Par Maryse Quashie et Roger Folikoué
Vers la fin de 1999, le monde entier était plongé dans l’angoisse car, en plus de ceux qui se préparaient pour la fin du monde en l’an 2000, il y avait tous ceux à qui on avait, raisonnablement, prédit un bug informatique planétaire capable de désorganiser tous les pays du monde. Le bug n’avait pas eu lieu. Mais, vingt après, au moment où plus personne ne l’attendait il survient et il a pris le nom d’un virus : Coronavirus. Apparu en Chine vers la fin de 2019, ce virus a tout bouleversé. La désorganisation n’a pas été qu’informatique et toute la planète n’est d’ailleurs pas encore sortie du désordre qu il a occasionné.
Ce qui est remarquable c’est que ce virus a surtout changé l’ordre du monde. En effet, logiquement, c’était les pays pauvres, avec des systèmes de santé défaillants et un personnel insuffisant en nombre et en expertise, qui devaient être les plus impactés. Mais non, le record de mortalité a été atteint dans les contrées les plus développées du monde : Etats-Unis et Europe. Ce sont les gouvernements de ces pays, habituellement donneurs de leçons qui ont été les plus désemparés, comme le sont d’ordinaire les dirigeants des pays pauvres. Les populations africaines étaient rassurées quant à elles par un médicament du pauvre : l’Hydroxychloroquine. Connue depuis longtemps, elle a été cependant assez vite étouffée, comme solution, par l’industrie pharmaceutique mais cette dernière, prise de vitesse par le virus, vient de produire en un temps record, dans la concurrence entre laboratoires, un vaccin qui soulève encore beaucoup de questions. Et curieusement et pour cette fois-ci les habitants des pays développés servent de cobayes pendant que les plus pauvres sans moyens pour se procurer le vaccin, attendent tranquillement que les tests finissent dans quelques mois… Tous les rôles définis, de la fin du 19ème à la fin du 20ème siècle semblent être inversés ! Est-ce la ruse de l’Histoire de Hegel ou l’inversion des valeurs de Nietzsche ?
Dans cette perspective, les puissants vont- ils pouvoir continuer à dominer le monde? On peut se poser la question. En effet, au plan économique, le ralentissement est évident tandis que les gouvernements occidentaux soutiennent à bras-le-corps des producteurs assistés (chômage partiel payés aux salariés, aides diverses accordées à différents secteurs de l’économie, difficile rapatriement de productions antérieurement délocalisées vers les pays pauvres comme celle des masques, etc.).
De fait, de confinement en confinement, ce virus qu’on était sûr d’éradiquer dès l’été 2020, a franchi la porte de 2021 et on commence à se demander quand on verra la fin de la crise sanitaire et surtout de la crise économique qui se consolide doucement.
Ne sommes-nous pas en train d’assister en direct à la mort de cette civilisation répandue comme « la solution » par la mondialisation de la fin du 20ème siècle ? Les mots actuels mêmes sont frappants. Ainsi, dans les pays occidentaux ont été fermés en premier les commerces dits « non essentiels » : boites de nuit, bars, et autres loisirs comme les sports d’hiver, restauration de luxe, etc. Les fêtes de fin d’année ont même failli passer dans la même catégorie parce que la fête de Thanksgiving très populaire au Etats-Unis (fin novembre) a été à l’origine d’une recrudescence des contaminations.
De plus, fait notable, alors qu’on alignait méga-rencontres et sommets mondiaux, sans arriver à venir au bout du problème du réchauffement climatique, un confinement de quelques semaines en Occident a suffi à réaliser le miracle de voir la nature reprendre ses droits.
ET PENDANT CE TEMPS QUE FAIT L’AFRIQUE ?
Toujours dominée par des dirigeants soucieux de conserver le niveau élevé de leurs avoirs en banque et donc de maintenir le statu quo, elle se contente de copier plus ou moins bien ce qui se fait en Occident, ayant juste réussi jusque-là à appauvrir encore plus sa population et à ruiner les systèmes de santé et d’éducation, entre autres catastrophes, sans pour autant apporter une aide conséquente aux citoyens les plus démunis.
Dans ce contexte, qu’attendent les citoyens pour 2021 ? (Nous allons nous cantonner à l’exemple togolais, dans le cadre de cette tribune).
Il y a d’abord ceux qui attendent encore l’homme providentiel qui viendra tout régler comme par un coup de baguette magique. N’est-ce pas le cas de ceux qui croient encore et toujours à la DMK ? Les intentions de la DMK peuvent être bonnes mais a-t-on pris véritablement le bon chemin dans le contexte d’un peuple dont les attentes sont immenses et légitimes ? Plus d’un an après, on est obligé de faire des constats : la DMK a-t-elle pu réellement insuffler une dynamique pour mobiliser toutes les énergies des citoyens afin d’amener le pays au changement par l’alternance ? Il va falloir, de façon lucide, se résoudre à ranger la DMK au rang des autres partis politiques ou regroupements impuissants à proposer quelque chose dans les circonstances actuelles. Ne faut-il pas accepter la fin de quelque chose pour construire le début d’une autre chose encore plus belle et plus grande ?
Il y a ensuite la grande masse de citoyens qui n’attendent plus rien, désabusés, découragés, écrasés par une vie quotidienne qui pour eux n’a plus de saveur, ni aucun sens puisqu’elle n’ouvre sur aucun avenir.