 ans) et qui trône au sommet du Tchad depuis 30 ans ; feu Bongo père et son grabataire de fils règnent sans partage sur le Gabon depuis 53 ans. Ces 5 dirigeants totalisent à eux seuls près de 200 ans de règne.
Comment le continent peut-il décoller avec de tels dirigeants nuisibles qui ne cessent de le tirer vers le bas? Bien que l’Afrique soit extrême riche, elle est malheureusement le terreau de toutes les misères du monde. La faute aux dirigeants adeptes du présidentialisme à vie, de la mal gouvernance chronique, du népotisme, des pillages économiques et des deniers publics, la corruption, etc.
« L’Afrique est malade d’elle-même. Il suffit d’évoquer le pillage organisé par certains de ses fils qui font de la corruption, de la gabegie, du clientélisme, des détournements du denier public une méthode de gouvernement », relève Robert Dussey dans son livre « L’Afrique malade de ses hommes politiques ».
Au Congo, le dictateur Denis Sassou Nguesso est pris carrément pour Dieu. Des partis membres de la majorité présidentielle pleurent toutes les larmes de leurs corps pour implorer le sens du devoir du vieux dictateur à se porter candidat aux élections de 2021. « La majorité présidentielle pense que de tous ses chefs, c’est le président Sassou Nguesso qui réunit tous les atouts (…) Nous nous battrons vaillamment avec courage pour convaincre le président de la majorité pour qu’il accepte les implorations et les exhortations de sa base politique », a déclaré Pierre Moussa, président par intérim de la majorité présidentielle.
En clair, Denis Sassou Nguesso y est et y reste. Même la mort ne l’y enlèvera pas.
Médard AMETEPE
Source : Liberté