Encore une fois, le pouvoir togolais passe à côté de l’essentiel, en décidant de porter le nombre de députés de 91 à 117 pour les élections législatives prévues en mars prochain. Il esquive ainsi le problème posé par l’opposition – celle qui va aux prochaines élections – qui réclame en l’occurrence, et à juste titre d’ailleurs, la révision du découpage électoral.
Actuellement, le ratio entre population et nombre de députés par zone connait un déséquilibre considérable. Dans la région Maritime par exemple, on compte 1 député pour plus de 140.000 habitants, alors que dans la région de la Kara, on dénombre 1 député pour trois fois moins d’habitants. Les Togolais devront encore attendre pour avoir un découpage électoral équitable.
Certains se réjouissent de cette décision gouvernementale. Bien sûr, en ajoutant 26 sièges dans l’hémicycle, ceux de l’opposition qui participent à ces élections peuvent espérer se voir attribuer 5 à 10 places. C’est donc la course aux sièges pour atteindre le quota qui permet d’accéder au financement public des partis.
On voit dans cette manœuvre une habilité du régime qui consiste à donner un os à ronger pour mieux éclipser les vrais enjeux. Cela donne également l’occasion au pouvoir de créer une zizanie au sein de cette opposition-là où les partis se tiraillent pour la distribution des places. Finalement, au lieu d’affronter l’adversaire commun qu’est le pouvoir, on se déchire entre membres de l’opposition.
Dans le pays voisin, au Bénin, avec environ 13 millions d’habitants, donc 5 millions de plus que le Togo, on dénombre juste 109 députés.
Depuis deux ans qu’il est opérationnel, le Cadre Permanent de Concertation (CPC) qui a planché sur le découpage électoral n’a jamais réglé un problème de fond. A quoi sert-il donc ? Tout comme la trentaine de dialogues initiée par le pouvoir depuis 1990 et qui n’a jamais apporté de solution aux problèmes politiques des Togolais.
En plus de ne pas apporter de solution à la problématique du découpage électoral, cette décision de passer à 117 députés crée un autre problème. Elle augmente significativement les dépenses de l’Assemblée nationale, les finances publiques devant prendre en charges le traitement de 26 députés supplémentaires. En considérant tout cela, quel est donc l’intérêt pour les Togolais ? En sachant que depuis trente ans, l’opposition parlementaire n’a jamais pu avoir l’opportunité de faire passer une seule proposition de loi.
La stratégie du régime est de donner toujours cette illusion de discussion débouchant sur des décisions supposées consensuelles. Tout change pour que rien ne change, car tout porte à croire que les prochaines élections se dérouleront dans les mêmes conditions, non transparentes et, produiront des résultats taillés sur mesure.
Le pouvoir togolais s’inscrit dans une perpétuelle fuite en avant, chaque manœuvre consistant à éluder les problèmes, pourvu que le dilatoire calme les ardeurs du moment. En plus du découpage électoral, il y a aussi de nombreux autres sujets critiques, tels que la fiabilité du fichier électoral, avec des inscriptions sur témoignage dans une très grande proportion, le refus de publier les résultats par bureau de vote, l’assujettissement à l’Exécutif des institutions comme la Cour constitutionnelle, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et aussi l’intimidation des électeurs par les dépositaires de l’autorité publique. Tout cela est bien connu, selon une méthode bien rodée d’immobilisme dans l’agitation. Ce jeu du pouvoir ne peut continuer ainsi au détriment de la population. Il faut arrêter d’imposer au peuple des convulsions inutiles.
Finalement, il importe que tous ces dysfonctionnements soient combattus par une action citoyenne vigoureuse, bien en amont de la période électorale, afin de créer des conditions de transparence qui redonnent au peuple son droit de choisir librement ses dirigeants.
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Nathaniel Olympio