Grève dans les écoles / Les élèves dans les rues
En l’espace d’une semaine, la ville de Kara est sortie de l’éteignoir pour se constituer ville leader des contestations. Après les étudiants qui ont exprimé leur mécontentement dans la ville, c’est au tour des enseignants de durcir le ton vis-à-vis des autorités qui « ne comprennent que le langage de la confrontation ».
En 2009, suite à des manifestations des enseignants pour réclamer leurs droits, ceux-ci avaient dû employer la manière forte pour se faire satisfaire et apparemment, d’après les dires du Secrétaire général adjoint de l’USET (Union Syndicale de l’Education du Togo) M. Etienne Bararma, on se prépare à vivre un remake des mouvements de septembre 2009. « Tant que le gouvernement déduira les jours de grève de nos maigres salaires, nous maintiendrons le mot d’ordre et s’ils nous obligent de quelque manière que ce soit à répondre présents aux cours, nous avons toutes les armes pour dispenser un enseignement de moindre qualité aux élèves. Mais nous considérons aussi les cours des jours de grève comme étant dispensés », a affirmé le secrétaire général. La fin d’année risque donc d’être « tsunamique » pour le régime en place.
Gazage des lycéens manifestant pour le retour des enseignants en grève à Lomé
Samedi dernier, les enseignants de la région de la Kara avaient répondu présents au mot d’ordre de grève lancé par leur collectif, l’Uset et le SNEETFP (Syndicat National des Enseignants de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle). Réunis dans la cour de l’école centrale de Kara, ils ont d’abord tenu à dénoncer les méthodes d’un autre âge du Directeur Régional de l’Education (DRE), M. Poro Katanga car celui-ci voit d’un mauvais œil l’action syndicale. Malgré les multiples demandes pour obtenir une salle de classe pour la tenue de l’Assemblée générale, les pressions exercées sur les inspecteurs ont conduit ceux-ci à refuser de satisfaire cette demande.
Les principales revendications du corps enseignant sont entre autres le remboursement des prélèvements de la CNSS, du temps où certains enseignants étaient des auxiliaires puisque ces prélèvements ne seront pas pris en compte après leur intégration, le payement des arriérés de salaires, l’intégration pure et simple des auxiliaires restants, le déblocage des avancements, la mise en route de l’assurance maladie. Sur ce dernier point, les enseignants fustigent l’absence de communication préalable avant la mise en route de cette assurance. Depuis cinq mois que l’administration a commencé à prélever les 3,5% des salaires, bien d’enseignants ont été malades et traités mais à ce jour, il n’y a pas encore de structure installée dans la localité, auprès de laquelle ils pourraient se présenter pour le remboursement des frais médicaux. Le dernier mais plus important point inscrit dans les revendications est le payement des primes liées au métier. A titre d’informatio, l’enseignant burkinabé affecté dans une zone rurale, gagne 25.000 FCFA comme prime de dépaysement en plus de son salaire.
Il ne serait pas superflu de faire mention du mouvement d’humeur des enseignants volontaires dont le plus « capé » gagne au plus 25.000 FCFA avec le niveau Licence ou Maîtrise. Ceux-ci sont particulièrement remontés comme leurs collègues titulaires à cause des affectations sauvages et anarchiques dont ils sont l’objet de la part du DRE. Il n’est plus un secret pour personne que M. Poro Katanga est le président national du Msf (Mouvement de Soutien à Faure), et engoncé dans ce manteau, il fait la pluie et le beau temps. « Si les autres DRE n’ont pas de vision pour leurs régions, moi j’en ai », se défend souvent le président national du Msf.
Ces affectations « punitives » ont coûté la vie, non pas directement mais de façon indirecte à un enseignant samedi dernier. En effet, sur décision unilatérale du DRE, M. Yérima, professeur d’Allemand au lycée de Kara-Tomdè, a été affecté au lycée de Pagouda. Et c’est en revenant de Pagouda, qu’il a eu un accident qui l’a plongé dans un coma dont il ne s’est plus réveillé. S’il n’avait pas été affecté arbitrairement, sûrement qu’il serait encore auprès de sa famille et participerait au mouvement des enseignants.
A côté des enseignants mécontents, il y a aussi les élèves qui en ont sur le coeur. Ainsi Sokodé, Sotouboua, Adjengré, Pya, Kétao et Lomé ont vu déferler dans les rues des élèves qui craignent pour leur avenir. Le mot d’ordre des enseignants est le suivant : tout enseignant qui vient faire les cours lundi et mardi, informe les élèves que deux des chapitres qui devraient être dispensés, sont considérés comme faits. Et dès aujourd’hui jusqu’à vendredi, les cours seront suspendus dans tous les établissements publics du pays. Ce faisant, ils pensent réveiller les obligés du régime de la torpeur dans laquelle ils se sont vautrés.
De 11 heures à 15 heures, la voie menant à Adidogomé a été prise d’assaut par les élèves qui scandaient : « Nous voulons nos profs. Nous ne voulons pas d’hommes en treillis mais juste nos profs ». Interrogés à savoir si proposition leur était faite de rentrer en classe afin que les militaires, les gendarmes et les policiers commis pour les empêcher de manifester, leur dispensent les cours, tous ont répondu d’accord. Mais la question est de savoir si les corps habillés envoyés sur le terrain ont le bagage nécessaire pour relever ce défi, eux qui ne comprennent que le langage des…. En prêtant oreille, les habitants du quartier auront entendu des coups. Ce sont les éclats de grenades lacrymogènes que des hommes en treillis tiraient en direction des élèves parmi lesquels des mineurs, devant et à l’intérieur du lycée d’Adidogomé. Des courses poursuites s’étaient engagées mais à ce jeu, les élèves étaient gagnants car connaissant mieux l’environnement où se déroulaient les affrontements. Ils escaladaient promptement les murs de l’enceinte et juchés dessus, ont nargué les gendarmes. Le lycée avait été vidé de ses occupants.
Selon les informations, les élèves, mécontents de l’absence de leurs enseignants, ont violemment manifesté à Adjengré hier. Ils s’en seraient pris à certains biens publics et privés. Les mêmes manifestations sont signalées aussi bien à Kétao dans la préfecture de la Binah qu’à Sokodé.
Godson K.
source : liberté hebdo togo