« Le gouvernement du tyran est donc le plus injuste qui soit » (Saint Thomas d’Aquin in « De regno »)
« Quand les impies règnent, c’est une ruine pour les hommes », enseignent les Saintes Ecritures. Dans cet ordre d’idée, Saint Thomas d’Aquin, « Docteur angélique » comme on l’appelle, estime que le pouvoir ou le fait de gouverner doit être nécessairement au service du bien commun. De ce fait, il affirme que la tyrannie ou le pouvoir qui opprime est à combattre. Le Togo est le prototype de cette tyrannie que décrit Saint Thomas d’Aquin. Une monarchie tenue par une oligarchie, la minorité pilleuse, qui depuis plus de cinq décennies, non seulement fait main basse sur les ressources et richesses du pays, mais aussi brime, opprime, martyrise les populations.
Tous les rapports et études des organismes internationaux l’ont toujours démontré de manière rationnelle, les Togolais font partie des peuples les plus malheureux de la planète. Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de la jeunesse, avait l’habitude de dire père Gnassingbé. Le fils, lui, s’est attelé à sacrifier l’avenir de cette jeunesse. Oui, la jeunesse togolaise qui constitue la relève, l’avenir du pays, est tellement engloutie dans la crevasse toujours béante du chômage qu’elle n’a d’autre choix que de fuir le Togo pour un mieux-vivre et un mieux-être ailleurs. « Les Togolais ne vont pas bien. Du tout. Beaucoup de jeunes disent avoir l’impression que ce pays refuse de créer les conditions pour leur bonheur. Et c’est désolant. Dieu nous aide», s’alarmait il y a quelques jours un acteur de la société civile.
Malheureusement, c’est au service de ce régime autocratique et héréditaire, hostile au progrès, au changement, aux valeurs de démocratie, de justice, de liberté, de vérité que se mettent certains leaders religieux. Au lieu de demander au Seigneur de toucher le cœur des gouvernants, d’imposer sa bonté dans leur cœur, d’inspirer le chef de l’Etat avec ses principes les plus élevés pour qu’il ne tombe pas dans les mains des médiocres, certaines autorités religieuses organisent à grandes pompes une journée nationale dite de reconnaissance à Dieu qui ressemble à s’y méprendre à un cérémonial à la gloire de Faure Gnassingbé.
Tout l’attirail du pouvoir s’était mobilisé pour l’occasion, avec le fils du père haut perché qui trônait au premier rang aux côtés des membres du gouvernement, la haute hiérarchie militaire, les autorités coutumières, tout ce que le pays compte de « grands » était présent à cette journée qui, semble-t-il, s’est étendue à toutes les régions. Même les manifestations officielles ne mobilisent pas autant de monde.
Les promoteurs de cette journée auraient pu faire œuvre utile en transformant la journée en une mini-réconciliation nationale en y associant les autres chapelles politiques avec des invitations formelles. L’évènement aurait plus de crédibilité aux yeux des populations. Mais visiblement, leur Dieu ne serait que pour une catégorie de Togolais et non pour tout le monde.
Une journée de reconnaissance à Dieu est en fait une initiative noble. Quoi de plus normal qu’à la fin de l’année, on puisse témoigner, exprimer sa gratitude, sa reconnaissance, dire merci à Dieu d’avoir veillé sur le pays, les dirigeants, le peuple. C’est la meilleure reconnaissance qu’on puisse témoigner envers le Créateur et le glorifier pour ses bienfaits, ses merveilles.
Mais au fil des années, l’événement semble être détourné de son objectif initial pour se muer en un business, un cérémonial de flagornerie pour le locataire de Lomé 2. Surtout que les organisateurs de cette Journée de reconnaissance à Dieu (JNRD) sont connus pour être des visiteurs du soirau palais pour, dit-on, prier en faveur du maître du céans. On se demande où est la différence. De fait, on se met au service du plus offrant. On peut tromper les hommes, on peut tromper les Togolais, mais on ne peut jamais tromper Dieu.
Médard Ametepe
Source : Liberté N°3070 du Mercredi 18 Décembre 2019