Quid de l’élite dirigeante de la région centrale du Togo, principalement les Tem et Tchamba. Loin de vouloir prétendre être les témoins d’une histoire que nous n’avons pas vécu, nous pouvons dire, sous contrôle des témoins encore vivants, que la ville de Sokodé fut, après Lomé, la deuxième capitale du Togo pendant longtemps et ceci bien avant les Indépendances. Pour faire leurs premiers pas à l’école du colon blanc, Sokodé était après Lomé un centre de ralliement pour beaucoup de cadres togolais. Une bonne partie du fleuron qui a, par ses actes, son inaction, sa lâcheté ou construit ou encore démolit notre pays, y est passée. Déjà après la classe de CEI, il fallait rejoindre Sokodé pour mettre pieds au CE2 afin de préparer l’entrée au CM2 pour le collège qui suffisait à l’époque pour être un cadre de l’administration publique. Entre leurs études primaire, secondaire ou le lycée, ils sont nombreux à passer par Sokodé afin de poursuivre l’alphabétisation dans ce qui s’appelait Ecole Régionale: Feu Edem Kodjo et Agboyibo, Natchaba, Barqué, Dama Dramani, Kanekatoua, Payadowa Boukpessi, Consul Sossou… et que sais-je encore?
Bassar, Kara, Bafilo, Mango, Dapaong, toutes ces villes avaient pour nombril Sokodé et les infrastructures académiques et professionnelles y vont avec. L’ambiance était celle des grandes familles, un mélange homogène où tout le monde était pour tout le monde et chacun était chez lui quel que soit sa région d’origine, le train de vie y est taillé pour supporter les maigres ressources de chacun. Les joies et les peines étaient partagées. En 1961-1962, quand le BAC II se corrigeait à Bordeaux en France, les Barqué Barry Moussa étaient la première génération à composer pour le BAC II. Des témoins oculaires nous ont révélé qu’à l’époque, quand la correction finie, les résultats des admis ordinaires venaient avant celui des admis avec mention, mais très peu connaissait ce détail. Ainsi, quand le brillant élève Barqué du Lycée de Sokodé a passé son BAC et que les premiers résultats sont venus sans son nom, coup de théâtre, c’était la consternation générale au Lycée et dans la ville de Sokodé. Et quand après, son résultat est arrivé, c’était aussi la fête.
Les infrastructures : Le Lycée technique de Sokodé, le lycée moderne de Sokodé, ce dernier était l’un des plus grands et des plus anciens lycées du pays après le Lycée Bonnecarrère de Lomé. On a la polyclinique, les TP et autres.
Certaines infrastructures sont purement transférées vers d’autres régions du pays, juste par méchanceté. Ainsi, à petit vent, la ville s’est déconstruite pour donner son image actuelle, un ramassis de délabrements. L’espoir était mince pour la jeunesse et une bonne fourchette s’est tournée vers l’occident. Pour construire la ville et permettre aux familles de tenir ce qui ressemble à une dèche, la diaspora joue un grand rôle et la ville n’a arrêté de s’agrandir même si les infrastructures administratives n’ont pas suivi et les quelques rares restaient à désirer.
La démolition du chef-lieu de la région centrale semble avoir été une politique entretenue depuis les sommités. Les infrastructures n’ont pas résisté au noyautage politico-économique, mais les hommes tenaient encore debout. Cette population, c’est celle qui a inventé de toutes pièces et chantait à chœur joie la gloire du Timonier. Mieux, si le RPT est né à Kpalimé, les premières idées de la mise ne place de ce parti-Etat ont poussé à Sokodé, les inconditionnels d’Eyadema tels que feu Kifalang Baka en savent quelque chose. Parmi les meilleures chansons de l’animation publique sous la dictature, on écoutait en bonne place des mélodies tem. La misère, l’étouffement, le musellement économique, l’isolement des autres régions, tout est bon pour venir à bout de la région centrale. Une bonne partie des habitants a embrassé l’aventure sauf qu’au pays tout comme ailleurs, ce peuple a refusé de rester coucher. Un observateur avisé nous faisait savoir qu’il a parcouru les pays voisins, Ghana, Bénin et Nigéria depuis 2017. Mais malgré la méchanceté et la purge qui a obligé les citoyens à élire domicile loin des familles, les obligeant à trouver refuge dans ces pays, étant donné que c’est un peuple transfrontalier, on ne trouve nulle part un camp de refugié pour eux, ils sont logés essentiellement en famille avec leurs frères qui y sont installés depuis des lustres.
Le musellement politique de cette zone n’a rien donné à la dictature, sauf que le capital moral est en crise en territoire tem. Ces personnalités morales fortes capables de dire non et de regarder le bourreau en face sont quasiment inexistantes. Il ne reste plus que la bande que nous désignons dans nos écrits par les esclaves de la monarchie. Avec elle, les mauvaises mœurs politiques ont pignon sur rue, eux-mêmes et leurs populations sont pris dans un engrenage qui les broient l’un après l’autre. La population n’a rien à perdre parce qu’elle n’a rien gagné. Mais peu importe le zèle dont ils sont capables, après que leur populations soient poussées à l’exil, c’est autour des cadres, comme ils se font designer, de tomber l’un après l’autre. Quand le bas peuple dit à leurs élites de faire attention à un suivisme aveugle du régime, ils répondent que le régime n’a rien contre leur peuple, ce sont les Tem qui exagèrent.
Peut-on accuser tout ce fleuron qui est passé par Sokodé pour se former d’ingratitude en vers cette ville si les filles et fils de la localité ne font pas mieux pour ne pas dire qu’ils font pire ?
C’est à Sokodé et Tchamba que nous avions été témoin des cadres se taper la poitrine de façon arrogante, condescendante en parlant à leur peuple pour les forcer à regarder dans la même direction que la dictature : « hier c’était nous, aujourd’hui c’est nous et demain ce sera nous », « Allez doucement, nous nous avons le pouvoir, nous le gérons, nous le gardons, vous devez nous suivre, pour le moment c’est nous, le jour où vous viendrez, vous ferez ce qui vous plait », « j’ai eu mon argent par ce régime, je vais y investir pour le conserver, même si cet argent doit finir », ce peuple « Tem est djihadiste, ils ont égorgé un militaire en criant Allah-Akbar », « que vous votez pour nous ou pas, nous avons la victoire ». C’est aberrant de recenser toutes les redondances marmonnées par une élite qui n’existe que pour son instinct de conservation, ceux qui ont prononcé ces propos s’y reconnaîtront.
Se taire sans mot dire quand son peuple est écrasé ou se servir de celui-ci comme un bouclier pour contrecarrer les balles de la dictature, c’est triste. Mais cela ne les empêche pas de tomber un à un. En 2017, le colonel Ouro-Bang’na est gommé de la galaxie des régies financières à la direction du service des armées. Ses défendeurs y ont trouvé une sortie toute naturelle puisqu’après un long séjour, il y est admis à la retraite. Oui, sauf qu’au Togo, l’admission à la retraite n’a jamais été un motif suffisant pour démettre quelqu’un d’un poste de responsabilité, les exemples sont ronflants. Quelques moments avant son départ de son poste, il y a eu mort parmi les officiers sensés le remplacer. Dans l’environnement RPT-UNIR, on peut tirer à visage à peine voilé sur des prétendants qui peuvent menacer la survie à un poste juteux. Du vivant d’Eyadema, l’épisode Sogoyou contre Bakali dans la succession à la douane était un exemple. Il n’en faut donc pas plus pour que ceux qui boudaient la longévité de Ouro-Bang’na à la DS trouvent en la mort pourtant naturelle de ces officiers la main cachée de l’officier d’administration qu’on accuse de ne pas vouloir céder sa place. Dans la foulée, lors d’un voyage officiel en Afrique du Sud, trois (3) haut gradés dont le colonel Ouro-Bang’na, ont fait face aux braqueurs. Celui que l’opinion surnomme ‘’MONVOU YAYA’’ à Tchaoudjo était quasiment le seul atteint et il a failli y laisser sa peau. Pendant qu’il était entre la vie et la mort, des journaux ont relayé des contrevérités qui ont failli l’achever sur son lit de malade à Johannesburg. Et pourtant à Tchaoudjo, on le comptera parmi ceux qui sont prêts à tout pour que vive la dictature. Piste criminelle fortuite ou mission téléguidée depuis le Togo pour se défaire d’un indésirable, le mystère attendra longtemps. L’officier est désormais entre le repos et ses affaires.
Un autre Ouro a fait parler de lui, lui c’est Agadazi Ouro-Koura. Dans sa philosophie, pour briller, il faut éteindre sa propre famille. Pour combattre son peuple et se faire une place au soleil couchant de la dictature, il est allé à visage découvert avec tous les discours stigmatisant sur fond d’un relais médiatique. Cela ne l’a pas empêché de tomber de sa gloire du sommet du ministère de l’agriculture. Et pourtant il croyait que le zèle communautaire et la complicité des maîtresses de la République qu’il entretenait suffisaient pour lui garantir un bail à vie. Il s’est recroquevillé à son vieil amour dans la gestion du maïs et autres engrais à l’ANSAT. Depuis, il s’est calmé entre désillusion et remords.
Moushoud AMADOU, il était DG du trésor, malgré son activisme dans sa zone Tchaoudjo-Est, il y est remplacé de la façon la plus classique. On ne meurt pas à un poste dira-t-on.
Atcha Dédji Affoh, Togocel a longtemps été une caverne d’Ali Baba qui faisait de lui le gestionnaire d’une régie de taille. Il a quitté sa direction sur la pointe des pieds et nous n’avons pas envie de revenir sur les conditions de son départ.
Passé d’actualité, Adoyi Essowavana, le commissaire des impôts. L’ex N° 2 de l’OTR est remercié de la façon la plus humiliante qui soit. Faute de limogeage motivé au Togo, l’opinion se fait ses raisons. Pour les uns, affaire de femme, pour les autres, indélicatesse liée à son rang social dans un environnement qui se cherche contre une pandémie. Un milieu ancestral tem, les fétiches mangent essentiellement le bouc. D’où l’adage selon lequel « quand un bouc se transporte de lui-même au fétiche, le féticheur ne le renvoi pas, on l’immole ». Eu égard à certaines réalités ailleurs, cette affaire de fête en pleine covid-19 est discutable mais l’argument est tout trouvé. Même si dans certains milieux, pour des événements similaires et les funérailles, on bloque plusieurs hôtels pour faire la fête pendant des jours, responsable d’une régie financière, l’opulence dans laquelle le mariage fatale s’est déroulé est très peut éthique quand c’est un Adoyi. Au Togo, d’une région à l’autre, on ne dépense pas son argent avec le même débit. Il n’en faut pas plus pour que du haut de sa gloire, l’homme tombe sur ses genoux. Encore faut-il que la traversée du désert soit terminée car l’ancienne femme du commissaire ne démord pas de colère. Dans une république qui confirme un mélange de genre au sommet, cette dame est de ces créatures auxquelles on ne refuse rien. Toutefois, après cette chute, de sources introduites, Adoyi Essowavana s’est affiché au moins une fois aux côtés du prince en train de recevoir des audiences. Espérons que cela suffit pour décolérer son ex-épouse et désarmer la bande qui s’apprêtait à l’achever.
Chaque région a ses cadres qui défendent la dictature mais les cadres d’aucune région du Togo ne sont capables de ce que font ceux de la région centrale contre leur peuple pour que vivent la monarchie, au même moment, les cadres d’aucune région n’ont connu autant d’humiliations en un temps record. Infrastructures démolies, populations démolies et enfin cadres démolis. Présentement, la zone est sous couvre-feu, une véritable effusion économique, une alerte rouge soi-disant que la covid-19 y a élu domicile. Vouloir dire que la pandémie ne touche pas Sokodé est un déni, mais se comporter comme si c’est le siège régional de la maladie est un crime de trop contre une ville déjà repliée dans son dernier retranchement par la haine politique de la monarchie. Il est vrai, les populations ont le devoir de respecter les mesures barrières, si elles s’y opposent, l’autorité doit jouer son rôle. Si une population veut faire croire que la maladie n’existe pas, elle devient un danger public. Il faut que les autorités agissent pour faire respecter le minimum, mais cela ne justifie pas l’actuel bouclage sauvage où les militaires se remplissent les poches et versent leur dévolue sur les populations.
Dans un écrit précédent, nous avions été sans équivoque. Mais ces derniers temps, de ce qui se passe au sommet avec l’état d’urgence sanitaire qui dédouane les échecs politiques, faute d’une riposte efficace alors que les fonds Covid-19 ont permis à un vieux et méchant baron à la présidence de se remplir les comptes, tout est mise en scène. L’acharnement militaire et l’arnaque politique à Sokodé, certaines manières laissent à désirer et le cas de Tchaoudjo ressemble finalement à un arnaque politique pour achever la purge sur une population jugée contestataire et les rares opérateurs économiques principalement les transporteurs et commerçants étant donné que ces deux activités sont pour la zone la seule industrie qui tourne. C’est la politique de la démolition de Tchaoudjo qui se poursuit, peu importe, même si la cellule de gestion Covid-19 doit manipuler les résultats des statistiques-pandémies afin de donner aux dirigeants un subterfuge, l’essentiel est que ça marche.
Quand au bout du rouleau, on se rend compte que des cadres de Tchaoudjo sont parmi les initiateurs de cette hideuse politique de bouclage de la ville, ça fait froid au dos. Effectivement, on n’est mieux trahi que par ses propres frères. Existe-t-il actuellement au Togo une zone qui n’est pas sous la Covid-19 ? Quand le premier citoyen mourait de la Covid-19 à Kara, il n’avait pas encore eu de mort de Covid-19 à Sokodé. Le paradoxe est qu’ont dit de Sokodé être une zone rouge, mais cela n’a pas empêché que le seul centre de dépistage installé au nord soit placé à Kara. Ni plus ni moins, le bouclage de Tchaoudjo participe à une volonté politique de nuire à une zone qui dérange. Pour mieux comprendre cette volonté politique qui écrase, cherchez à comprendre le pourquoi jusqu’à présent, alors que même le lieu saint en Arabie Saoudite est ouvert ce 04 octobre pour le traditionnel petit hadj (la Oumoura), et que partout dans le monde les mosquées sont déjà rouvertes, au Togo, alors que les boîtes de nuit fonctionnent à fond, que les marchés s’animent sans réserve, les bars toujours ouverts, les guichets de la loterie nationale d’insondables rassemblements humains, les mosquées (les lieux de cultes) restent fermées pour cause de la Covid-19 juste parce que les musulmans y prient contre le régime. Au Togo de Faure Gnassingbé, la Covid-19 s’est converti à l’islam, il appartient aussi aux ethnies tem-Tchamba. Cette politique de la fermeture des lieux de cultes au Togo est essentiellement ciblée contre les musulmans, les lieux de cultes chrétiens y paient le prix en victimes collatérales, aucun cadre musulman ne peut lever son petit doigt.
On dirait qu’en politique sous les dictatures, comme un service de renseignement, les monarques mangent leurs serviteurs les plus serviles après de bons et loyaux services. Après avoir vu démolir ou contribuer à démolir leur peuple, les voici qui tombent l’un après l’autre comme des mangues vertes éprouvées par un petit tourbillon. La vérité, si on n’a pas pu la dire le matin on ne peut la dire le soir. En dictature, quand on n’arrive pas à être sincère avec ses convictions, l’on va tout simplement être victime des crocs d’un chien mal dressé qui se tourne toujours contre son maître. Oui, les mauvaises habitudes, quand on les nourrit, elles reviennent toujours à la maison.
Abi-Alfa
Source : Le rendez-vous N° 352 du mercredi 07 Octobre 2020