Le journal Liberté avait publié un article sur une affaire de de dette que Julie Béguédou doit à la BSIC. Elle devait à la BSIC la somme de 3,5 milliards de FCFA et selon le journal la banque avait de la peine à récupérer les fonds.
« Avant la rédaction de l’article, on lui a donné l’occasion de donner sa version des faits. Un courrier a été envoyé en bonne et due forme. Elle n’a pas daigné répondre malgré les multiples tentatives. On a également écrit à la BSIC qui n’a pas répondu nonobstant les nombreuses relances », a fait savoir la rédaction du journal.
Mais à la suite de la publication de l’article, Mme Béguédou porte plainte pour « publication d’informations contraires à la réalité ».
Après plusieurs reports, le procès s’est tenu, ce 18 novembre 2020 à Lomé. Après les discussions, le procureur a requis une amende de 1,5 million et la suspension du journal pour 30 jours.
« Le Procureur de la République n’a que faire du travail professionnel qui a été fait par le journal et est allé dans le sens voulu par Mme Béguédou en dégainant que « trop c’est trop ». Une façon de dire qu’ils ont assez des médias qu’il faut condamner sévèrement. Il a requis une amende de 1,5 million et la suspension du journal pour 30 jours. Délibéré le 09 décembre 2020 », a écrit la rédaction du journal. Rendez-vous donc le 09 décembre prochain pour le délibéré.
Rappelons que le journal l’Alternative et son Directeur de Publication ont été condamnés à 6 millions de FCFA il y a quelques jours dans l’affaire de détournement de fonds dans la commande des produits pétroliers qui l’a opposé à la famille Adjakly.
Voici ci-dessous l’article en question
Prêts et crédits arrangés dans les banques au Togo
La BSIC tousse, Julie Béguédou lui doit plus de 3,5 milliards
Les tentatives de recouvrement de la dette se heurtent à des obstacles
La Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce (BSIC) traverse depuis quelques années des situations difficiles. Ses gros créanciers n’arrivent pas à honorer leurs engagements. Parmi ceux-ci, la société Elisée Cotrane SAU appartenant à Mme Julie Béguédou, une intime du chef de l’Etat togolais, qui doit à cette institution financière plus de 3,5 milliards FCFA. Toutes les nombreuses relances sont jusqu’alors restées sans suite.
L’action commune dans la complémentarité étant la meilleure voie pour l’intégration des Etats et des peuples de la région sahélo-saharienne, l’article 4 du traité 04 février 1998 créant la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CENSAD), a exprimé la nécessité de la mise en place d’une banque. Ainsi, le 14 avril 1999, a été signée la convention portant création de la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce (BSIC). Ouverte depuis juillet 2006 au Togo et ayant un capital de 8, 067 milliards de FCFA, la BSIC a pour ambition « d’accompagner le secteur privé togolais et de favoriser ainsi l’activité économique ». Mais depuis quelques années, la banque est confrontée à d’énormes difficultés dues au non recouvrement de ses créances.
Profitant du chaos libyen, le Directeur général de la BSIC d’alors, Issa Tiendrebéogo, de nationalité burkinabé, et son adjoint, le Togolais Mensah Affambi, qui a d’ailleurs assumé pendant deux ans l’intérim après le départ de son patron en janvier 2014, auraient octroyé des prêts et crédits arrangés à des montants assez élevés, à leurs proches, à leurs épouses et maîtresses, avec la complicité de certaines autorités togolaises. Des faits relayés à l’époque par plusieurs médias. Aujourd’hui, la banque en fait les frais.
En effet, la Banque sahélosaharienne pour l’investissement et le commerce, malgré son bénéfice certifié de l’exercice 2018 d’un montant de près de 1,4 milliard FCFA, n’a pas payé de primes de bilan à ses em ployés en 2019. Selon les informations, cette prime n’aurait pas été payée aussi en cette année 2020 pour le compte de l’exercice 2019. Et pour cause, l’incertitude qui plane sur les crédits octroyés à ses clients dont la Société Elisée Cotrane SAU de Mme Julie Béguédou a été jugée importante par les commissaires aux comptes de la banque. Le compte BSIC numéro 20102500115 ouvert le 07 juillet 2006 au nom de la société est débiteur de 3.521.624.093 FCFA, sans les services de la dette, à la clôture de l’exercice 2018 « A ce jour, la situation n’a guère évolué et personne n’ose mettre la pression sur Mme Béguédou », affirme une source au sein de l’institution. Sont ainsi hypothéqués les efforts des actionnaires et des employés car selon le « Dispositif prudentiel applicable aux banques et aux établissements financiers de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) à compter du 1er janvier 2000 » de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en son point 5.2.3. Risques privés non garantis par l’Etat, il est prévu: « i) pour les risques répondant à la définition de créances impayées ou immobilisées, la constitution de provisions (capital et intérêts) est facultative. ii) pour les risques répondant à la définition de créances douteuses ou litigieuses, les dispositions suivantes doivent être suivies: ii1) les risques privés non couverts par des garanties réelles doivent être provisionnés à 100% au cours de l’exercice pendant lequel les créances sont déclassées en créances douteuses ou litigieuses. ii2) les risques assortis de garanties réelles: la constitution de provisions est facultative au cours des deux premiers exercices. La provision doit couvrir au moins 50% du total des risques le troisième exercice et 100% le quatrième exercice… »
Une reconstitution des faits permettra de cerner l’origine de cette dette contractée par cette intime de Faure Gnassingbé. Vers la fin d’année 2014, dam e Béguédou, cliente de la banque depuis 2006, introduit un dossier de demande de financement pour la livraison des engrais au ministère de l’Agriculture. Elle obtiendra un crédit de 1,5 milliard de FCFA. Comme garantie, Mme Béguédou mettra en hypothèque son domicile flambant neuf de la Cité OUA. Ironie du sort, ce domaine est situé juste en face de la Primature et à proximité de la résidence des DG de la BSIC. En 2015, sans avoir réglé un rond du premier crédit, elle introduit un autre dossier pour une rallonge. Le DG hésitait quand le ministre de l’Agriculture de l’époque, le Colonel Ouro-Koura Agadazi, se déplace en personne pour aller rencontrer le patron de la banque au bureau afin de porter sa caution à cette proche de Faure Gnassingbé. Ensuite, le ministre envoie une lettre de garantie à la banque, rassurant le DG que ledit marché de livraison d’engrais à la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT) est totalement couvert et que le ministère de l’Economie et des Finances se chargera des paiements via le compte du fournisseur « Elisée Cotrane » chez la BSIC. C’est ainsi que la même banque va débloquer encore plus d’un milliard pour une nouvelle livraison d’engrais. Et pour vérifier si le Colonel Agadazi a effectivement joué un rôle dans cette affaire, nous lui avons adressé une correspondance qui est restée sans suite.
Mais une fois que le marché a été exécuté, cette deuxième transaction a été payée par la NSCT via le compte d’une autre banque. Les engagements pris par le ministre Agadazi n’ont pas été respectés. Depuis, tous les recours des DG successifs pour le recouvrement se sont heurtés à un roc. C’est dans ce conflit que l’Administrateur Directeur Général Zafirou Zoumarou-Walis, qui était arrivé seulement en avril 2016, aurait été viré. Et selon les indiscrétions, la demande aurait été faite par Julie Béguédou et l’appareil étatique aurait exécuté.
Les mêmes méthodes mafieuses qui consistent à piller l’économie sont légion sous la gouvernance RPT-UNIR. S’il ne s’agit pas des étrangers qui viennent siphonner les banques togolaises, ce sont les membres de la minorité aux affaires qui les asphyxient avec des prêts qu’ils ne remboursent jamais. On s’en souvient, notre confrère L’Alternative dans son n°846 du 26 novembre 2019 a, dans un dossier d’investigation intitulé « UTB/ La Casa del Papel version togolaise », fait de grandes révélations sur les milliards de crédits accordés aux m em bres du clan mais non remboursés à la BTCI et l’UTB dont les têtes de liste sont le Président de la CCIT, Germain Meba, l’actuel Président de la Commission des Lois à l’Assemblée nationale, M e Tchitchao Tchalim et bien évidemment dame Julie Béguédou dont le compte à elle seule est débiteur de 6 milliards FCFA environ. Si l’on y ajoute les ardoises de la BSIC, c’est dire que Mme Julie Béguédou devrait à elle seule la bagatelle de 9,5 milliards de FCFA sans les intérêts à deux banques togolaises.
Après l’éviction du DG Zafirou Zoumarou-Walis, la patate chaude est filée à son successeur M me Kadidiatou Josiane Kossomi qui, également, multiplie vainement les tentatives de recouvrement. Car le principe de prudence défini de l’OHADA dans un souci de protection des épargnants et des prêteurs exige que les comptes débiteurs âgés de plus de 3 mois ou dont on a d’informations sur leur non recouvrement, doivent être provisionnés. C’est ce sur quoi le cabinet d’audit se fonde pour demander que le compte soit provisionné.
Consciente que de telles provisions auront pour conséquence d’impacter négativement la performance de son management, la nouvelle directrice s’évertue à recouvrer la dette. Elle a déjà tout son personnel sur le dos car ne pouvant pas payer les primes de bilan des exercices 2018 et 2019. De plus, le 1er mai 2019 a été fêté en toute morosité.
Heureusement que la crise sanitaire due au coronavirus a caché un peu ce climat à l’occasion du 1er mai de cette année. Mais la nouvelle directrice, comme ses prédécesseurs, n’arrive pas à faire avancer le dossier. « Personne ne veut avoir des problèmes avec cette dame. Par exemple, le seul virement de 32, 8 millions reçu sur le compte en 2018 a été entièrement retiré quelques jours plus tard suite à des intimidations et menaces », confie un agent de la banque.
Dans notre volonté de recouper l’information, nous avons adressé, le 07 janvier 2020, une correspondance à la Direction générale qui, à ce jour, n’a daigné nous répondre (Voir document 3 en fac-similé). Les nombreux appels de relance sont restés sans suite. Chaque fois que nous nous annoncions, on nous faisait attendre avec l’argument selon lequel la secrétaire allait nous prendre jusqu’à ce que l’appel ne s’interrompe.
Il nous revient par ailleurs qu’aucun magistrat du Togo n’accepte de délivrer l’ordonnance pour saisir les biens de la dame
Béguédou comme la résidence à la Cité OUA ayant fait l’objet de la garantie. Pire, la justice togolaise fonctionne comme si elle était au service exclusif de l’intime de Faure. Car tout dossier qui tombe sur la table d’un magistrat togolais lui est immédiatement communiqué. Et lorsque « Madame la milliardaire » est informée par les taupes du tribunal, elle étale sa discourtoisie vis-à-vis des banques à qui elle doit. Soit par téléphone soit elle descend dans la banque, accompagnée de ses gardes du corps militaires.
Selon les informations en notre possession, la BSIC, l’UTB et la BTCI, ne sont pas les seules victimes de Julie Béguédou, la BIA et l’ORABANK enregistrent également des comptes débiteurs du groupe Elisée Cotrane. Parmi ces institutions bancaires, c’est l’ORABANK qui semble tenir tête à cette dame. Car cette banque aurait opté pour les tierces détentions de marchandise. Par définition, la tierce détention est un « contrat tripartite entre : Le porteur des fonds (banque, créancier gagiste, financier), L’exportateur (importateur) ou emprunteur, Le tiers détenteur désigné pour le dépôt, la garde et la conservation du stock de marchandises ». C’est-à-dire que les marchandises de Mm e Béguédou ne peuvent être livrées au client que sur autorisation de la banque qui s’assure de l’encaissement des fonds dans ses livres avant la relâche.
Toutes nos tentatives pour avoir la version des faits de la directrice d’Elisée Cotrane, Mme Julie Béguédou, sont demeurées. La réponse du courrier que nous avons déposé le 09 janvier 2020 se fait attendre. Les relances répétées n’ont rien changé.
Affaire à suivre.
B. Douligna
LIBERTE N°3139 du Lundi 04 Mai 2020