Manipulation de l’information sur la répression du sit-in des journalistes
La santé de Younglove Amavi de plus en plus critique et nécessite une opération d’urgence
S’il existe un seul Younglove Egbeboua Amavi, si le gouvernement de notre pays n’en connait pas un autre qui ait la même identité et la même profession que l’ancien présentateur de la télévision nationale, c’est que le ministre Yark a pris un gros risque de manipuler une information dont beaucoup de témoins détiennent la vraie version. C’est malheureusement ce qui s’est passé avec le sit-in réprimé du jeudi 14 mars dernier. Le pouvoir des Gnassingbé et du système RPT/UNIR ne change visiblement pas ses méthodes de fonctionnement.
En dépit de tout bon sens.
Le sit-in en question a été organisé par sept organisations et associations de journalistes dans le but de demander le retrait pur et simple de la loi organique modifiée qui confère dorénavant à la HAAC des pouvoirs surdimensionnés. Le jeudi dernier donc, des confrères et consœurs avaient pris rendez-vous en face de l’ancien palais de la présidence pour observer le sit-in prévu pour se dérouler de 8 heures à 12 heures.
Peu avant, le président de la délégation spéciale de la ville de Lomé, le Contre-amiral Fogan Adegnon, avait commencé à jouer les trouble-fête : après avoir enregistré la lettre d’information, il fait dire aux organisateurs que le lieu choisi pose problème car « il ne maîtrise pas le fonctionnement des soldats qui gardent les lieux ». « Ce pouvoir se prépare à nous empêcher de faire le sit-in » avait commenté un confrère après les échanges entre le Contre-amiral et les organisateurs. Ce confrère ne s’est pas trompé. Des policiers et des gendarmes attendaient les journalistes au lieudit pour leur dire qu’ils ne pouvaient pas s’installer en face du palais, qu’il fallait aller en face de la clôture de la résidence de l’ambassadeur de France. La suite, tous les Togolais savent comment à peu près ce qu’elle peut être. Point n’est besoin d’y revenir.
Ce qui est nouveau, c’est bien le récit que le ministre de la sécurité fait de la répression et surtout des soins apportés au confrère Amavi grièvement atteint par une grenade lacrymogène. Dans un communiqué publié le soir des événements, le ministre Yark écrit que « Une grenade lacrymogène a malheureusement atteint au visage M. Younglove Egbéboua Amavi qui a aussitôt été évacué au pavillon militaire du CHU Sylvanus Olympio. Ces jours ne sont toutefois pas en danger ». Tollé général dans la famille des journalistes. Où le Colonel Yark a-t-il vu des gens emmener le confrère Amavi au pavillon militaire ? A-t-il imaginé ou l’a-t-on trompé ? Le mensonge est si gros qu’il fait pousser un gros cri de consternation, de stupéfaction et de révolte. Tous les témoins, manifestants et curieux qui avaient assisté à la course-poursuite, savent que ce sont les confrères Francis Galley, Junior Amenunya et Ferdinand Ayité qui se sont pliés à quatre pour conduire M. Amavi dans un centre privé puis au CHU Sylvanus Olympio.
A y regarder de très près, on constate que le ministre Yark a fait un récit imaginaire de ce qu’il n’a pas vu, se permettant de réaliser un film de science-fiction sur des événements dont la réalité lui échappe. « Monsieur le ministre devrait écrire en haut de son texte non le terme « communiqué » mais bien la formule « rédaction : faites le récit d’une répression policière dont vous avez été témoin » indique un confrère après avoir écouté le communiqué de Monsieur le ministre. Effectivement, il y a de quoi s’arracher les cheveux en constatant que le Colonel Yark a pu dire que le confrère Amavi a été évacué au Pavillon militaire alors même qu’il n’en a jamais été ainsi. Autre imagination ministérielle : la vie du confrère n’est pas en danger. « Le ministre est très imaginatif mais c’est pitoyable pour une république au vingt-unième siècle » commente un autre confrère.
Réplique vive et véhémente des organisateurs : « La Synchronie tient à préciser au Ministre que, contrairement à ses propos selon lesquels ce sont les forces de l’ordre qui ont évacué le blessé à l’hôpital, c’est une équipe de journalistes qui a conduit le confrère Younglove AMAVI au Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio. De plus, le confrère ensanglanté n’a jamais été admis au pavillon militaire. Il a été conduit par les confrères au service de la Stomatologie du CHU » écrit la Synchronie des organisateurs dans un communiqué-réponse en date du 16 mars 2013. Ce qu’il faut préciser, c’est finalement vendredi 15 mars en début de soirée que le confrère Amavi a passé son scanner à la Clinique Autel d’Elie. Les résultats indiquent que la situation du confrère Younglove Amavi est plus grave que l’on imagine.
Il néce ssite une opération chirurgicale au plus tard la fin de cette semaine pour éviter toute surprise désagréable. Encore une fois, sur quelle base le Colonel-ministre Yark déclarait-il déjà jeudi 14 mars que la vie du confrère Amavi est hors de danger ? Pauvre Togo !
Le communiqué des 7 organisations et associations invite dans la foulée le Colonel Yark à « mettre fin aux propos fallacieux et provocateurs qu’il prend le luxe de servir aux populations ».
L’habitude des abus
Les malheureux événements de la plage de Lomé ont fait encore parler très mal de notre pays à l’étranger. Ici et là, on a évoqué un pays où la police tire sur les journalistes pour un simple sit-in. Ce qui est bien curieux puisque cette répression n’avait presque pas son sens ni sa raison d’être. La vérité est simplement que le gouvernement de notre pays a pris la mauvaise habitude d’abuser de la force, de tout faire pour imposer sa volonté, même si celle-ci est ridicule. Autrement, on ne peut pas comprendre que des journalistes soient devenus des éléments dangereux à surveiller au point de leur refuser un sit-in. Les micros, appareils photos et peut-être gilets sont-ils devenus dans notre pays des armes de guerre au point d’apeurer une république ?
La répression du sit-in du jeudi dernier est un abus de plus, comme on en a pris l’habitude dans notre pays. Aux Etats-Unis, des citoyens manifestent devant la Maison Blanche ; des journalistes campent devant cet édifice.
Pourtant, le pays est la première cible des islamistes et djihadistes qui lui promettent quotidiennement la misère et l’apocalypse. Pourquoi donc peut-il être impossible ou interdit de manifester en face du palais présidentiel au Togo ? Faure Gnassingbé, le logeur des lieux, n’était même pas présent et il n’est pas faux de dire que la raison sécuritaire ne convient pas du tout. L’habitude des abus, voilà donc la seule explication à donner à la répression qui a entraîné la grave blessure du confrère Egbeboua Amavi.
Parce qu’on ne veut pas que des journalistes manifestent, on a trouvé des alibis pour les pousser au pied du mur pour les mater et les humilier. On ne veut pas voir de sit-in, donc il faut tout faire pour qu’il n’ait pas lieu, même si pour cela il faut transformer la plage de l’hôtel Ibis en champ de bataille où des vedettes prennent d’assaut la mer et envoient des grenades lacrymogènes dans le vide. On abuse des abus sous nos latitudes au nom de la loi du plus fort. Le Togo est ainsi devenu le siège de tous les actes ridicules les plus inimaginables.
De Gnassingbé Eyadèma à Faure Gnassingbé, les méthodes ne changent pas. Le mensonge grotesque et impudique continue d’être servi aux populations dans des situations où même les individus les plus fêlés vont reconnaître le flou, le faux et l’intox. Même dans l’erreur, on refuse de reconnaître la faute et de faire profil bas. On doit avoir toujours raison comme si de Gnassingbé Eyadèma à Faure Gnassingbé, ce sont des irréprochables et des dieux humanisés qui gouvernaient le pays. Le mensonge flagrant du jeudi dernier est la dernière preuve en date, s’il faut se garder de parler des enquêtes sur les incendies des marchés. Machiavel, Neron, Hérode et Pilate tous ensemble !
Nima Zara
Le Correcteur 422