La politique en Afrique de l’Ouest n’est pas un long fleuve tranquille. Ce dernier trimestre verra se dérouler plusieurs élections présidentielles dans l’espace CEDEAO notamment, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Burkina Faso et au Niger.
La tension politique est palpable dans bien de ces pays parce que la culture démocratique n’y est pas encore bien ancrée. Trop souvent, et ce hors du cadre légal , on compte sur la rue, l’administration ou la
force publique pour déplacer une date d’élections, éliminer un ou plusieurs candidats, contrôler ou prendre le contrôle du processus électoral à son profit et finalement préparer le terrain pour une élection conflictuelle qui fera des mécontents , qui ont de bonnes raisons de l’être et dont la cause ne sera pas entendue, les décisions de nos cours et conseils constitutionnels étant sans appel.
Trente ans (30) après le discours de la Baule et soixante ans (60) après nos indépendances, il semble que nous n’ayons pas encore entièrement compris que les systèmes politiques que nous mettons en place doivent avant tout viser le bien-être des populations ; et que le vivre ensemble reste un des véritables défis auxquels sont confrontés nos États.
L’objectif premier d’une élection n’est pas qu’elle soit apaisée mais qu’elle soit libre, transparente et équitable pour départager des candidats et c’est souvent l’absence d’une ou plusieurs de ces caractéristiques qui menace l’apaisement.
Nous avons le devoir moral de tenir un langage de vérité à nos populations si nous voulons sortir de l’ornière. Ma petite part, de ce que je perçois comme vérité, c’est que nos États quand bien même ils ont enregistré des succès dans bien de domaines et réussissent à maintenir nos pays debout , ont pour bon nombre, doublement failli . Autrement dit, nos États, en grande majorité, n’ont pas encore réussi à transformer les territoires hérités de notre histoire en nations et ne sont pas encore entièrement parvenus à ne serait-ce qu’être des États autonomes qui fonctionnement correctement sans l’assistance permanente de bailleurs de fonds et de partenaires techniques et financiers. Résultat, nous n’avons pas d’infrastructures modernes en quantité et en qualité suffisantes dans presque tous les domaines pour satisfaire la demande. Le moindre problème politique, économique ou social peut déboucher sur des affrontements intercommunautaires tant le tissu social a été fragilisé à des fins politiques/économiques.
La misère et la pauvreté sont les deux plus fidèles compagnons de bons nombres de nos citoyens quelqu’en soient les gouvernements en place et ce en dépit des efforts colossaux déployés par ces derniers et les statistiques vantant les avancées.
Comment sort-on de ce piège sans fin?
Je ne saurais avoir la prétention de vous proposer une solution complète dans le cadre de cette réflexion, en revanche, je peux mettre en lumière un certain nombre de principes et pistes qui doivent nécessairement être pris en compte dans l’élaboration de la ou les solutions retenues, et proposer des choix politiques basés sur une idéologie.
Le premier principe est celui de la légitimité. Nos institutions et nos gouvernements doivent résorber leurs déficits de légitimité et nous devons nous battre pour que nos institutions soient plus légitimes.
Pourquoi? Parce que l’illégitimité n’a d’autre choix que de s’accommoder de la mauvaise gouvernance politique, économique et sociale, sans parler du tribalisme et de la violence… il y va de sa survie.
Le deuxième principe est celui de la liberté. La liberté de penser, la liberté de s’exprimer, la liberté de faire des choix de vie, la liberté d’entreprendre, la liberté de propriété, la liberté de choisir ses dirigeants. Pourquoi? Lorsqu’on opère des choix en toute liberté, il est plus facile de les assumer et de les modifier pour changer la direction que l’on souhaite prendre, comme individu et comme communauté étant entendu que la liberté est inhérente à la nature humaine. Il est également raisonnable de considérer la somme des choix similaires effectués par plusieurs individus libres comme base pour orienter l’action de la communauté dont ils sont membres, le vote de chaque personne étant égal (1 personne = 1 vote).
Le troisième principe est celui de la qualité. On n’en peut pas avoir de bons résultats sans faire un travail de qualité. Si nous voulons innover, innovons correctement, si nous voulons copier, copions correctement. Si c’est le parti unique ou une monarchie que nous voulons mettre en place, faisons-le correctement, ça peut aussi mener au développement et au bien être comme en Chine , au Maroc, en Tunisie etc… Si c’est une démocratie libérale et une économie de marché comme je le préconise, faisons-le correctement. On ne peut pas animer des structures démocratiques avec la mentalité de parti unique qu’on avait au préalable mal copié, on n’obtiendra rien de bon par cette méthode. Lorsque nous opérons des choix de systèmes politiques, nous devons mettre autant d’efforts dans l’implémentation de ces structures que dans les initiatives visant à changer les mentalités des populations ciblées. Le changement de culture est plus important que le changement de structure. Lorsque nous nous donnons des lois, que ce soit légitimement ou illégitimement, au moins respectons les… question de qualité de l’action et de cohérence entre ce que l’on pense , ce que l’on dit et ce que l’on fait…
À ces trois principes, j’ajoute et ce de façon accessoire, la nécessité de dépersonnaliser le débat politique. À mon humble avis, mobiliser tout un stade ou un peuple contre un homme, comme nous le voyons à Abidjan, fausse le débat. Il est difficile de me convaincre que l’on veut choisir son adversaire politique dans une compétition électorale. Comme au football, chaque équipe choisit son capitaine.
Chaque parti est donc libre de choisir son candidat dans le respect des lois en vigueur et si la loi laisse place à plus d’une interprétation par la faute du législateur, interprétons-la de la façon la moins restrictive possible pour permettre aux différentes sensibilités de s’exprimer librement. Cette énergie perdue dans un combat inutile contre un homme serait plus utile et payante dans la surveillance électorale pour s’assurer que si les populations préfèrent un autre candidat, ce soit dans les urnes qu’on le voit et non dans la rue ou dans un désordre dont personne n’a le monopole. Il est également curieux que sur 44 candidatures, seules quatre (4) soit 10%, aient été retenus. Il y a nécessairement eu un problème dans la constitution ou le traitement des dossiers ou bien les conditions de candidatures ne sont pas suffisamment inclusives… Ce sont des situations qui nous amènent à l’épineuse question de la primauté de souveraineté nationale par rapport à la souveraineté sous régionale et à parfois penser qu’il faut peut-être une cour constitutionnelle sous régionale (CEDEAO) et/ou Continentale (UA) comme instance de recours aux décisions nationales, pour nous assurer que les contentieux constitutionnels/électoraux nationaux soient traités impartialement et presque sans influence politique ou mieux que les élections soient organisées par les institutions sous régionales (CEDEAO) et supervisées par l’institution continentale (UA) ou du moins qu’elles soient plus impliquées car dans des États où la dichotomie n’est pas suffisamment forte entre le politique, l’administration et l’armée, les candidats à l’élection ne sont presque jamais sur le même pied d’égalité pour ce qui se veut une compétition saine et équitable.
constitutionnels/électoraux nationaux soient traités impartialement et presque sans influence politique ou mieux que les élections soient organisées par les institutions sous régionales (CEDEAO) et supervisées par l’institution continentale (UA) ou du moins qu’elles soient plus impliquées car dans des États où la dichotomie n’est pas suffisamment forte entre le politique, l’administration et l’armée, les candidats à l’élection ne sont presque jamais sur le même pied d’égalité pour ce qui se veut une compétition saine et équitable
Il n’est jamais trop tard pour bien faire dit-on souvent, mieux vaut tard que jamais…nous pouvons ici et maintenant en nous appuyant sur les deux leviers que constituent les femmes et la jeunesse qui sont de loin les plus nombreux, opérer des choix qui vont permettre à l’Afrique de demain d’être en paix, libre et prospère.
Nos États hérités de notre histoire , après soixante ans (60) d’indépendance ne sont pas encore viables et sont presque tous fragiles et contestés. Nos États, particulièrement nos exécutifs occupent trop de place dans la société, sont budgétivores et n’optimisent pas l’allocation des ressources à leur disposition. Il faut réduire le champ de compétence de nos États et transférer une part de leurs compétences aux organisations sous régionales et continentales et une autre partie aux collectivités locales (régions/communes).
Ayons le courage politique d’abolir les frontières terrestres artificielles qui séparent nos peuples et transférerons une bonne partie des compétences de nos États à nos institutions sous régionales(CEDEAO) et continentales (Union Africaine) notamment les questions de Démocratie, de Défense, de Développement, de Diplomatie, Décentralisation (5D), monnaie etc. Il est plus cohérent que la CEDEAO standardise les politiques en matière de gouvernance politique et économique, de santé, d’éducation, de sécurité etc…à un niveau sous régional et qu’on ait un marché de 400 millions d’habitants sans frontières pour nos entreprises/populations, frontières qui en l’état actuel constituent un frein au développement économique et au vivre ensemble. Ce bloc sous régional puis continental garderait/approfondirait les relations privilégiées que nous avons avec nos partenaires historiques et traditionnels notamment la France, l’UE, les USA etc… et viserait un partenariat plus équilibré, gagnant-gagnant dans lequel l’Afrique s’assume sans défiance dans un panafricanisme ouvert sur le monde.
Après soixante (60) ans d’indépendance, mieux vaut tard que jamais…faisons de bons choix, faisons le choix d’une démocratie libérale et d’une économie de marché en adhérant sincèrement aux principes qui sous-tendent ce système et mettant en place dans la sous-région des régimes qui réduisent les prérogatives de l’exécutif au profit du pouvoir législatif (régimes parlementaires) dans la mesure du possible. Le libéralisme politique et économique a fait ses preuves au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Sénégal sous les régimes du New Patriotic Party (NPP), du Rassemblement des Houphouetiste pour la Démocratie et le Développement (RHDP) et du Parti Démocratique Sénégalais/Alliance Pour la République (PDS/APR).
Il en résulte que pour les élections imminentes dans l’espace CEDEAO, en restant dans la perspective libérale qui est la mienne, les bons choix restent Nana Akuffo-Addo (Ghana), Alassane Ouattara (RCI), Zéphirin Diabré (Burkina Faso) et Cellou Dallein Diallo (Guinée). Les questions de la limitation de mandat et la nécessité d’une alternance sont consacrées dans la quasi-totalité des constitutions de la sous-région. En nous ancrant dans les trois principes notamment celui de la légitimité, de la liberté et de la qualité, et en transférant une partie de la souveraineté de nos États à des organisations sous régionales (CEDEAO) et continentales (UA), nous allons pouvoir améliorer la gouvernance politique, économique et sociale et l’alternance sera plus le symptôme de la vitalité de nos démocraties qu’un combat à mort entre fils d’un même pays.
Il faut donc éviter une personnalisation du débat, utiliser les provisions légales en vigueur aussi imparfaites qu’elles soient pour s’assurer du bon fonctionnement de ces mécanismes pour le moment et surtout et le plus important mettre des moyens conséquents dans la surveillance électorale seul gage d’une élection libre, transparente et démocratique qui puisse à terme nous mener vers plus de Paix, plus de Liberté, plus de Prospérité.
Sena Alipui
Acteur politique
Acteur de la société civile.