A l’émission 12/13 ce dimanche 23 Octobre 2011
Plan international
Nana FM : 1/ La crise en Libye et la mort de Kadhafi
Agbéyomé KODJO : La crise en Libye est une crise sociopolitique dans la lignée du printemps arabe qui s’est terminée de manière fort dramatique et tragique avec le décès dans des circonstances floues du Colonel Kadhafi.
L’image des derniers instants de l’ex Guide Libyen est très bouleversante et interpelle l’humain en chacun de nous. Elle nous rappelle le paradoxe de la condition humaine et nous invite à davantage de mesure et d’humilité en toutes choses.
A la lumière des informations auxquelles nous avons accès, principalement les vidéos et autres déclarations de la direction du CNT, on n’est pas loin d’une exécution sommaire et donc d’un crime de guerre.
Cette situation ternit ce qui aurait pu être la victoire des forces révolutionnaires déterminées à tourner la page de l’ex Guide.
Cela étant, la mort du Colonel Kadhafi est une grande perte pour l’Afrique. Malgré la personnalité fantasque de l’illustre disparu, il était porteur d’un réel projet d’union pour le continent à travers les Etats-Unis d’Afrique. Hélas que Syrte qui a vu naître l’UA a été le lieu de la mort ignominieuse de son parrain ! Au-delà du fait politique et en raison de l’œuvre panafricaniste accompli par le Colonel Kadhafi, nous ne pouvons nous priver d’exprimer toutes nos condoléances à la famille éplorée.
Tout africain avisé ne saurait nier le rôle majeur joué par le Colonel Kadhafi dans les investissements directs ou indirects pour appuyer les secteurs sociaux vitaux de plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne aux prises à des difficultés financières pour résoudre des problèmes sociaux. Cela faisait de l’ex Guide Libyen un personnage fort populaire et très apprécié en Afrique noire.
In fine, la disparition tragique du Colonel Kadhafi sonne comme un message politique fort vis-à-vis de toutes les formes d’autisme politique de la part des poches de dictatures qui s’accrochent encore au pouvoir en barrant la route à l’émancipation de leur peuple à travers l’alternance politique.
C’est également un cuisant échec de la diplomatie africaine qui n’a pas su éviter la situation malheureuse et confuse dans laquelle se trouve le Peuple libyen à travers une démarche proactive.
Au total, malgré les intrications géostratégiques et géopolitiques évidentes dans la crise libyenne, l’Agenda de la Paix et de la Prospérité Partagée (AP3), élaboré par le CVU, s’avère un outil pertinent afin de lancer véritablement l’Afrique sur la voie du développement et de la prospérité partagée, en évitant au mieux les graves préjudices causés par les récurrents conflits sociopolitiques au continent.
Nana FM : Que pensez-vous de l’attitude des principales puissances ?
Agbéyomé KODJO : Il est à remarquer que les principales puissances demeurent toujours égales à elles-mêmes en optant pour la Réal Politik bâtie sur les intérêts égoïstes et partisans qui ont toujours caractérisé les relations internationales.
Dans cette sphère, l’hypocrisie est à son summum ! Elle est caractérisée par la duplicité et la langue de bois diplomatique qui donnent beaucoup à réfléchir quant aux valeurs humaines censées être défendues par la résolution 1973 de l’ONU sur la Libye. Certains hier étaient ses alliés, ses meilleurs amis, et dès que les difficultés ont surgi, ils l’ont renié plus de trois fois, avant sa chute et son « assassinat » !
Pas étonnant que le CNT malgré ses bavures et ses violations des droits humains dans le cadre du conflit libyen, bénéficie du regard bienveillant des puissances toujours bien inspirées à miser sur le bon cheval ! Mais pour combien de temps le CNT bénéficiera t-il de ce régime de faveur? Les défis qui attendent les nouveaux maitres de la Libye sont énormes et on ne peut que souhaiter que la raison triomphe sur la haine, que la justice impartiale l’emporte sur celle des vainqueurs, et que le Peuple libyen, vrai détenteur de la souveraineté nationale retrouve le chemin de la liberté, de la dignité et de la prospérité partagée.
Il appartient aux Africains de tirer les enseignements de l’attitude des puissances occidentales ! La situation actuelle de l’Afrique est loin d’être une fatalité pour peu que nous nous adaptions aux bonnes grilles de lectures en évitant de verser dans le sentimentalisme et le misérabilisme afin de décrypter et contourner de façon idoine les stratégies prédatrices des principales puissances.
Nana FM : Comment appréciez-vous les différentes réactions à travers le monde après l’annonce de la mort de Kadhafi ?
Agbéyomé KODJO : Hypocrisie, satisfecit, indignation et révolte selon la lecture que l’on se fait de la guerre en Libye et des droits de l’homme.
Pour notre part, nous demandons qu’une enquête indépendante soit menée afin d’établir les circonstances exactes de la mort du Colonel Kadhafi, et que les éventuels manquements au droit de la guerre soient punis. Il ne doit plus avoir à notre sens aucune tolérance vis-à-vis de l’impunité, notamment en l’espèce de l’exécution extrajudiciaire dont semble avoir été victime le Colonel Kadhafi le 20 octobre dernier.
II/ Plan National
Nana FM : Comment appréciez vous les audiences de la CVJR ?
Agbéyomé KODJO : La justice transitionnelle est un instrument délicat dont il faut se servir avec beaucoup de hauteur. Il est regrettable qu’un tel instrument soit mis en place par Faure GNASSINGBE dont l’accession au pouvoir a été tout sauf irréprochable.
Dans un tel contexte, la CJVR se devait d’être un une institution au dessus des passions pour panser la plaie encore vive des tensions politiques ainsi que des déchirements ayant jalonné l’histoire tourmentée du Togo depuis les années d’indépendance jusqu’à la disparition du Général Eyadema en 2005.
Le négationnisme et l’exacerbation des frustrations collectives que nous observons ces derniers temps hypothèquent dangereusement la réconciliation et laissent planer le spectre du gâchis et de la perte inutile de temps sur les travaux de cette commission.
Il est d’une impérieuse nécessité de travailler à une réorientation vertueuse de la suite des audiences et activités de la CVJR pour que cela n’aggrave pas davantage la fracture politique et sociale dans le pays.
Nana FM : Les travaux du CPDC ?
Agbéyomé KODJO : Dans une situation sociale au bord de l’implosion telle que celle que vit le Togo en ce moment, le dialogue reste le seul outil à même de sortir le pays de la désespérance de façon pacifique. C’est pour cette raison que nous n’avons de cesse d’appeler toutes les forces démocratiques à l’union sur des bases contractuelles et consensuelles claires. L’union est le seul levier par lequel nous bougerons efficacement les lignes de l’immobilisme.
C’est fort de notre volonté de contribuer à la décrispation politique que nous avons accepté de prendre part aux travaux du CPDC malgré son imperfection.
Cela s’est traduit par la mise en place de l’avant projet de plateforme Alliance-Obuts, et une proposition de calendrier de discussion et de mise en œuvre des reformes par le Gouvernement et l’Assemblée Nationale. Nous travaillons fort à l’élargissement de la plateforme aux autres formations politiques, à la société civile et à la diaspora afin de sortir un accord consensuel censé sortir définitivement le Togo des cycles de dialogues infructueux.
Nana FM : Les suites de la décision de la CEDEAO
Agbéyomé KODJO : Nous pensons que le Togo n’a aucun intérêt à s’engager dans une épreuve de force contre les instances judiciaires sous-régionales. Les décisions de la Cour Constitutionnelle sont certes insusceptibles de recours. Cependant, il n’en demeure pas moins vrai que les juges de la CEDEAO ont estimé dans leur décision que les députés exclus n’ont pas eu droit à un procès équitable.
Le Togo doit donc s’aligner sur cette décision en rétablissant le statu quo ex ante ; en clair le retour des députés apparentés ANC à l’Assemblée Nationale.
Ce n’est pas la décision de la Cour Constitutionnelle qui est remise en cause mais bien l’Etat Togolais qui est condamné ; car il lui appartient de mettre en place une justice irréprochable en prenant toutes les mesures pouvant favoriser une justice indépendante et efficace.
C’est donc la bonne foi, la responsabilité politique de Faure GNASSINGBE et du Gouvernement RPT/AGO vis-à-vis des institutions sous-régionales, notamment la Cour de justice de la CEDEAO qui est en jeu.
Il est donc d’une impérieuse nécessité de décrisper la tension politique par une exécution en bonne et due forme de la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO afin de mieux crédibiliser le dialogue politique en cours, et la place du Togo au Conseil de Sécurité de l’ONU.
Nana FM : Togo élu membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies
Agbéyomé KODJO : Nous nous félicitons de l’élection du Togo comme membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Mais en même temps, nous nous gardons de tout triomphalisme comme le Gouvernement tente de le faire en y voyant un mérite par rapport à l’évolution de la situation politique au Togo.
Rappelons que même la Libye de Kadhafi mise au ban de la Communauté internationale fut membre non permanent de l’ONU pour le biennum 2009-2010.
Ainsi donc, l’élection du Togo à un siège non permanent au Conseil de Sécurité le 21 octobre dernier pour le biennum 2012-2013 est loin d’être un mérite particulier et encore moins une fin en soi. Il n’ya pas matière à un triomphalisme diplomatique vu les condamnations internationales qui pèsent sur le Togo.
En revanche, c’est tout une responsabilité politique accrue vis-à-vis des lois internationales qu’endosse le Togo dans l’optique de pouvoir se prévaloir du rôle de juge des autres nations au Conseil de Sécurité. Le Togo se met également une pression politique supplémentaire en ce sens que ce siège non permanent l’incite ipso facto à mettre de l’ordre dans sa politique intérieure peu reluisante.
C’est une opportunité pour l’opposition et les organisations de défense des droits humains de faire aboutir leurs légitimes revendications que semble défendre à travers le monde officiellement le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Nana FM : La reprise du Championnat National de Foot Ball
Agbéyomé KODJO : Nous nous réjouissons que le championnat ait pu reprendre avec le match d’ouverture entre Maranatha de Fiokpo et Unisport de Sokodé soldé par la victoire des messagers de Fiokpo sur un score d’un but à zéro. Il importe que cette reprise soit placée sous le signe d’une gestion plus saine, harmonieuse et rigoureuse de la FTF.
Il est temps que la FTF retrouve ses couleurs et sorte de la récurrence des crises qui a contraint le Togo à manquer le rendez-vous continental de la CAN 2012.
Mon échec à l’élection présidentielle lors du Congrès électif de la FTF en 2007 n’a pas entamé ma passion connu de tous pour le sport roi dans notre pays. Je reste convaincu que le football a pour vocation première de magnifier l’art du vivre ensemble sous toutes ses coutures. Chacune des victoires des Eperviers ont jeté les ponts entre les Togolais de tous horizons, démontrant la force du lien derrière le sport roi. C’est bien cela que nous devons privilégier pour faire de ce sport non seulement un outil d’émulation sportive, mais aussi un instrument de civisme, de cohésion sociale et de solidarité partagée.
OBUTS dont l’emblème est le ballon se veut à l’instar du football un vecteur d’union et de solidarité partagée entre toutes les filles et tous les fils du Togo tout entier.
Je vous remercie.