Agé de 83 ans, Pasmal est un sportif pluridisciplinaire qui a marqué son époque et sa génération. Il s’est éteint des suites d’une hospitalisation le 18 février 2023 à Washington aux Etats-Unis d’Amérique. La dépouille mortelle de l’ancien vice -président de la Fédération Togolaise de Tennis est rapatriée en terre togolaise en attendant les obsèques prévues durant ce mois d’avril.
Nombreuses et poignantes sont les réactions liées à ce décès. Elles émanent pour la plupart du monde sportif. « Du respect, il en réservait pour tous ceux qui l’approchent. L’aîné Pasmal était surtout caractérisé par une dualité dans le monde des sports de raquette. Connu au tennis de table, une discipline dans laquelle il a régné, il a par la suite bousculé la hiérarchie au lawn-tennis pour enfin se hisser à son sommet. Grand entraîneur et passeur d’astuces sportives, il avait partagé sa passion aux jeunes que nous étions. Tous ceux qui l’ont connu comme capitaine du Togo à la Coupe Davis, ne tarissent pas d’éloges à son égard», a témoigné le Togolais Gilbert Kokou Tougnon, professeur de tennis à Orléans en France.
Les usagers de la bibliothèque du Centre Culturel Américain, alors situé à l’angle de la Rue Vauban et celle de Pelletier Caventou à Lomé, doivent bien se souvenir de l’homme aux cheveux grisonnants avec un chic dress code qui y officiait en tant que premier responsable de cet espace urbain « du donner et du recevoir ».
En dehors de son occupation professionnelle, Gadofin Pasmal Yaka était connu par les gens de sa génération comme un compétiteur passionné ayant montré une aptitude naturelle pour toutes les branches du sport. Pugiliste durant son adolescence, il a également excellé dans l’athlétisme et le football. Pasmal, le prénom par lequel il est plus connu, a consacré avant tout son premier amour pour le sport de raquette, notamment le tennis de table (ping pong) et le lawn-tennis (tennis).
Il a vu le jour le 22 septembre 1940 à Glidji dans la préfecture des Lacs. Après ses études notamment dans la localité, puis à Lomé et au Ghana, il rentre au bercail en intégrant en juillet 1964 le personnel de la représentation diplomatique américaine à Lomé en qualité de projectionniste stagiaire. Gadofin Kpotigan Yaka devient successivement chauffeur projectionniste, projectionniste et bibliothécaire adjoint chargé des expositions, puis bibliothécaire de référence et à la fin, bibliothécaire en chef jusqu’à son admission à la retraite.
Un sportif prolifique et polyvalent
«J’ai pratiqué la boxe durant ma jeunesse avant de l’abandonner car ce sport me prenait trop de temps. Il me fallait une concentration sur mes études », avait confié Gadofin Kpotigan Yaka au détour d’une conversation. Ses débuts dans la pratique du tennis de table remontent en 1963. Assidu et appliqué, il se fera un nom dans cette discipline sportive. Ancien champion national du Togo avec le grade de capitaine et d’entraîneur, Pasmal fut aussi un des membres fondateurs de la Fédération Togolaise de Tennis de table. Il a occupé le poste de Secrétaire Général à partir de 1964 jusqu’à sa démission plus tard en 1973.
Ancien membre du Comité National Olympique du Togo (CNOT) et du Comité d’organisation du tennis de table en Afrique, Gadofin Kpotigan Yaka eut l’insigne honneur de représenter le continent en 1971 aux « Hapoel Games » (Jeux Olympiques d’Israël). Des archives évoquent sa bravoure comme coach de l’équipe de l’Université du Bénin, actuelle Université de Lomé ayant ramené deux médailles d’argent et une médaille de bronze lors de sa participation en 1971 aux VIIe Jeux universitaires de Yamoussoukro en Côte d’ivoire. Il s’agit d’une indication palpable de son intérêt pour le tennis de table dont l’origine se trouve en Angleterre à la fin du XIXe siècle, propagé en Asie et devenu une discipline sportive olympique depuis 1988.
A partir du tennis de table, Gadofin Kpotigan Yaka Pasmal a également percé au lawn-tennis (tennis). Il a remporté le championnat national en 1971 simple messieurs et sur six à sept saisons celui de double messieurs. D’autres figures du tennis togolais à l’image d’Adjiwou Ayao Michel, Comlan Raphaël, Paul Kuassi Kunkel sont de sa génération sportive. Fait majeur, il a remporté à 44 ans, le championnat national en avril 1984, puis le tournoi «Challenge Fabre » durant la même période. Au niveau de la sous-région, il fut un adversaire redouté et respecté par les Ghanéens Georges Camel et le Nigérian Yemisi Allan, patron du Tennis Club de Lagos. Aussi connu sous le sobriquet de « Crocodile », Gadofin Kpotigan Yaka Pasmal a des capacités et des compétences d’organisateur, d’arbitre de chaise et de ligne pour de nombreux tournois.
Pour un temps, le joueur de tennis, le plus âgé à évoluer à la Coupe Davis
En 2000, la sélection togolaise s’était rendue en Ile Maurice pour y jouer la sélection locale dans une rencontre Afrique Zone 3 de la Coupe Davis (la plus prestigieuse des compétitions annuelles de tennis masculin par équipes). Un joueur togolais avait raté son vol et un autre devait quitter la compétition plus tôt pour un autre tournoi. Il était impératif dans ces conditions de trouver la bonne solution.
Le capitaine Gadofin Kpotigan Yaka dût changer son rôle de capitaine en celui de capitaine/joueur. A la retraite et alors âgé de 60 ans et 247 jours, l’ancien Vice-président de la Fédération Togolaise de Tennis durant la période 1996-2004, joue un match décisif et bat ainsi le record mondial du plus vieux joueur de ladite compétition. Lequel record est malheureusement tombé en mai 2007 par le Saintmarinois Vittorio Pellandra, un joueur de 66 ans et 104 jours. .
Gadofin Kpotigan Yaka a su se « garder léger » malgré son parcours exemplaire. Anonyme et discret, il a passé une partie de sa vie de retraité à Glidji, son fief natal après un long séjour à Maryland. Malade, il est retourné au pays de l’Oncle Sam. Ironie du sort, l’ancien bibliothécaire en chef au CCA à Lomé, n’y aura pas gagné le combat ayant nécessité son hospitalisation.
Pour Nicolas Messan Ayéboua, ancien international togolais du tennis aux Jeux africains (Algérie 1978) et (Kenya 1987) et de la Coupe Davis (1990) et actuellement entraîneur breveté de la discipline à Paris en France, le doyen Pasmal «était l’incarnation même de l’esprit sportif. Il aimait la compétition, toute la joie qu’on peut tirer du sport. Il aura laissé son nom dans le tennis à la manière d’un champion épris de grande générosité ».
© Ekoué Satchivi