Longtemps considéré comme la chasse gardée du régime en place, le nord du Togo vit depuis quelques semaines au rythme des manifestations défavorables au gouvernement . Ces manifestations, si elles ne sont que la traduction et l’accumulation de plusieurs années de frustrations encaissées par les populations de cette partie du Togo, elles représentent également un revers de taille pour le pouvoir.
Le déficit idéologique, l’incapacité de l’opposition à se constituer en alternative sérieuse au discours du Rassemblement du peuple Togolais (Rpt) devenu Union pour la république (Unir) et l’absence de la personnalité politiquement correcte en qui les populations s’identifient facilement sont autant d’éléments qui ont contribué, au fil des années, à l’effritement de la base représentative des partis politiques de l’opposition au profit du régime dans le nord du pays.
Par le passé, au vu de la faconcrétise graphie dans le septentrion, le pouvoir était presque incapable de gagner les élections en se basant rien que sur l’électorat de cette partie du Togo. Ainsi, à chaque consultation électorale l’opposition sort l’argument des fraudes électorales sans pour autant apporter des preuves irréfutables de ses accusations. Comme l’a confié un proche du parti au pouvoir, « c’est dans le nord du Togo que tout se joue ». Mais, depuis quelques années les données ont changé avec non seulement des bévues du pouvoir mais aussi des percées significatives de l’opposition en termes d’implantation et un changement de ton dans les discours des leaders de l’opposition.
Les bévues du pouvoir dans le nord…
Depuis plusieurs années, les populations ont été désabusées par des promesses non tenues et surtout que la situation sociale s’est dégradée au fil des années. La pauvreté s’est accrue. Pendant que les populations du sud Togo croyaient que le nord du pays se développait prodigieusement le temps où le sud connaît des difficultés, leurs concitoyens du septentrion vivaient la mort dans l’âme. La pauvreté s’y est accrue avec le nombre des jeunes chômeurs qui augmente d’années en années. L’agriculture qui est la principale activité des populations n’est pas aussi gérée comme cela devait l’être. Les projets pour sortir cette agriculture de son état précaire sont mal exécutés. Les engrais ne sont pas disponibles ou quand ils le sont, le prix est pratiquement inaccessible aux les agriculteurs.
De plus, les autorités de Lomé n’ont pas su trouver des solutions idoines à certaines préoccupations comme les revendications des étudiants de l’Université de Kara. Pendant des années, les revendications des jeunes n’ont pas trouvé échos favorables. De plus, les services de bases tels que les hôpitaux sont délabrés et n’offrent pas suffisamment de réponses aux populations sans cesse croissantes.
L’état de l’hôpital de Kara est assez illustratif. De ce fait, les populations sont obligées de migrer vers le sud pour survivre. Dans une région comme celle de Mango, le projet de l’instauration de la flore, décrié pendant des années sous le règne du Gé- néral Gnassingbé Eyadéma a refait surface avec Faure Gnassingbé. Un passif qui a ré- veillé les plaies des populations dans une région où l’autorité du pouvoir est souvent contestée. En outre, il faut souligner que dans certaines villes comme Dapaong ou encore Sokodé, le pouvoir de Lomé n’a jamais réussi à asseoir véritablement son monopole. Mais ces raisons n’expliquent pas à elles seules le changement observé dans le nord. Il faut aussi souligner un travail de terrain entrepris par l’opposition depuis quelques années.
Changement de discours et d’altitude de l’opposition
Pendant plus d’un demi-siècle, l’opposition togolaise a cru qu’elle pouvait gagner les élections rien qu’avec l’électorat du sud. Ainsi, elle a pratiquement abandonné le nord au pouvoir. Pendant ce temps, le régime a réussi à mettre en place un système qui faisait croire aux Togolais du septentrion que si jamais un autre régime venait, il mettrait en danger les acquis et faveurs dont ils jouissent. Cela ajouté à la forte culture du «Mendefrérisme» ancrée dans l’esprit des Togolais de cette partie du pays a renforcé une hostilité implicite à l’endroit des opposants. Mais ce système d’instauration d’une rivalité nord-sud a fait son temps. En effet, les partis de l’opposition ont fait des efforts considérables dans le nord du pays pour implanter des bases de leurs partis. Le discours a également changé avec des appels à la ré- conciliation et surtout le rejet du régionalisme au profit des projets de sociétés viables. Mais le seul problème qui bloquait la concrétisation des avancées de l’opposition est le renouvellement de la classe politique à commencer par les leaders de l’opposition. Un Jean-Pierre Fabre par son dédain et son mépris à l’endroit des autres acteurs de l’opposition a suffisamment alimenté les réserves des Togolais du septentrion à suivre les opposants. De ce fait, il fallait un ressortissant du nord capable de prendre le flambeau et « de défendre les intérêts des siens » contre un pouvoir qui s’est englué dans la démagogie. Des opposants originaires du nord, le Togo en a connus. Mais force est de constater que malgré leur fougue et leur volonté, le régime a réussi par les étouffer.
L’avènement de Tikpi Atchadam vient de montrer que les populations du nord n’attendaient qu’un mobilisateur du genre pour élever leur voix. C’est ce qu’on a remarqué, le 19 août 2017 avec les manifestations synchronisées du Parti national panafricain (Pnp) dans au moins trois villes du nord. Visiblement, surpris le pouvoir se donne depuis lors tout le mal pour essayer de récupérer son bien précieux, l’électorat du nord. Les prochains rendez-vous électoraux édifieront si l’assise de l’opposition dans le septentrion se concrétise.
Fraternite