Le projet d’Assurance maladie universelle (AMU) aurait-il pour fondement de détruire le tissu économique du pays ? Parce que devant les difficultés des employeurs à honorer les engagements vis-à-vis de leurs salariés en rapport avec les cotisations sociales, les autorités ont porté cette contrainte à la hausse à travers l’Assurance maladie universelle. Mais déjà les dés semblent pipés au niveau de la Caisse nationale de sécurité (CNSS), en attendant que l’Institut national d’assurance maladie emboite le pas.
Dès la fin du mois de janvier 2024, les employés du secteur public verront leurs salaires amputés de 5% au profit d’une assurance maladie universelle dite AMU. Mais les prestations à proprement parler ne prendront effet qu’à partir du second trimestre de l’année. Sans considération des assurances antérieures auxquelles certains travailleurs ont souscrit. Mais à travers un acte posé par dame Ingrid Awade, Directeur général d’une des deux structures devant gérer cette AMU, d’aucuns se demandent si ce n’est pas une manne qui tombe dans l’escarcelle de la CNSS et bientôt peut-être de l’INAM aussi.
Par une Note de service datée du 9 janvier 2024, le Directeur général de la CNSS, se fondant sur des lois, décret et la convention collective de la CNSS, et tenant surtout compte « des nécessités du service », a acté une augmentation à hauteur du prélèvement que nécessite la part du travailleur.
« Article 1er : Il est accordé au personnel de la Caisse nationale de sécurité sociale une augmentation de 5% de salaire. Article 2 : Cette augmentation de salaire intègre l’accompagnement du personnel par la Direction générale en couverture des taux de cotisation de l’Assurance maladie universelle. Article 3 : La présente note prend effet à compter du 1er janvier 2024 ». Peut-on être plus explicite que ça ?
Que des travailleurs bénéficient d’augmentation de salaire, ne peut être que loué. Mais que cette augmentation se fonde sur des cotisations d’autres travailleurs qui n’ont pas demandé aux autorités l’instauration de l’AMU, et qui ne peuvent pas prétendre comme leurs collègues de la CNSS à une augmentation, pose une question d’équité et de conscience professionnelle. Surtout lorsqu’on sait l’environnement dans lequel se font les cotisations et les pressions qui sont exercées sur les employeurs.
Lorsque l’activité économique dans un pays se passe bien, il est plus aisé aux opérateurs économiques et employeurs de s’acquitter de leurs devoirs en versant les parts des employés et les leurs à la CNSS ; ceci pour les vieux jours des premiers.
Mais quand le quotidien est fait de pressions, de contraintes et autres réalités connues des employeurs, nombreux sont ceux d’entre eux qui, faute d’honorer des arriérés cumulés, finissent par mettre la clé sous le paillasson. A l’instar des établissements scolaires qui tirent le diable par la queue et d’autres PME/PMI qui, à peine ouvertes, ferment les portes et déposent le bilan.
Avant l’AMU, il y a la sécurité sociale qui oblige l’employeur à retenir 4% sur le salaire de l’employé et à y ajouter 17,5%, soit un total de 21,5%. Mais lorsque l’employeur n’arrive pas à s’y conformer, la CNSS se charge de calculer des pénalités sur les impayés qui, souvent, finissent par dépasser le capital « prestations sociales ». C’est ainsi par exemple que des établissements scolaires se sont retrouvés avec des arriérés –pénalités comprises- de plus de 5 millions FCFA alors qu’au départ, ce qu’ils devaient ne dépassait pas 500.000 FCFA. Certains se sont retrouvés avec près de 27 millions FCFA contre moins de 5 millions FCFA au départ. Des pénalités qui portent les dettes à plus du quadruple ou du sextuple, il faut être un établissement scolaire et engager des enseignants dans un climat d’augmentation des salaires pour comprendre ce à quoi ce secteur et d’autres sont soumis par la CNSS. Dans ces conditions, comment cette CNSS ne va-t-elle pas se permettre les augmentations qu’elle juge utile pour son personnel ?
Et c’est pendant que les opérateurs économiques et autres employeurs n’arrivent pas à se conformer à ces cotisations que leur tombe sur la tête la trouvaille dite « AMU ». Et donc à partir de fin janvier, ce sera désormais 9% pour la part ouvrière et 22,5% côté patronat. Soit 31,5% du salaire que l’employeur devra verser, en plus du salaire mensuel. Dans un climat de vie chère, de mévente et de débauchage des enseignants au profit du secteur public. C’est à croire que le gouvernement fait tout pour obliger les établissements scolaires à fermer leurs portes. Sans égard pour les élèves, les parents et l’éducation en général.
Avec un prélèvement de 9% sur le salaire, combien seront les employés qui ne seront plus dans la tranche du SMIG tant vanté ?
A en croire des informations, le personnel de la LONATO dont la même Ingrid Awade est Présidente du Conseil d’Administration (PCA) aurait aussi augmenté les salaires de ses employés. Il ne restera que l’INAM de prendre le train en marche pour que la boucle soit bouclée. Qu’ont de si spécial les agents de la CNSS qui, soit dit en passant, ne produisent pas de la richesse, pour mériter une augmentation et que les enseignants et autres travailleurs des autres secteurs n’ont pas ?
On comprend que la direction générale de la CNSS investisse l’argent des assujettis dans des domaines variés tels les résidences, la brassicole, les hôpitaux « de référence ». Mais alors, comment expliquer que depuis les indépendances, la prise en charge des enfants des travailleurs déclarés du secteur public par cette CNSS soit scotchée à 2000 FCFA ? Si ce n’est pas de la triche, ça y ressemble fortement.
S’agissant de l’AMU à proprement parler, les autorités ont acté sa mise en œuvre ce mois de janvier 2024. Mais combien parmi les assujettis sont informés des prestations qui seront couvertes ? Combien de médecins savent les produits qui seront remboursés et donc ceux à ne pas prescrire sans l’avis des patients ? Comment les patients sauront-ils les mises à jour qui interviendront dans l’éventail des produits couverts ? Autant de questions et d’autres qui n’ont certainement pas encore de réponse. Parce qu’au Togo, on aime mettre la charrue avant les bœufs. Et tant pis pour les dégâts collatéraux, puisque ce seront des dégâts collatéraux !
Godson K.
Liberté Togo