Le Front Citoyen Togo Debout (FCTD) prend acte de la feuille de route de la CEDEAO pour la sortie de crise au Togo. Il s’inquiète un peu du délai très court pour les élections législatives, car, estime-t-il, « une fixation sur cette date pourrait amener certains acteurs de mauvaise foi à escamoter la question cruciale liée à la refonte et à l’apurement du fichier électoral ». Toutefois, le mouvement appelle la CEDEAO à engager pleinement sa responsabilité pour veiller à l’application des décisions. Lisez plutôt !
REACTION DU FRONT CITOYEN « TOGO DEBOUT » RELATIVE A LA FEUILLE DE ROUTE DE LA CEDEAO POUR UNE SORTIE DE CRISE AU TOGO
DECLARATION LIMINAIRE
Le FCTD a suivi avec attention le communiqué final ayant sanctionné la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement tenue le mardi 31 juillet 2018 à Lomé, en particulier le point concernant la situation sociopolitique au Togo et ayant débouché sur une feuille de route pour une sortie de la crise togolaise.
Le FCTD voudrait une fois de plus renouveler aux Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO en général et aux Présidents Alpha CONDE de la Guinée et Nana AKUFU-ADDO du Ghana, Facilitateurs du dialogue inter-togolais en particulier, ses remerciements pour leur disponibilité et l’intérêt qu’ils accordent au peuple frère du Togo.
Tout en prenant acte de la feuille de route ainsi esquissée et en encourageant les Chefs d’Etat et de Gouvernement à s’impliquer davantage pour une sortie pacifique et durable de la crise pour le bonheur des peuples du Togo et de la sous-région, le FCTD tient à faire les observations ci-après :
Remarques préliminaires
Le FCTD regrette profondément que depuis le début du dialogue, la facilitation n’ait à aucun moment jugé opportun et utile de consulter la société civile togolaise, pourtant plus proche des populations, ce qui est tout à fait contraire à la vision 2020 de l’Institution communautaire qui est de passer d’une CEDEAO des Etats à une CEDEAO des peuples, en encourageant une société civile dynamique et forte, qui doit être perçue par les autres acteurs comme un partenaire au développement.
Au contraire, la société civile a souvent fait l’objet d’une mise à l’index sans fondement. Dans les communiqués finaux sanctionnant les différentes rencontres entre la facilitation et les protagonistes du dialogue, la société civile est la plupart du temps considérée comme source potentielle de tensions et d’instabilités (point 40 de la feuille de route). Cette position sans cesse renouvelée de la CEDEAO renforce le sentiment que dans l’espace communautaire, la société civile est encore fortement marginalisée et son opinion totalement inaudible.
Cette marginalisation de la société civile togolaise, couplée aux nombreuses tentatives de musellement contre lesquelles la CEDEAO ne s’est jamais insurgée (multiples manifestations pacifiques interdites : notamment des prières œcuméniques, meetings, concert ; responsables en détention arbitraire etc…) renforcent l’idée que l’institution communautaire n’a pas totalement pris la bonne mesure des enjeux de la lutte du peuple togolais pour sa liberté. La lutte n’est pas entre le parti au pouvoir et ceux de l’opposition, c’est celle d’un peuple luttant pour sa dignité et sa liberté.
La société civile en général et le FCTD en particulier réaffirment haut et fort qu’ils restent attachés aux valeurs cardinales de paix et de la non-violence ; et que la société civile togolaise, qui se veut certes engagée mais responsable, n’est jamais promotrice de la violence, mais la subit.
Sur le chapitre des mesures de confiance et d’apaisement
Le FCTD est profondément déçu par rapport à la recommandation à l’endroit du Gouvernement togolais à qui il est demandé d’accélérer les procédures judiciaires enclenchées contre les personnes arrêtées lors des manifestations politiques et d’étudier la possibilité de mesures additionnelles en leur faveur. Pour le FCTD, au regard des circonstances de leur arrestation et dans le souci de décrisper l’atmosphère socio-politique, la CEDEA0 doit demander au gouvernement la libération immédiate et sans conditions de ces personnes. En jouant le jeu des procédures judiciaires, la CEDEAO risque de tomber dans le piège du Gouvernement togolais qui utilise ce dossier pour en faire un marchandage politique.
Pendant que ces personnes continuent de croupir en prison, la feuille de route ne mentionne nulle part le cas des miliciens, auteurs d’actes criminels, que le Gouvernement qualifie faussement de « groupes d’auto-défense », entretenus par le parti au pouvoir Union pour la République et contre lesquels aucune mesure judiciaire n’a jamais été prise.
Il en est de même du silence de la feuille de route sur l’état de siège de fait que vit le Togo, qui culmine avec le refus de casernement des forces militaires dans les villes assiégées comme Lomé, Sokodé, Bafilo, puis Mango, et le refus constant de manifester ou de mener toute activité associative, syndicale ou politique dans la ville de Kara.
Le FCTD note cependant avec satisfaction le fait que la CEDEAO ait reconnu, réalisé et relevé l’usage disproportionné de la force par les forces de sécurité et les ait exhortées à faire preuve de professionnalisme dans leur mission de maintien d’ordre, de préservation de la sécurité des biens et des personnes.
Sur le chapitre des réformes politiques
1. Les réformes du cadre électoral
Le FCTD se félicite de l’exhortation faite par la Conférence des Chefs d’Etat à l’endroit du Gouvernement togolais à procéder à la révision intégrale du fichier électoral (Point 41 du communiqué final). Cependant, la date du 20 décembre 2018 prévue pour la tenue des élections législatives participe d’un délai court et devra être à titre indicatif, dans la mesure où une fixation sur cette date pourrait amener certains acteurs de mauvaise foi à escamoter la question cruciale liée à la refonte et à l’apurement du fichier électoral. En outre, la question relative au découpage électoral en vue de faire respecter le principe universel « un homme, une voix » a été éludée par la feuille de route.
En tout état de cause, la bonne foi du Gouvernement est mise en jeu et la responsabilité de la CEDEAO se trouve pleinement engagée par rapport à l’effectivité des réformes avant la date ainsi fixée.
2. Les réformes constitutionnelles et institutionnelles
Le FCTD se félicite des acquis de la feuille de route de la CEDEAO liés à l’adoption du mode de scrutin à deux tours pour l’élection du Président de la République, la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels, la recomposition de la Cour Constitutionnelle et la limitation du nombre de mandat de ses membres, le renforcement du processus électoral (Point 42, a, b, c et d de la feuille de route).
Le FCTD relève cependant avec insistance le fait que non seulement ces réformes ne sont pas enfermées dans un délai, mais aussi et surtout n’ont pas été explicitement inscrites comme préalables à l’élection du 20 décembre 2018, surtout celles portant sur le renforcement du processus électoral.
Le FCTD recommande vivement, à l’endroit du Comité de suivi, de les étendre à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), ainsi qu’à la Cour des Comptes qui est seule juge des comptes et dépenses des campagnes électorales. En outre, la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux doit comporter la mention de la formule originelle de la Constitution de 1992 qui a le mérite d’exclure toute possibilité dérogationnelle et de mettre un terme à toute velléité de conservation longue et abusive du pouvoir à savoir : « En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats ».
3. Le cadre d’adoption des réformes
Pour ce qui concerne le cadre d’adoption et de réalisation des réformes, le FCTD reste sceptique quant à la simple proposition faite par la CEDEAO relative au cadre légal normal et ordinaire à savoir la voie parlementaire et la voie référendaire, alors que le Togo est en situation de crise et que ce cadre a déjà fait preuve d’inefficacité par un passé récent.
Le recours à des consultations électorales repose le problème majeur du cadre électoral et des institutions chargées d’organiser ces élections. Ces institutions doivent être assainies et crédibles et le cadre doit être consensuel avant toute consultation électorale nationale.
Au demeurant, c’est pour prévenir les risques d’enlisement de la crise par un blocage systématique de ces réformes, que le FCTD avait proposé l’ouverture d’une période de transition avec des missions précises assignées aux différents organes qui agiront suivant l’esprit d’un accord politique.
Le FCTD en appelle alors à la bonne foi du Gouvernement et des acteurs politiques, mais aussi et surtout à la responsabilité première et totale de la CEDEAO, garante de sa feuille de route et de l’effectivité des réformes.
En outre, le FCTD estime dangereux et incompatible avec le principe de transparence, le fait qu’au point 44 de sa feuille de route, la CEDEAO prenne en compte le travail préélectoral effectué de façon unilatérale et clandestine par le Gouvernement. Ce travail effectué en toute opacité avait fait l’objet de contestation et de suspension.
Le FCTD attire l’attention du Comité de suivi que pour plus de transparence, il faut une reprise du processus dans un cadre inclusif et consensuel.
Enfin, le Front soutient que le droit de vote des Togolais vivant à l’étranger ne devrait pas être, à l’étape de la feuille de route, une simple possibilité ou une faculté laissée à la discrétion du gouvernement, mais une exigence.
Sur le chapitre de la garantie de la feuille de route
Le FCTD se félicite de la demande expresse faite par la Conférence à l’endroit de la Commission de la CEDEAO d’apporter son appui et son expertise technique dans l’organisation et le déroulement des prochaines élections.
De même, le fait que la CEDEAO officialise la poursuite de la facilitation par les Présidents guinéen et ghanéen, à charge pour eux de rendre compte de l’évolution de cette facilitation à la prochaine session des Chefs d’Etat et de Gouvernement est à saluer.
Il en est ainsi également pour l’institution par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement d’un Comité de suivi de la mise en œuvre des décisions contenues dans la feuille de route.
Tout en déplorant le fait que la société civile ne fasse pas partie de ce comité, le FCTD exige la formation d’un tel comité avant le début du déroulé de la feuille de route.
C’est en somme le lieu d’inviter tous les acteurs et protagonistes de la crise à faire preuve d’une réelle volonté politique et à avancer dans le sens du bien commun. Et cela passe nécessairement par la prise en compte des questions d’intérêt national au-dessus des querelles partisanes.
Pour sa part, le FCTD reste et restera entièrement engagé et déterminé dans sa mission de lobbying et de plaidoyer, de veille et d’alerte, en vue de préserver les acquis de cette feuille de route et de faire corriger et améliorer les insuffisances.
Enfin, le FCTD demande instamment et constamment aux populations togolaises de rester tout aussi mobilisées et déterminées dans l’accompagnement de l’effectivité des acquis de la feuille de route, en répondant massivement, plus que par le passé d’ailleurs, à ses rencontres citoyennes d’échanges, d’informations et de sensibilisation pour qu’aucun compromis ne soit fait sur le dos du peuple.
« Togo debout, luttons sans défaillance ! »
Fait à Lomé, le 02 août 2018,
Le Front Citoyen « Togo Debout »