Après la signature en grande pompe de deux accords avec le gouvernement togolais, Aliko Dangote s’est vu délivrer deux permis de recherche des phosphates carbonatés. Et selon certains analystes, ces permis seraient une manœuvre dans le but de confier au milliardaire nigérian le mégaprojet d’exploitation et de transformation de phosphates carbonatés et d’engrais.
Le jeudi 07 novembre 2019, le chef de l’Etat togolais a présidé au palais de la présidence de la République une cérémonie de deux signatures de partenariat entre le gouvernement togolais et Dangote Industries Limited (DIL). La signature des deux documents qui s’inscrit dans l’axe 2 du Programme national de développement (PND) qui ambitionne de doter le Togo d’industries extractives et de transformation, était intervenue entre le ministre des Mines et de l’énergie d’alors Marc Ably-Bidmaon et le PDG de DIL, Aliko Dangote.
Selon un communiqué rendu public par la direction de la communication de la présidence de la République, le premier accord portait sur la valorisation et la transformation du phosphate en engrais à destination de la région ouest-africaine. Le coût du projet est de deux milliards de dollars. Les travaux d’aménagement miniers auraient dû démarrer avant la fin de l’année 2019. Cet accord se base sur la complémentarité des deux parties. De son côté, le Togo va fournir du phosphate. Le groupe de Dangote, en ce qui le concerne, s’appuiera sur sa future usine d’ammoniac et d’urée basée à Ijebu-Lekki (Lagos), dont la mise en service est annoncée en 2020. « L’ammoniac est un ingrédient essentiel dans la transformation du phosphate en engrais dérivés de phosphates », a expliqué le communiqué qui ajoutait que « le Togo fournira l’accès aux ressources en phosphates et le groupe Dangote donnera accès à l’ammoniac ainsi qu’au marché nigérian ».
Le second accord était relatif à l’implantation d’une nouvelle cimenterie dans notre pays, à partir du clinker togolais et nigérian. Cette usine, d’une capacité annuelle de 1,5 million de tonnes de ciment, permettrait au gouvernement togolais de répondre aussi bien à la demande locale qu’à celle des pays limitrophes. « La construction de l’usine de Lomé sera lancée au premier trimestre 2020 et sa mise en service est prévue avant la fin de cette même année. L’investissement est estimé à 60 millions de dollars et devrait permettre de créer 500 emplois directs », a indiqué le communiqué.
Des accords qui avaient tellement ravi le chef de l’Etat qu’il ne s’était pas empêché de déclarer : « La transformation structurelle de notre économie est le principal objectif que nous nous sommes fixé dans le contexte du Plan national de développement 2018-2022. Grâce au traitement de notre phosphate, non seulement nous créerons des emplois mais nous serons également en mesure de fournir à nos agriculteurs des engrais de qualité à un prix abordable. Le fait de disposer d’un investisseur industriel de l’envergure de Alhaji Dangoté montre que les efforts que nous avons déployés pour améliorer le climat des affaires portent leurs fruits. Nous avons l’intention de poursuivre cette dynamique pour le bien-être des hommes et des femmes du Togo ».
« Ce partenariat coïncide parfaitement avec notre programme de transformation, en termes de création de prospérité et d’amélioration du développement économique, non seulement au Togo mais également dans le reste de l’Afrique. En outre, le Groupe Dangote est résolu à soutenir le gouvernement togolais dans sa stratégie d’industrialisation qui vise à créer des emplois destinés à ses citoyens et à faire du Togo une destination intéressante pour les investissements », s’était pour sa part enthousiasmé Aliko Dangote.
Et compte tenu de l’ambiance qui avait régné lors de la signature de ces deux accords, on avait cru que les travaux allaient s’accélérer et que dans cette année 2020, le Togo allait devenir un pays producteur d’engrais qui sera vendu aux autres pays de la région ouest-africaine. Mais rien. En plus, la construction de la cimenterie de Lomé qui devrait être lancée au premier trimestre 2020 et sa mise en service prévue avant la fin de cette même année, se font attendre. Les deux projets ne sont même pas à l’étape de la pose de la première pierre que les autorités togolaises affectionnent tant. Interpellée entre-temps sur ces investissements annoncés de Dangote, une source au ministère de l’Energie et des Mines nous a tout simplement dit qu’elle n’avait plus aucune information sur la suite.
Chose curieuse, lorsque l’homme d’affaire nigérian a été reçu en audience le 12 mars 2020 par le chef de l’Etat togolais, il n’avait pas fait allusion à ces accords. « Nous avons envisagé de créer des emplois pour la jeunesse togolaise. Nous avons parlé de l’intégration ouest-africaine, de la CEDEAO, une zone de libre-échange. Comme vous le savez, nous sommes beaucoup plus spécialisés dans le commerce du ciment et des fertilisants. Nous verrons comment faire du Togo l’un des espoirs de l’Afrique de l’Ouest et pourquoi pas de l’Afrique en général surtout en matière d’affaires. Cette rencontre nous a également permis d’échanger sur les approches d’investissement », a-t-il affirmé.
Mais en attendant la concrétisation de ces deux accords dont la signature aurait généré des fonds pour le financement de la frauduleuse ayant consacré le 4ème mandat, le milliardaire nigérian a d’autres convoitises. Mieux, il s’est aussi lancé dans le business minier au Togo. Le 11 février 2020, le ministre des Mines et de l’Energie, Ably-Bidamon, a délivré à la société Dangote Cement Togo SA deux permis. Il s’agit de l’« arrêté N°008/MME/CAB/DGMG/DRGM/2020 portant attribution d’un permis de recherche pour les phosphates carbonatés dans la zone de Kpomé Apéyémé et ses environs, préfecture de Zio, Région maritime » et de l’« arrêté N°009/MME/CAB/DGMG/DRGM/2020 portant attribution d’un permis de recherche pour les phosphates carbonatés dans la zone d’Akoumapé, préfecture de Vo, Région maritime ».
Et selon l’article 5 des deux arrêtés, « Le présent permis est accordé pour une durée de trois (03) ans, renouvelable à compter de la date de la signature du présent Au terme de cette période, la société Dangote Cement Togo SA devra produire un rapport détaillé décrivant tous les aspects qualificatif et quantitatif du gisement ainsi mis en évidence et manifester son désir d’engager la procédure pour une éventuelle exploitation. A défaut de la découverte d’un gisement économiquement exploitable, la concession correspondante sera automatiquement rétrocédée à l’Etat togolais sans aucune autre forme de procédure ».
Cependant, certains observateurs pensent que ces permis octroyés au groupe Dangote seraient une manœuvre dans le but de confier au milliardaire nigérian le mégaprojet d’exploitation et de transformation de phosphates carbonatés et d’engrais. Le Groupe israélien Elenilto qui a reçu le permis d’exploitation en septembre 2015, n’a rien entrepris jusqu’à ce jour. Ses promesses de commercialiser, au plus tard en 2018, au moins 3 millions de tonnes de phosphate de roche concentré, 500 000 tonnes d’acide phosphorique et 1,3 million de tonnes de fertilisants par an, sont comme le rêve dans le ventre du chien. Et le gouvernement togolais s’agaçant de cette lenteur, tente de tendre la perche à Dangote, l’ami personnel de Faure Gnassingbé qui vient de mettre sous son giron le très juteux ministère des Mines.
G. A.
Source : Liberté