Depuis le 22 Septembre dernier, le débat sur les réformes constitutionnelles prend un autre tournant. D’abord le mardi 19 septembre, le pouvoir UNIR avec ses 62 députés qui faisaient ainsi les 2/3 du parlement l’avait orienté vers le referendum en votant le projet de loi soumis par leur président et président de la République au terme du Conseil des Ministres du 05 Septembre 2017. Pendant ce temps, face à l’option référendaire d’Unir que certains observateurs avaient commencé par analyser comme un forcing, l’opposition maintenait la pression dans la rue pour exiger le retour à la constitution de 1992 et le départ de l’actuel patron du palais de la Marina. Mais depuis le vendredi 22 septembre, le quintet international a choisi de rompre son silence. Dans sa sortie le groupe des 5 (Allemagne, France, USA, la Délégation de l’Union Européenne et la Coordination du Système des Nations Unies) indique la porte du dialogue aux protagonistes.
Désaveu à la démarche référendaire
Si ce n’est pas un désaveu donné à l’opposition dans sa logique de retour à la constitution de 92 et le départ de Faure, le communiqué du groupe des 5 l’est quand même à l’endroit de la voie référendaire adoptée par le pouvoir Unir. Unir qui voulait ainsi montrer qu’il a pris ses responsabilités en limitant le mandat présidentiel et en adoptant le mode du scrutin à deux tours se voit aujourd’hui obligé d’organiser un dialogue pour trancher la question soit du retour au texte de 1992 ou celle de la portion de phrase «en aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats». Une précision dans la loi de 1992 que les députés bleu turquoise ont pourtant rejeté en bloc lors des travaux en Commission, le 15 Septembre dernier.
La sortie du groupe des 5 vient ici comme un recadrage pour dire que : «les choses ne sont pas faites comme on le souhaite. Et c’est ici que certains doivent comprendre la position prise par les évêques en faveur du «peuple-opposant» quelques jours plus tôt. Il est à faire remarquer que malgré que la Cvjr présidée alors, par un prélat, ait amputé dans sa recommandation n°5 la phrase qui fâche Unir dans l’article 59 de la Constitution, l’église dans sa sortie du 17 septembre a clairement pris position pour le retour intégral de cette phrase que les députés de Unir brandissent aujourd’hui comme la raison qui les avait motivé a rejeté le même texte en juin 2014. La sortie des prélats qui n’est que l’expression du Vatican, devrait suffir au pouvoir de Lomé pour qu’il ravise son allure. Mais que nenni! Sinon il n’y aurait pas eu le vote du 19 septembre 2017.
Et les événements lugubres de Mango et de Bafilo sont venus tout gouffrer après les morts de Sokodé qui n’étaient pourtant pas mis aux oubliettes. New York a dû se décider à intervenir pour la seconde fois, depuis 2005, dans la crise togolaise. En marge de l’Assemblée générale des Nations Unies tenue la semaine dernière le Secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres a, au cours de l’audience accordée au Premier ministre Selom Klassou, le Secrétaire général de l’Onu invité les Togolais au dialogue pour opérer les reformes dans l’esprit de l’aspiration de la majorité des togolais.
Et le second clou de l’Eglise
Malgré les vives critiques dont elle fait l’objet à tort depuis sa dernière sortie, l’église catholique va désormais au-delà des dénonciations pour effleurer des pistes de solutions. Dans une interview accordée au journal La Croix, l’Archevêque de Lomé, reprécise la démarche de la Conférence des Évêques du Togo (CET). « Nous nous sommes engagés pour apporter notre contribution à la paix sociale, pour le peuple et sans parti pris », a-t-il précisé. Par conséquent, poursuit Monseigneur Denis Amouzou Dzakpa, l’Eglise est une autorité morale au sens large. Elle ne peut donc pas se taire. « Nous ne descendons pas dans l’arène politique. Nous sommes une bougie dans la nuit noire. Nous sommes du parti de Jésus-Christ, du parti de la Vérité, de la justice, de l’équité et de la paix sociale », a précisé le prélat, par ailleurs Vice-président de la Conférence des Évêques du Togo (CET) dont la dernière sortie a visiblement « déplu », a-t-il deviné. Or, reconnaît-il en toute responsabilité, la situation est pénible au Togo. Ainsi, « Il n’est pas bon de voir que certains ont le beurre et l’argent du beurre tandis que d’autres souffrent », explique Mgr Denis Amouzou Dzakpa tout en précisant qu’au Togo, «beaucoup ne mangent pas à leur faim, n’ont de quoi se vêtir, nourrir leur famille, travailler, jouir de la vraie liberté, s’exprimer… Des personnes ont été offensées, brimées… ».
Des frustrations accumulées qui conduisent, en partie, à la détérioration constatée de la situation sociopolitique dans le pays, puisque «trop d’injustice ont été commises par le passé», a martelé le prélat.
Puis l’offre de dialogue aux allures de la Rdc…
Loin d’abdiquer et surtout dans la droite ligne de son engagement dans la vie de la cité depuis 1991, année de la Conférence Nationale Souveraine (Cns), l’église catholique dit rester disponible et disposée à jouer un rôle de médiateur entre tous les acteurs. Car, bien que peu de choses soient appliquées depuis lors à ce jour, « on veut apporter notre pierre à l’édifice, dans le respect de la vérité. Nous voulons indiquer la bonne voie à suivre, que tous les fils et les filles de ce pays s’écoutent, se parlent et avancent…», a annoncé l’Archevêque de Lomé.
Faure pourra-t-il tenir comme Kabila ?
Les événements se tournent contre le pouvoir de Lomé un peu aux allures de ce que traine son frère de la République Démocratique du Congo depuis deux ans. On ne peut s’empêcher de lire qu’au-delà des exhortations plus qu’évidentes du club occidental au respect des valeurs d’alternance et des droits de l’homme, Kabila, Faure et dans une certaine mesure Ali Bongo, se retrouvent aujourd’hui dans une posture panafricaine contre les donneurs éternels de leçon. Mais le mal est que dans le cas précis du Togo, le management qui a été fait de la base de 2005 à ce jour a laissé suffisamment de brèches qui servent aujourd’hui de ferments aux désapprobations tant internes qu’externes. Encore qu’à la différence de Kabila, Faure Gnassingbé dispose de moins d’éléments pour jouer à la diversion et à la division du bloc occidental. Quand la Rdc est un mini continent tant en ressources qu’en espace, le Togo n’est qu’une portion de terre. Mais aussi est-il que le pays d’Eyadema a déjà eu à montrer par le passé qu’il a plusieurs tours dans son sac.
A une autre différence du fils Kabila qui à l’époque avait été mis sur le fauteuil présidentiel par ses détracteurs d’aujourd’hui, le fils d’Eyadema n’est pas arrivé au pouvoir par la même porte. Il est par ailleurs reproché à l’homme de 2005 de vouloir perpétuer un règne dynastique de plus de cinquante ans.
Sur le plan diplomatique, l’argument d’acteur stratégique et très prompt dans la lutte contre le terrorisme sur terre et sur mer qui dorait quelque peu l’image du pouvoir de Lomé vient d’être presque fondue avec l’inscription au rouge, du pays d’Idriss Deby, qui s’est proclamé jusquelà champion d’Afrique de la lutte contre le terrorisme, sur la liste des pays dont les ressortissants sont indésirables aux USA.
Et un retour sur l’interview accordée par le prélat togolais au journal La Croix montre que la communauté internationale a voulu depuis des années par divers moyens ouvrir une porte de sortie au régime cinquantenaire de Lomé. « En 2006, un Accord politique global avait été signé entre les politiques et la société civile.Trop peu de choses ont été appliquées. Ensuite, les réformes ne venant pas, nous avions participé à la Commission « vé- rité, justice et réconciliation ». Nos recommandations n’ont été totalement prises en compte par les autorités, qui auraient pu agir plus et mieux. Notre travail n’a pas été vain mais nous peinons à en voir l’issue aujourd’hui », a déclaré en substance le repré- sentant en second du pape au Togo.
Avec tous ces éléments, il reste à voir comment le pouvoir de Lomé va gérer dans le temps ce cul-de- sac.
source : Fraternité