« L’on voit les hommes d’une haute fortune tomber par les mêmes défauts qui les y avaient fait monter ». Nous pouvons aisément assimiler dans la pensée de Jean de LA BRUYERE, dans Les Caractères, la notion de fortune à la haute sphère de responsabilité administrative pour étendre le champ de réflexion qu’elle nous inspire. Les crimes de profit, le vol crapuleux, l’exploitation sans vergogne des masses, le terrorisme d’Etat et toutes les activités qui génèrent des biens mal acquis, l’enrichissement illicite, la rapine électorale ont une férocité qui comporte en leur propre sein les germes de l’autodestruction pour ceux qui s’y livrent.
Tous les empires qui se conquièrent par une malhonnêteté saillante se maintiennent par des abominations qui leur creusent indubitablement la vallée de la honte. Par conséquent, l’éthique du mérite est la voie d’or dont la lumière brille d’une intelligence à armer le méritant de noblesse et de sagesse. La préséance de la vertu dans nos actes nous conduit au respect des valeurs et à bénir la vie humaine. Elle nous libère et nous forge à l’humilité, au bon sens.
Les gouvernants, où qu’ils se trouvent, sans l’itinéraire du mérite et de la vertu, deviennent les pires criminels contre leur propre peuple. L’héritier dynastique s’est mêlé à des crimes de sang et les célèbre avec emphase par une jubilation oratoire dans l’évocation des prescriptions de son père avant sa mort. Les suites funestes de son règne accumulent des infanticides, des tueries, des crimes économiques, des bouffonneries de subterfuges pour gagner du temps et trahir l’APG, les recommandations de la CVJR, aligner de fausses promesses sur l’éducation et la santé…
Le Prince claironne la réconciliation sans être capable d’ébaucher de son cœur une générosité à unir sa propre famille biologique. L’homme, abusivement présenté comme la tête pensante des GNASSINGBE et la plus moderne, nous surprend de son aridité réfractaire à la grandeur de l’âme. Nous ne l’avons jamais vu célébrer l’ « humain-patron », militer pour préserver la vie humaine ou donner un sens à la justice, à la parole donnée, à la gratitude. Tous ceux qui l’ont aidé à prendre le pouvoir ruminent des récompenses à eux accordées par l’enfer de l’éloignement.
L’irrévérence, le mépris pour la vie, les assassinats, l’indifférence à la misère de masse, les marques de la corruption active érigées en principes de gouvernance n’ont-ils pas donné un fouet au rejet massif de l’héritier dynastique ?
1) Une accumulation de désillusions
Penser que les armes de la répression suffisent à assurer à un règne une pérénnité, c’est être d’une intelligence singulière. Croire que les arcanes de la justice résident au palais princier pour frapper d’une culpabilité toutes les contrariétés portées par des dissidences de vue est une chimère de stabilité. L’homme qui se déclare « simple » et qui estime qu’il « fait simplement choses » pour être accusé de « dictateur » est trop simpliste pour végéter à la périphérie de la logique et se laisser rattraper par le tourbillon semé par lui dans sa perception du pouvoir. L’absence de profondeur dans la réflexion et de largesse sur la notion du bien commun ne lui confère aucun mérite, aucune valeur.
La connaissance et une bonne dose de psychologie sociale sont un pouvoir dans la conduite des affaires publiques. Les ressorts de la bonne action sont dans la tête et le cœur des hommes méritants.
Le mérite comporte un éventail de clarté, de dignité et d’humilité, parce que la culture de l’effort instruit les hommes et leur imprime le goût des mutations heureuses, le sens du dépassement et de la vraie responsabilité. Ceux qui sont parachutés au podium du pouvoir sans un itinéraire propre qui franchit des paliers de l’endurance ne connaissent pas le prix de l’effort pour trouver les bonnes planches et se sortir de l’enlisement.
La colère est la pire conseillère politique et l’ingratitude le vrai poison de la noblesse de l’acte. La famille qui s’est longtemps dressée à « l’ethnicisme », pour croire que le pouvoir d’Etat est une propriété privée, n’a aucun respect pour la volonté générale. Cette atrophie du sens logique s’agrandit insidieusement dans l’accaparement du pouvoir qui exclut de l’héritage du pouvoir ceux qui ont été les faiseurs de roi.
Mais, c’est au premier héritier de s’abaisser, de montrer qu’il a le dos large pour porter le poids de l’adversité et de se donner les moyens d’aplanir les aspérités et les conflits naissants. Qui n’a pas le sens du pardon et de l’élévation ne peut pas apaiser se propre famille, la réconcilier pour être capable d’initier à l’échelle d’une nation la réconciliation. De là, naissent toutes les trahisons. Faure n’a jamais compris que les colères contre sa propre famille, contre ses propres bienfaiteurs se taisent et se digèrent telles de grandes tristesses qui demandent des sacrifices pour évacuer le malaise. Les armes de guerre ne sont surtout pas les canons d’évacuation des haines familiales et la justice n’est pas non plus le rempart des hommes forts. La trahison de sang et celle des grandes amitiés sont les pires bassesses dont les contrecoups restent vivaces voire éternels.
Où sont les généraux avant-gardistes de la succession dynastique d’avril 2005 ? Une autre trahison ! Qu’est-ce que le « Timoniertricule » a fait de l’Accord politique global (APG), des recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliations (CVJR) ? Comment vivre du parjure, du faux-serment et espérer réaliser ses rêves ? Faure est son propre ennemi. Il a trop longtemps préparé la conscience nationale à une insurrection généralisée par une absence monstrueuse d’élégance, de noblesse, d’humilité et de connaissance de l’homme. C’est à lui de s’instruire de la pensée de Pierre DRIEU LA ROCHELLE qui dit dans Le Chef : « Nous savons ce que nous sommes si nous voyons ce que nous avons fait ». Si ce coup d’œil intelligent lui manque pour un sursaut de correctifs, alors son sort lui échappera pour toujours.
La légèreté a toujours sa gravité qui peut s’avérer ravageuse. Comment un chef peut-il avouer publiquement son apathie réactive face à la spoliation de son propre peuple par une « minorité » licencieuse, criminelle ? L’autorité périt dès qu’elle est incapable de mettre en sécurité les populations, de répondre à leurs attentes et d’offrir de petits bonheurs au plus grand nombre. Même un pouvoir légitime au départ, qui se montre dénudé dans les précautions et les actes de couverture des masses, tombe ipso facto dans l’illégitimité pour trahison de la confiance du peuple.
Les peuples savent très bien faire la part du médiocre. Si le mouvement du 19 août a vite fait de faire tomber dans un éclair ce qui était considéré comme le fief du régime, si le feu de l’adversité s’est propagé partout dans nos villes et campagnes et dans la diaspora, pour un cri mêmement identique : « Faure must go », il faut savoir que les grandes trahisons unissent les peuples dans la solidarité incisive et les aident à devenir maîtres de leur destin. Jean-Baptiste Louis GRESSET a tout à fait raison de dire dans Le Méchant: « Par eux-mêmes souvent les méchants sont trahis ».
Un chapelet d’abominations
Le sabotage organisé contre l’APG a ouvert la voie à l’option des violations des Droits humains en ce que le désir du parjure a libéré la licence répressive pour étouffer les contestations. Les pires tyrans sont ceux qui ne se préoccupent pas de compter leurs victimes. Des vendeurs illicites de l’essence aux manifestants jouissant du droit de manifester jusqu’aux enfants des collèges qui réclament leur droit à l’éducation, ce pouvoir tue.
Il y a une faute de croire que le pouvoir tient à la puissance répressive. Toutes les institutions qui en dérivent sont mordues au cynisme triomphant et plus particulièrement la justice. Dans l’incendie des marchés de Kara et de Lomé, le peuple togolais s’est aperçu des négligences intolérables et fort suspectes qui n’ont pas éveillé l’attention du procureur de la République ni la perspicacité du juge en charge du dossier. Jamais, la directrice des marchés n’a été écoutée, interpelée sur les dispositions qu’elle avait annoncées au lendemain de l’incendie du marché de Kara pour protéger celui de Lomé. Bien au contraire, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile s’est mis dans un statut d’usurpation de la tâche du procureur pour une piètre présentation du corps du délit à la télévision. Contre ces culpabilités montées de toutes pièces et décrétées, des preuves foisonnantes ont été produites dans des publications diverses pour indiquer des pistes des vrais coupables de la pyromanie sans que l’instruction à décharge ne connaisse un début d’exécution.
Les criminalités judiciaires au Togo sont des abominations implacables dont se sert le régime comme moyen de défense autant que la répression fauve avec des violations de domiciles et le principe du bouc-émissaire. Toutes les sociétés qui ne croient pas en la justice de leur pays se mettent en rébellion contre l’autorité de l’Etat; elles se replient dans l’autodéfense et se raidissent contre leurs propres dirigeants. L’Etat togolais se plaint de l’incivisme généralisé de la population en occultant les abominations et le terrorisme d’Etat qui ont donné un pli comportemental de répliques observables chez les Togolais. Il n’y a que l’exemplarité des gouvernants qui éduque spontanément et sans peine les populations.
La vraie sottise de la gouvernance est dans l’œuvre de destruction de l’éducation et de la santé. A quel siècle peut-on appartenir quand on voit à travers ce pays, ce qui sert de cadre de formation, l’état de nos hôpitaux publics et de tout ce qui tient lieu de centres de santé? Avons-nous souvenance d’un seul pays du globe où les secteurs sociaux comme l’éducation et la santé ont été en grève sur dix années avec de courtes interruptions?
Dans quel pays au monde le chef de l’Etat peut-il identifier une minorité qui accapare les ressources nationales sans sévir et réparer la spoliation des populations?
A l’exception de la capitale Lomé qui est à peine habitable à certains endroits, toutes nos villes et préfectures sont dans un déclin vertigineux et honteux que le citoyen ordinaire découvre partout l’esprit assassin de ce règne.
Il y a des décisions qui ne se prennent pas, mais elles se forment d’elles-mêmes pour s’imposer à la conscience des peuples. Le peuple du Togo est à ce stade. L’esprit national a pris son envol contre un règne dynamique de la traîtrise.
source : L’Alternative