Je vous écris en tant que retraitée de l’Enseignement Supérieur. J’ai attendu cinq années avant de le faire parce que durant toute ma carrière (trente-six ans à l’Université de Lomé), un des principes auxquels je me suis astreinte est celui-ci : que personne ne te transforme en mendiante en t’obligeant à réclamer ce qui t’est dû au titre de ton travail.
Mais voilà, ce principe semble encourager ceux qui n’aiment pas voir les travailleurs entrer dans leurs droits, à persévérer dans la mauvaise direction qu’ils ont prise. Alors je me résous à rendre mon principe caduc et donc à prendre la parole en tant que retraitée, essentiellement parce que c’est une question de dignité.
Je fais partie de cette génération de retraités de l’Université de Lomé qui a vécu le «Poussetoi de là que je m’y mette. » S’il est normal qu’on doive pousser dehors les aînés, pour autant, cela doit-il se faire sans un signe de reconnaissance pour le travail accompli en tant qu’enseignant, en tant que chercheur, en tant que responsable administratif ? Il n’y a pas eu un simple merci des autorités universitaires. Et il faut que cela se sache, les hommages rendus à tel ou tel enseignant à son départ de l’université, viennent d’initiatives individuelles et non des autorités universitaires !
C’est dans ces conditions que nous nous sommes retirés de la vie des campus universitaires du Togo. C’est alors, qu’un calcul étrange de nos pensions de retraite a fait chuter nos revenus à environ 40% de ce qu’ils étaient à la fin de notre carrière. Pourquoi ? Aucune explication claire à ce sujet. Or nous avons cotisé pour cette retraite pendant toute notre vie active, nous avons même eu à compléter ces cotisations à un moment donné.
Dans le même temps après avoir souscrit et donc payé durant des années pour l’assurance maladie à l’UAT, au moment de la retraite, nous avons été éjectés de cette compagnie pour nous retrouver à l’INAM.
Ainsi, arrivés à la retraite, nous sommes plongés dans une situation telle qu’elle oblige certains d’entre nous à mendier des cours ici ou là.
Alors, aux responsables de l’Enseignement Supérieur nous disons :
RENDEZ-NOUS LA DIGNITE QUI EST DUE A TOUTE PERSONNE QUI A RENDU DES SERVICES A LA COMMUNAUTE PAR SON TRAVAIL !
Et nous, nous avons travaillé à l’Université. On le sait pour accéder à ce degré d’enseignement, on doit faire de longues études, et la thèse avec laquelle on commence à faire carrière fait partie des premiers travaux de recherche. Pour sa promotion, mais aussi parce que c’est son rôle de produire le savoir, l’universitaire doit poursuivre la recherche durant plusieurs décennies. Cela fait que le retraité est une ressource humaine pour tout pays, même les plus développés. Mais voilà, au Togo, avec ses universités aux taux d’encadrement misérables, on ne veut pas valoriser les retraités les plus productifs :
au lieu du statut de professeur émérite, internationalement reconnu, statut, qui pouvait permettre de donner des prestations à l’université sur la base de l’expertise acquise au cours de la carrière, on a préféré le label togolais, plus ou moins politique de « doyen honoraire » ;
un certain nombre d’enseignants ont été éjectés des laboratoires qu’ils ont créés et ne peuvent donc plus transmettre leurs compétences aux jeunes chercheurs.
Si une expertise nous est reconnue c’est au plan international auprès de collègues, exétudiants s’étonnant du sort réservé aux anciens enseignants des Universités du Togo.
Alors, aux responsables de l’Enseignement Supérieur nous disons :
RENDEZ NOUS LA DIGNITE QUI EST RECONNUE PARTOUT AUX ENSEIGNANTS-CHERCHEURS !
Nous en étions là, lorsque l’affaire CAMES a éclaté. L’affaire en elle-même n’était guère honorable pour les enseignants d’université mais l’impunité qui s’en est suivie est encore pire ! Cela rend notre pays complice de ce qui a été commis !
Quelle fierté pouvons-nous encore tirer de nos grades décernés grâce au travail d’une agence de certification dont nous rejetons ensuite le jugement dans une affaire disciplinaire ?
Si au moins les personnes mises en cause ne se faisaient pas pompeusement appeler « Professeur » ! Pourquoi ne rejettent-elles pas le grade en même temps que la sanction ?
En plus des rumeurs semblables circulent à propos de l’actuel ministre de l’enseignement supérieur, allons-nous boire la coupe de la honte jusqu’à la lie ?
Nous n’avons rien à voir avec ces personnes, mais comment le prouver ? Oui nous savions qu’on pouvait utiliser son influence pour faire échouer quelqu’un au CAMES mais utiliser la corruption, le faux, le plagiat pour obtenir un grade universitaire et continuer à se glorifier de faire partie de l’institution universitaire a jeté le discrédit sur tous les enseignants du supérieur.
Alors, aux responsables de l’Enseignement Supérieur nous disons :
RENDEZ-NOUS LA DIGNITE DONNEE A CEUX QUI ONT LOYALEMENT OBTENU DES DISTINCTIONS AU COURS DE LEUR CARRIERE !
Depuis des années, il y a eu au Gouvernement des ministres issus de l’Enseignement Supérieur. Pourtant qu’est-ce qui a été fait pour les enseignants du supérieur si ce n’est au prix d’une âpre lutte syndicale ?
Actuellement les enseignants du supérieur luttent pour que des avantages acquis depuis presque dix années soient honorés. Et à cette occasion, on essaie de diviser les travailleurs en prétendant que les enseignants du supérieur seraient trop payés. Depuis quand des acquis sont-ils remis en question par ceux qui en ont justement profité eux aussi ?
La division des travailleurs ne saurait marcher dans un pays où la situation des salariés n’est guère enviable alors que des individus détournent des milliards.
Mais pour en revenir à l’Enseignement Supérieur, nous sommes fiers de ce que font en ce moment les enseignants, à leurs risques et périls. Nous apportons notre soutien à cette action pour deux raisons. La première, la moins importante est celle-ci :
En 2011, un bon nombre d’entre nous, les retraités, étions encore en fonction. Par conséquent, les arriérés nous sont dus à nous aussi. Où est passé ce qui a été versé pour nous ? Et le reste n’y avons-nous pas droit ?
Cependant la principale raison de notre fierté est que les enseignants en lutte aujourd’hui sont en train de nous redonner notre identité de citoyens qui n’acceptent pas la remise en question des droits des travailleurs.
Au nom de l’historique lutte syndicale des travailleurs togolais, principalement celle des années 1990 pour l’Enseignement Supérieur du Togo, les enseignants en lutte aujourd’hui nous permettent de relever la tête en tant qu’universitaires et de faire entendre notre voix au cœur du lourd silence des intellectuels dans ce pays où les voyous deviennent rois.
Les enseignants en lutte pour leurs acquis sont dans leur droit et personne ne saurait les opposer aux autres travailleurs actifs ou retraités.
Alors, aux responsables de l’Enseignement Supérieur nous disons :
PRENEZ EXEMPLE SUR LES ENSEIGNANTS EN LUTTE AUJOURD’HUI, RENDEZ-NOUS LA DIGNITE DE CITOYENS QUI CROIENT AU DROIT A LA LUTTE SYNDICALE !
Par Maryse QUASHIE