Et si les évènements des enseignants regroupés au sein du Syndicat des enseignants du Togo (SET) étaient à la base du conseil des ministres d’hier 24 février 2021 ?
Des urgences d’ordre social existent à n’en point finir. Des projets de loi plus « utiles » sont ignorés par le gouvernement. Mais celui-ci ne tient apparemment plus à voir rééditer les évènements du SET qui ont secoué le secteur de l’éducation.
Fin décembre 2020, il y a donc moins de deux mois, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, mardi 29 décembre 2020 au parlement, un nouveau code du travail. Après deux jours d’intenses travaux. Le nouveau code, qui compte 378 articles, prend la place de l’ancien document en vigueur depuis 15 ans, soit en 2006. Ce texte était brandi comme un trophée de guerre. « Il veut notamment rendre plus lisibles et claires les dispositions majeures dans ce domaine, tout en étant plus favorable aux investissements », nous avait-on assurés.
Que n’avait pas proclamé Gilbert Bawara,ministre de la Fonction publique, du travail et du dialogue social. « Ce texte avant-gardiste marque des innovations majeures visant à garantir un équilibre judicieux entre les aspirations et les attentes des travailleurs d’un côté, mais également les besoins des entreprises et des employeurs », avait-il dit. Les mots du ministre résonnent encore dans les oreilles de certains.
Un confrère écrit : « Du côté de l’employé, par exemple, le tout nouveau texte prévoit la possibilité d’apporter plus de protections, notamment sur les conditions de travail, les normes sociales et environnementales, les heures supplémentaires ou complémentaires, ou encore les mécanismes de prévention et de résolution des conflits collectifs du travail. On compte également des améliorations dans la réglementation du chômage partiel et du licenciement pour motif économique ». Et pourtant !
Hier 24 février, soit 57 jours après adoption du nouveau code du travail, le conseil des ministres « a examiné les modifications additionnelles apportées à la loi du 29 décembre 2020 portant code du travail. En effet, dans le but de renforcer la modernisation des relations sociales, le Gouvernement a souhaité apporter des modifications additionnelles notamment quant aux conditions et modalités de création des organisations syndicales ainsi qu’à l’exercice du droit de grève ».
Le communiqué poursuit : «Ces propositions de modifications visent à promouvoir davantage le dialogue social et l’esprit de compromis au sein des entreprises ou secteurs d’activités. De plus, elles favorisent le développement d’un syndicalisme plus responsable afin de préserver les droits des salariés, l’activité économique et les emplois ». Que comprendre par ce retropédalage ?
Début janvier 2021, soit quelques jours après le vote de la loi, naissait le SET dont l’objectif est de défendre les intérêts des enseignants. Et dans la foulée de sa création, un préavis de grève fut lancé pour le 25 janvier 2021. Les autorités n’ont pas tardé à sortir les grands moyens. Arrestations, interpellations. Les initiateurs du SET furent arrêtés. Avant d’être relâchés, mais une décision punitive de mise à pied s’en est suivie, les privant de leurs besoins alimentaires, le salaire. Les autorités ont finalement trouvé que les conditions d’obtention du récépissé d’association n’étaient pas conformes. Le SET fut interdit d’activité.
Le gouvernement aurait-il pris cet avant-projet de loi si le SET n’avait pas cherché à troubler la quiétude des autorités qui ne veulent plus entendre parler de grève de quelque façon que ce soit dans le secteur public ? Cette mesure gouvernementale en gestation, qui ne souffrira d’aucune retenue lorsqu’elle passera devant l’Assemblée nationale, est révélatrice d’une frilosité qui ne dit pas son nom.
Lors de l’examen du projet de loi révisant le code du travail, ni l’exécutif, ni le parlement n’ont trouvé à redire. Il a fallu que le secteur de l’éducation soit sur le point de connaître de nouveau des remous pour que le régime découvre qu’il existe toujours des failles dans son projet de loi voté. En attendant que d’autres situations fassent réagir le gouvernement dans d’autres secteurs de la vie publique. Au Togo, on tend vers un bannissement de toute contestation syndicale, susceptible de donner encore du fil à retordre aux autorités.
Godson K. / Liberté N° 3335 du 25-02-21