Il y a deux mois exactement, nous nous interrogions dans un article confidentiel sur les agents qui travaillent dans cette banque et manipulent à leur guise les comptes de clients. La responsable du service des engagements avait évoqué une expertise par un expert-comptable pour situer chaque partie. Mais à l’arrivée, il apparait que l’expertise commanditée et qui doit rapporter une quinzaine de millions au sieur AwoutéKomlan est tout sauf impartial et ne répond pas à la feuille de route ordonnée par le tribunal. Car, non seulement la banque a créé un compte parallèle au nom du client et sur lequel l’audit s’est focalisé, mais en plus, des avances remboursées par les autorités contractantes se retrouvent encore sur le fameux compte crédit non soldées ; toutes ces pratiquesirrégulières ont grevé la position du compte du client d’un montant de plus de 564 millions que réclame la banque alors que dans la réalité, c’est plutôt la banque qui doit un montant de 542 millions selon une source bien proche de la banque. L’UTB, une banque hébergeant des agents verreux à extirper du système bancaire ?
Il est parfois reconfortantquand au sein d’une institution bancaire, des employés outrés par des pratiques malsaines osent dénoncer des situations qui avilissent et ternissent l’image de la banque. Nous relations une affaire dans laquelle un client aurait vu son compte courant débiteur de près de 22 millions FCFA alors que l’UTB lui présenterait plutôt une situation débitrice de 564.768.753 FCFA en se fondant sur la situation d’un compte parallèle dit compte crédit.Contactée, dame JosephineAlitiloh, responsable du service des engagements nous avait dit dans le temps que le dossier est devant les juridictions et un expert est désigné à l’effet de vérifier les comptes et départager les parties. Mais quand l’expert en la personne de AwoutéKomlan, dont les honoraires se chiffreraient autour de 14 millions a produit ledit rapport, que d’incongruités y a-t-on découvert ! Rappelons que c’est l’UTB qui a porté l’affaire devant le tribunal du commerce de Lomé.
On découvre par exemple que pour une avance de 32 millions octroyée le 6 septembre 2017, une avance qui a été remboursé par l’UTB elle-même selon ses documents communiqués, l’UTB ramène le même montant comme avance octroyée le 8 octobre 2018 pour le même objectif et avec les mêmes bons de commandeque le client n’a pas touchés. Doublon ça s’appelle.
Une autre avance de 20 millions débloquée sur le compte du client à son insu a été utilisé par l’UTB elle-même, mais est comptabilisée par l’expert-comptable comme une avance qui est restée impayée.
Une autre avance de 82 millions débloquée le 8 juin 2017 a été partiellement remboursée avec 20 millions et 18 millions dans les documents fournis par la banque.Alors qu’il ne resterait que 42 millions à solder sur cette avance, la banque se permet deux déblocages successifs de 72.200.978 FCFA et 91.020.000 FCFA aux dates du 6 septembre 2018 et 31 juillet 2018 comme report et les comptabilise dans les impayés. On a appris que ce serait une erreur de la part de la directrice des engagements, selon le gestionnaire.
Et que dire de l’avance de 200 millions FCFA débloquée le 21 juillet 2017 et ayant été successivement remboursée les 29 août 2017, 13 décembre 2017, 20 février 2018 et 4 juillet 2019, mais qui se retrouve en doublons sur le compte crédit comme une avance impayée.
Et comme si ça ne suffisait pas, la banque rapporte ses écrits confirmés par l’expert et selon lesquels « L’Union togolaise de banque a financé au total 19 marchés en 11 avances », et dit que désormais ce sont non plus 11 avances concédées, mais 13. Autant d’incongruités que nous avons voulu éclairer avec M. AwoutéKomlan, Expert comptable le 7 janvier 2021.
Un rendez-vous avec l’expert d’abord accepté avant d’être refusé
Nous avons sollicité un rendez-vous pour échanger sur le dossier de l’UTB pour comprendre certaines situations, avions-nous demandé. « Ça ce n’est pas un problème du tout, c’est clair, je vais demander certaines autorisations et vous revenir. Mais si vous êtes en mesure de travailler à midi, on peut mettre ça sur lundi midi après que j’aurai demandé autorisation à quelqu’un d’abord. Mais si jusqu’à lundi 9h je ne vous rappelle pas, rappelez-moi. Ce n’est pas que je vous esquive, mais je ne suis pas disponible, c’est la raison », nous a-t-il répondu.
Mais déjà le lendemain 8 janvier à 15h38, l’expert comptable nous rappela. « Vous m’avez appelé hier sur mon moov ; je vous appelle par rapport à notre discussion d’hier. Donc après recherches auprès de mes confrères comptables et experts comptables agréés de l’ONECA du Togo, j’ai eu des conseils très bien nourris tels que le tribunal du Togo m’a confié une expertise judiciaire. J’ai fini le travail et j’ai déposé mon rapport ; je n’ai pas le droit de communiquer quoi que ce soit, même aux deux parties, que ce soit UTB elle-même ou bien l’autre partie, même si c’est eux qui m’appellent, je n’ai pas le droit de leur communiquer quoi que ce soit. Et encore moins unetierse personne. Donc ce que j’ai appris par ça, les expériences se multiplient, c’est que lorsque vous avez besoin d’un élément de ce rapport-là, vous vous adressez au tribunal de commerce de Lomé, et même quand eux-mêmes ou une partie auront besoin de moi pour comprendre quelque chose, ils doivent m’appeler à la reprise des auditions. Merci ». Mais les choses se seraient autrement passées entre temps.
L’expert-comptable tempête…
Jeudi 28 janvier 2021, nous avons appris que les deux parties étaient au tribunal et y sommes allé. M. Awouté également. Et nous étions là en retrait, attendant qu’il soit reçu pour s’expliquer. Mais à un moment donné, nous l’avons vu décrocher son téléphone. Et jusqu’à la fin des auditions, l’expert comptable n’a pas été reçu par le juge. Certainement qu’il avait été prévenu par ce coup de téléphone. Et pour nous en assurer et comprendre la raison, nous l’avons appelé samedi 30 janvier 2021 dans l’après-midi.Nous avons alors goûté à sa colère.
« Nous venons d’apprendre qu’au sein de la banque, on est en train de remettre en cause le rapport que vous avez produit hein », avons nous lancé, décidé à tirer de l’expert comptable quelque chose. Cette question a mis le feu aux poudres. « Je n’ai pas de rapport pour vous, excusez-moi. Ne me dites plus ça, vous me comprenez ? Trop c’est trop ; vous êtes qui pour moi ? Ne me dites plus jamais ça. Tu es quoi pour me le dire ? Tu crois que je suis quelqu’un pour aller travailler dans l’air comme ça ? Vous avez demandé d’après moi ? Que je peux aller travailler comme ça sans commission ?», nousa-t-il rabroué avant de nous raccrocher au nez. Mais nous n’étions pas au bout du suspense. Peu de temps après, M. Awouté nous rappelle. « Vous exagérez hein, avez vous demandé d’après moi pour dire que je travaille de manière partiale ? Vous voulez agir sur mon intinct ça ; la banque est en train de remettre en cause mon rapport, vous avez appris ça où ? Vous êtes le juge qui a commandé la mission ? Vous êtes le juge ? Mais quelle est cette manière de faire un journal ? La banque a dit quoi ? Qu’est-ce que vous avez appris de la banque ? Moi je suis un assermenté, je ne peux pas travailler et aller supporter une partie ; vous croyez en disant que la banque est en train de remettre en cause mon rapport, je vais vous dire certaines chose, non ; vous ne pouvez pas m’avoir comme ça ; moi je travaille dans la comptabilité ça fait plus de trente ans. Les deux parties peuvent aller commander un contre-auditmille fois, on trouvera la même chose. Le jour que je serai au tribunal, si vous pourriez être là, ça m’intéresserait beaucoup. Il faut connaître le fonctionnement d’une banque », s’est-il emporté au point de verser dans le vernaculaire en des termes approximatifs : « Est-ce à vous que j’ai fait le travail et je ne peux pas avoir la paix ? Le journalisme est un boulot important, mais ce n’est pas quand le tribunal me demande un travail que vous allez faire l’intermédiaire à partir de moi ». Nous n’avons pas fini les échanges que, pour la seconde fois, M. Awouté nous raccroche au nez.
Mais reste muet sur son métier d’usurier
Décidé à obtenir ce que nous recherchions, parce que nous doutions qu’il soit appelé un jour pour justifier ce qu’il a mis dans son rapport, nous l’avons rappelé. La première fois, il a coupé. La seconde fois, il a laissé sonner dans le vide. Alors nous lui avons envoyé un message. « J’étais au tribunal jeudi dernier et vous ai vu. Vous étiez convoqué par le juge, mais n’aviez pas été reçu pour être écouté. Quelle était la raison de cette annulation M. Awoute? ». Sa réponse fut sans commentaire : « LAISSEZ MOI SE REPOSER UN SAMEDI APRÈS MIDI ».
Or nous avions une autre question à lui adresser. Nous avons alors attendu lundi 1er février avant de revenir à la charge. «Bonjour M.Awoute. Je vous ai appelé par deux fois l’autre jour en vain. C’est pour vous demander si en plus d’être expert comptable, vous êtes aussi usurier. Nous aimerions avoir votre position sur l’interrogation. Bonne journée à vous ». Samedi 6 février, nous nous sommes assuré qu’il ne voulait plus répondre. « Bjr M. Déjà une semaine que nous attendons votre réaction à notre interrogation. Mais nous pourrions conclure que qui ne dit mot consent. On ne nous reprochera pas de n’être pas venu vers vous. Bon week-end ».
Le client s’en remet à la vista du tribunal
Nous avons réussi à joindre le client victime des entourloupes d’agents de l’UTB. Il a souhaité attendre et s’en remettre à la justice togolaise en général et au tribunal du commerce en particulier. Pressé de dire ce qu’il pense des tribulations qui l’ont certainement troublé dans ses activités, il s’est contenté de dire : « laissez les rats et les souris, ils mourronteux-mêmes de ce qu’ils mangent ». L’UTB pourrait-elle se sortir d’affaire dans ce dossier judiciaire ? Le tribunal du commerce ira-t-il au bout de sa perspicacité et découvrir le faux ? Réponse dans les prochains jours.
Godson K. / Liberté N°3323 du 09-02-21