Le Togo a accueilli les 30 et 31 mai 2023 une table ronde de haut niveau sur les engrais et la santé des sols. Un événement, organisé conjointement par le gouvernement togolais, la Banque mondiale et la Cedeao, a connu la participation de plusieurs chefs d’Etat de la sous-région et de leurs représentants, ainsi que des délégations ministérielles. Une feuille de route commune a été adoptée, assortie d’une «Déclaration d’engagement» portant sur une série d’objectifs et de mesures concrètes à mettre en œuvre, afin d’inverser la courbe du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire, en hausse continue sur les dernières années (9,7 millions en 2019 à 42,5 millions en 2023).
Les participants ont admis de façon unanime que l’engrais, «tant de source minérale qu’organique, produit stratégique sans frontières, libre de circuler sans entraves, dans l’espace Cedeao, l’Uemoa, et CILSS conformément aux dispositifs règlementaires régionaux en vigueur ou à améliorer». Pour ce faire, les droits de douanes et taxes seront progressivement éliminés sur les intrants et les autres matières premières fertilisantes, et les formalités douanières et administratives des importations, simplifiées au maximum afin de réduire les délais d’admission des produits et minimiser les coûts. Dans la foulée, un Comité Ouest Africain de Contrôle de la qualité des Engrais voit le jour, avec pour mission d’assister les différentes commissions sous régionales et les Etats membres. Entre autres objectifs et mesures envisagées, le triplement de la consommation d’engrais et le doublement de la production agricole d’ici 2035, le renforcement des systèmes de recherche et de développement, la promotion des investissements et le renforcement de la collaboration régionale. De très bonnes résolutions qui attendent d’être mise en œuvre.
Faure et son diagnostic impeccable aux antipodes des réalités décapantes
A cette grande rencontre voulue et préparée par le pouvoir de Lomé, le contenu du discours du Président togolais a été d’une certaine densité. Contrairement à ses sorties habituelles notamment les vœux de nouvel an et à l’occasion de la fête de l’indépendance sans grand relief, Faure Gnassingbé a été à la hauteur de l’événement. « L’utilisation excessive et mal encadrée de certains engrais peut entraîner à terme une acidification des sols, augmentant alors le risque d’érosion ainsi que la concentration de certains produits toxiques comme les métaux lourds. Sans vision, sans stratégie, les engrais passent bien vite d’une promesse de restauration des sols à la cause de leur détérioration. Des risques qui ne se limitent d’ailleurs pas seulement à des considérations agronomiques. Après tout, nous ne savons que trop bien qu’un accès accru aux intrants demande un recours judicieux au financement et un soutien ciblé de l’État pour minimiser la volatilité des prix des intrants, à laquelle nos agriculteurs sont confrontés » a-t-il alerté d’entrée avant d’égrener ses propositions « Face à ce besoin de trouver un juste équilibre, la planification et l’implication de l’État s’imposent. Il nous faut trouver un juste équilibre et une bonne stratégie mais, surtout, il nous faut être organisés, il nous faut être coordonnés.
Comme l’illustre la Feuille de Route présentée ce jour, notre vision doit être sous-régionale avant tout. Un tel effort porte à mon avis trois grandes promesses. D’abord, la production. L’Afrique est aujourd’hui dépendante de l’étranger pour son approvisionnement en engrais azotés. Le conflit en Ukraine a montré toutes les limites de cette situation, l’Europe ayant soudainement perdu une part importante de sa capacité de production d’engrais ; ce qui a entraîné une hausse des prix et une diminution des importations sur le continent. Aucun pays de la sous-région ne possède, à lui seul, les clés d’une filière complète des engrais. Mais collectivement, les richesses d’Afrique de l’Ouest laissent entrevoir la promesse d’une production souveraine d’intrants grâce au gaz naturel et aux phosphates.
Ensuite, la recherche. Si produire doit être notre but, les engrais ne se résument pas à une formule simple. Chaque sol, chaque climat, chaque pays et chaque localité possèdent leurs spécificités et appellent des engrais sur-mesure. Cette recherche agronomique sera à la fois fondamentale et appliquée, à la fois publique et privée, mais, surtout, elle sera communautaire. Nos instituts de recherche, en partenariat avec les unités de production, devront travailler ensemble au développement d’un savoir sous-régional sur la préparation et l’utilisation d’engrais adaptés. Enfin, l’approvisionnement et la commercialisation. Une fois produits, ces engrais adaptés devront être transportés et diffusés à travers la sous-région. La pleine utilisation des infrastructures existantes, et en particulier nos hubs logistiques, sera donc essentielle. Baisser les coûts de transaction sera le socle de cette troisième promesse. Cette convergence des volontés politiques régionales, qui nous réunit aujourd’hui, permettra à terme de construire ensemble notre autonomie et un destin commun. C’est dire l’importance de la présente rencontre » Ceci étant dit, quel est le sort actuel de l’agriculture togolaise ? Entre son discours lénifiant et les réalités décapantes du Togo, il y a lieu de s’interroger sur la sincérité du pouvoir togolais. Plusieurs projets à l’instar de PNIASA, PADAT qui ont permis au Ghana voisin de relever le niveau de leur agriculture ont été vendangés. Le Togo est plus dans la propagande qu’autre chose.Et ce sommet en est une autre illustration. S’agissant précisement de l’engrais, le Togo pratique l’un des prix les plus chers de la sous-région. La Table ronde est-elle destinée à montrer la voie aux autres pays ?
Le Correcteur